Engrais perlés : l’Europe ne valide pas l’utilisation en bio

Arrivés sur le marché depuis trois ans et de plus en plus plébiscités en bio, les engrais perlés pourraient connaître une fin prématurée de leur utilisation. La Commission européenne les a qualifiés de vinasse ammoniacale, un fertilisant interdit par le règlement AB.

Le feuilleton autour des engrais perlés pourraient bien connaître un nouveau rebondissement dans les jours à venir. La Commission européenne a défini en juillet dernier ces produits comme étant des « vinasses ammoniacales » du fait de leur teneur en azote ammoniacale. Ce classement les exclus de facto d’une utilisation en agriculture biologique. Plusieurs acteurs qui avaient émis des doutes sur leur conformité à la réglementation bio, à l’image de la Fédération nationale d'agriculture biologique (Fnab) et du Syndicat professionnel des fabricants ou metteurs en marché de fertilisants organiques (Afaïa), se sont réjouis de cette décision.

L’officialisation de cet arbitrage européen en France passe maintenant par la notification aux fournisseurs à l’échelle nationale d’une interdiction de mise sur le marché. Une étape pour laquelle aucune date officielle n’est encore connue. « Nous en saurons peut-être plus le 29 septembre lors du prochain Comité national pour l’agriculture biologique », s’interroge Laurent Largant, le directeur de l’Afaïa.

L’inconnu persiste également sur l’utilisation des stocks actuellement présents chez les distributeurs et les agriculteurs. Côté Fnab, la position est claire. Les producteurs bio doivent pouvoir obtenir un délai pour l’utilisation des engrais perlés déjà présents sur les exploitations lors de l’entrée en vigueur de l’interdiction de mise sur le marché. Concernant les stocks présents chez les distributeurs, Laurent Largant rappelle que ces produits sont toujours utilisables sans contrainte en conventionnel.

Un scénario à rebondissent

Début juillet 2022, Pleinchamp avait publié un article sur ces nouveaux engrais qui permettent une augmentation des rendements en bio de par leur teneur en azote ammoniacale. Les agriculteurs utilisateurs se disaient également très satisfaits par la facilité d’utilisation. Néanmoins certains acteurs émettaient déjà des doutes sur la composition organique de ces granulés produits en Chine et dont le processus de fabrication intrigue. Dans une lettre envoyée au ministère de l’agriculture le 7 février 2022, la Fnab demandait des « moyens légaux de mieux encadrer les importations de fertilisants, pour garantir avec certitude la conformité de tous les produits utilisés en bio ». Le syndicat bio propose notamment d’utiliser les clauses miroirs qui imposent qu’un produit importé réponde au même niveau d’exigence et de contrôle qu’un produit français ou européen. Dans le cas des engrais perlés, la fabrication à l’étranger ne permet pas à la DGCCRF de vérifier leur conformité sur site de production. Or Ecocert, qui avait initialement délivré une validation UAB à ces produits, l’a finalement retirée en juin 2021 après un audit en Chine. Il aura finalement fallu attendre le verdict européen et une potentielle interdiction française de mise sur le marché pour conjuguer pouvoir de contrôle d’Ecocert et pouvoir juridique de l’État.

Quelles alternatives aux engrais perlés ?

Bien qu’arrivés récemment sur le marché des fertilisants bio, les engrais perlés se sont rapidement imposés. Selon des chiffres parus dans le magazine Biofil, pour la campagne 2021, ils atteignaient un volume de 30 000 tonnes. Avec leur possible retrait à venir, se pose la question du manque que cela pourrait créer sur le segment des engrais bio. Pour Laurent Largant, le problème vient de l’interdiction depuis 2018 par le règlement bio de l’utilisation d’engrais à base de fientes de poules en cages issus d’élevages définis comme industriels, et notamment fabriqués par des adhérents de l’Afaïa. « Cela a créé un appel d’air qui a permis aux engrais perlés de trouver une place sur le marché français », analyse-t-il. Le directeur de l’Afaïa insiste sur l’importance d’élaborer rapidement une méthode permettant d’analyser l’origine minérale ou organique d’un fertilisant. « Sans cette méthode de contrôle, le problème se posera encore lorsque de nouveaux fertilisants fabriqués hors du territoire arriveront sur le marché », plaide-t-il.

De son côté, la Fnab met en garde sur un retour en arrière concernant l’utilisation de fientes de poules issues d’élevages industriels. Elle prône le développement d’une fertilité via des leviers agronomiques et des ressources présentes sur la ferme ou son environnement proche plutôt que le recours systématique aux intrants issus du conventionnel.