Engrais perlés : la bio entre idéologie et promesses de rendement

Malgré une polémique sur leur origine et leur composition, les engrais perlés devraient être disponibles sur le marché pour la campagne 2023. Ces nouveaux produits organiques, compatibles avec le cahier des charges bio, ont une efficacité bien plus rapide que les bouchons d’engrais organiques, mais ils soulèvent également des questions idéologiques qui divisent au sein des acteurs de la bio.

Le 15 juin dernier, la chambre d’agriculture de Vendée organisait, en partenariat avec la Cavac, sa journée annuelle « Cultures et fourrages ». Durant l’événement, qui se déroulait à St Cécile dans le bocage vendéen, un atelier sur la fertilisation du blé bio était proposé à la centaine de producteurs présents. À cette occasion, Stéphane Hanquez, conseiller bio à la chambre d’agriculture, a pu présenter les essais menés sur le sujet et faire un état des lieux des produits de fertilisation disponible sur le marché. Parmi les produits autorisés en bio, ce sont les engrais perlés, à nouveaux disponibles pour la campagne 2023, qui étaient au cœur des discussions. Ces nouveaux produits ont l’avantage d’apporter de l’azote rapidement disponible pour la culture.

Des essais convaincants

Les essais menés par la chambre d’agriculture en 2021 avec deux de ces produits, l’Azopril et le Natastan, utilisés à raison de 60uN/ha, montrent une amélioration significative du rendement et de la marge brute par rapport à un blé bio non fertilisé. Les résultats des essais ont également mis en évidence une meilleure réussite de la culture avec l’utilisation d’engrais perlés par rapport à l’utilisation de bouchons d’engrais organiques ou même de fientes séchées.

En compilant les chiffres obtenus sur trois parcelles situées en plaine vendéenne, en zone de bocage et en Charente-Maritime, les engrais perlés obtiennent des rendements supérieurs d’environ 15% au blé témoin. Les bouchons d’engrais organiques ne permettent, eux, d’améliorer les rendements que de 7%. L’analyse de la marge brute (MB)* creuse davantage l’écart entre les deux types de fertilisants. L’Azopril et le Natastan obtiennent des gains respectifs de 254€/ha de MB et 307€/ha de MB, quand les bouchons affichent, au prix actuel des engrais organiques, une marge brute par hectare négative de -40€. Les fientes séchées, qui n’avaient été testées que sur le site de la plaine vendéenne, ont permis une amélioration du rendement de 11% par rapport au témoin et une augmentation de 108€/ha de MB.

Une utilisation facilitée

De par leur capacité à apporter de l’azote rapidement disponible, les engrais perlés rebattent les cartes des itinéraires techniques en bio. Contrairement aux bouchons, ils peuvent être épandus au stade de la culture où la plante en a le plus besoin. « Il y a un effet direct qui change par rapport aux fertilisants utilisés jusque-là. L’apport des engrais perlés peut-être décalé dans le temps contrairement aux bouchons et aux fientes pour lesquels il doit être le plus précoce possible », souligne Stéphane Hanquez. Leur forme permet également une solubilité avec très peu d’eau, là où fientes séchées et bouchons vont rester sur le sol sans se diluer en cas d’année trop sèche. « En termes pratiques, les engrais perlés sont plus faciles à épandre que les bouchons. Ils vont avoir moins tendance à s’agglomérer », rapporte un participant à l’atelier. Si l’effet apport d’azote sur blé fonctionne bien, Stéphane Hanquez rappelle que les engrais perlés n’apportent pas ou peu de phosphate et de potasse. « Ce ne sont pas des produits à instaurer sur l’ensemble de la rotation », prévient-il.

Des questions idéologiques demeurent

Les engrais perlés sont fabriqués en Asie, à partir de canne à sucre et de manioc. Leurs performances, digne des engrais minéraux, questionnent le monde de la bio depuis l’arrivée de ces nouvelles gammes sur le marché. Plusieurs acteurs du secteur avaient émis des doutes sur la composition de ces nouveaux produits. « Une teneur élevée en azote ammoniacal dans un engrais dit « organique » doit conduire à s’interroger sur un possible ajout d’azote de synthèse lors du process de fabrication », écrivait notamment en juillet 2021 l’Afaïa, syndicat des fabricants et metteurs en marché d’engrais organiques. Suite à la polémique qui commençait à naître, les distributeurs n’avaient pas ou peu recommandé d’engrais perlés en 2022. Pour la campagne 2023, ils devraient à nouveau proposer ces produits. Sur le terrain, certains sautent le pas et d’autres s’interrogent. « Le jour où ça sort auprès du grand public, ça risque de nous retomber dessus », remarquait l’un des agriculteurs présents lors de l’atelier.

Ne pas oublier l’agronomie

En bio, l’apport de fertilisants, qu’ils soient sous forme d’effluents d’élevage, de bouchons ou d’engrais perlés, ne fait pas tout. « Le premier facteur de réussite de la fertilisation, c’est la rotation. Nous voyons encore des blés derrière des maïs grain avec des manques d’azote en sortie d’hiver », rappelle Stéphane Hanquez. À l’inverse, prairies, luzernes, légumineuses ou encore colza représentent des bons précédents pour le blé bio. « Nous savons qu’une luzerne va minéraliser sur deux ans. Mais la méthode de destruction va être importante », relève Stéphane Hanquez. Des essais réalisés en Pays de la Loire montrent une différence de 50 unités d’azote restituées entre une dernière pousse de luzerne récoltée ou enfouie.

En bio, les associations représentent également une option intéressante pour la fertilisation de la parcelle. Des essais menés de 2016 à 2019 mettent une évidence un gain de 6q/ha de rendement dans un blé associé à une féverole à 10 grains/m² ou un pois protéagineux à 22 grains/m². Dans les deux cas, le rendement de la légumineuse compense la perte de celui en blé.

*Marge brute calculée sur la base d'un blé à 450€/t et un prix d'engrais à 5,5€/uN pour l'Azopril et les bouchons et 7,5€/uN pour le Natastan

[Article mis à jour le 11 juillet 2022, publié le 1er juillet 2022]