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Nutrition animale : développer les cultures bios dédiées à l’alimentation animale
La progression de la demande en viande biologique rend urgent de développer les cultures bios dédiées à l’alimentation animale, ainsi que les outils de transformation dédiés
Vers une multiplication des formules à valeur ajoutée
Mais évidemment, les choses ne sont pas si simples. La disponibilité des coproduits n'est pas toujours en phase avec la demande. La composition chimique des coproduits doit elle-même être contrôlée, car le temps où l'on donnait aux animaux de ferme les surplus et déchets végétaux - et aussi animaux - est révolu.
Aujourd'hui, les coproduits voient leur coût d'opportunité s'additionner de coûts de retraitement destinés à les purifier et les ajuster aux besoins de l'acheteur, en termes de composition chimique. En réalité, ils font désormais souvent l'objet d'un « raffinage » destiné à en extraire tel ou tel élément minéral, molécule ou protéine, qui sera réincorporé dans une nouvelle formulation.
Mais la tendance actuelle va nettement plus loin encore : désormais, les industriels de l'abattage-transformation qui achètent les animaux de rente intègrent dans les cahiers des charges des obligations pour l'éleveur de s'approvisionner auprès de tel ou tel fournisseur (qui peut être d'ailleurs en lien étroit avec l'industriel de la viande, tant en système coopératif que privé). Il est vrai que les contraintes deviennent fortes, comme pour la production de viande en circuit bio, qui suppose évidemment que les aliments du bétail soient eux-mêmes cultivés en mode bio pour que la viande puisse être certifiée.
Or, la progression de la demande en viande biologique – en particulier en volaille et en porc - rend urgent de développer les cultures bios dédiées à l'alimentation animale, ainsi que les outils de transformation dédiés (cf. Graphique n°3 ci-contre). En seulement quatre ans, la production française d'alimentation animale certifiée « Bio » a été multipliée par 1,6 et les ambitions des filières affichées lors des États Généraux devraient encore accélérer la progression de la demande. Celle-ci est particulièrement forte pour les aliments Bio destinés aux porcins (+ 28 % en 2018) et aux volailles (+ 22 %, particulièrement pour les poules pondeuses).
Conclusion : vers une multiplication des circuits spécialisés ?
Avant le développement du « Bio », les produits d'appellation (AOP, AOC) et les Labels Rouges avait depuis longtemps inclus dans les cahiers des charges des spécificités concernant l'alimentation des animaux. Pour la volaille, cela a sans doute contribué au développement de filières de qualité qui permettent le maintien des volumes des fabricants d'aliments, sans substitution par des importations plus compétitives. Les cahiers des charges, s'ils n'apportent pas forcément immédiatement plus de valorisation, permettent néanmoins un meilleur accès au marché.
D'où la nécessité et le savoir-faire des industriels français pour gérer la diversité et la complexité croissante de la demande, en appui à des conduites d'élevage différentes - parcours de plein air, temps de grossissement plus long, etc. En viande porcine, à l'inverse, cela a pu apparaître comme un frein inutile dans la course à la productivité, qui peut expliquer le peu de succès de filières de qualité. Mais aujourd'hui, en production animale, il devient courant pour toute filière d'excellence d'intégrer un travail sur l'alimentation de l'animal dans la panoplie des critères d'excellence, avec le souci de retrouver, dans la valorisation de la viande une valeur ajoutée suffisante à justifier ces efforts.
Un exemple récent de cette approche : la relecture du cahier des charges d'AOC telles que le Comté, pour lequel il convient que la vache laitière, outre un choix de race et géographie stricte, paisse sur des prairies dont la composition herbagère est précise et contrôlée, ce qui n'empêche pas, bien au contraire, l'ajout de compléments alimentaires de mieux en mieux dosés. D'une manière générale, ce sera en partant de l'aval vers l'amont que l'on verra progressivement se diversifier et donc se complexifier la fabrication de l'aliment de demain, au profit d'une réponse de plus en plus précise à la demande du consommateur, tant dans sa composante « santé » que « respect du naturel »...
Article extrait de l'Analyse de la conjoncture et de l'actualité agricole et agroalimentaire - PRISME n° 28 - Janv.2020