Face à l’influenza aviaire, la filière ne se résout pas à l’impuissance

Alors que la flambée épidémique crée des dommages d’une ampleur inédite, la filière esquisse de nouveaux pare-feux à l’occasion du redémarrage de la production dans le Sud-Ouest. L’irruption inédite et violente de l’IAHP dans les Pays de la Loire légitime un peu plus la piste vaccinale, selon l’Anvol et le Cifog.

Avec un peu plus de 15 millions d’animaux abattus et 1265 foyers au compteur (en date du 13 avril), l’épisode 2021-2022 d’Influenza aviaire hautement pathogène (IAHP) est de loin la plus grave crise jamais subie par la filière. On est loin des 3,5 millions de volatiles abattus au cours de l’hiver 2020-2021, circonscrits autour des 500 foyers recensés dans le Sud-Ouest, contre moins de 400 dans ce secteur cette année. La faute à l’irruption aussi inédite que tardive et violente du virus dans les Pays de la Loire, avec la Vendée pour épicentre (plus de 500 foyers). « Est-ce lié à des migrations ascendantes et à des contaminations par l’avifaune ou le fait d’un virus présent dans l’environnement et contaminant les élevages à la faveur de conditions favorables : les experts ne se prononcent pas », déclare Marie-Pierre Pé, directrice du Cifog, l’interprofession des palmipèdes à foie gras.

Des remises en place échelonnées et pénalisantes

Dans les Pays de la Loire, l’épidémie n’est pas encore totalement éteinte et tout a été fait pour que la Bretagne voisine, autre poids lourd de la production, soit épargnée, en dépit de quelques foyers sporadiques. L’épidémie en cours va faire exploser le montant des indemnisations, comprises entre 250 et 300 millions d’euros pour chacune des trois crises sanitaires récentes. « Si les maillons accouvage et abattage ne sont pas indemnisés à 100%, en raison des plafonds et des pourcentages de prise en charge, les éleveurs le sont à 100% sur la base de la marge brute, explique Yann Nédélec, directeur de l’Anvol, l’interprofession des volailles de chair. Mais cette année, étant donnée l’ampleur de la crise, dès lors que les éleveurs auront le droit de remettre en place des animaux, face au risque d’engorgement des abattoirs, il y aura des décalages de plusieurs semaines voire de plusieurs mois, période pendant laquelle les indemnisations sont plus faibles ». La profession négocie avec les pouvoirs publics des aménagements visant à mieux indemniser en pareil cas.

Les chiffres de la filière volailles et palmipèdes (Source :  Itavi)
Les chiffres de la filière volailles et palmipèdes (Source : Itavi)

De la vulnérabilité des élevages reproducteurs

L’autre facteur aggravant de l’épidémie en cours réside dans le fait que des élevages reproducteurs ont été atteints, ce qui va réduire l’offre d’animaux nécessaires aux remises en place. « Dans le Sud-Ouest, les remises en place, effectives depuis la fin mars sont prudentes et les couvoirs parviennent à fournir, indique Marie-Pierre Pé. Mais lorsque les Pays de la Loire repartiront en production, probablement entre la mi-juin et juillet, nous allons nous trouver dans une situation inédite de concurrence ».

L ‘épizootie 2021-2022 aura, de ce point de vue, pointé une nouvelle vulnérabilité de la filière. « Il faudra tirer les conclusions de cette dépendance à la fourniture d’animaux d’un jour concentrée sur une région », poursuit la directrice du Cifog. Selon l’Anvol, les filières canard à rôtir et pintade mettront deux ans à se remettre de la crise, du fait justement de l’atteinte des élevages reproducteurs. « Pour les poulet et dindes, le retour à la normale en terme de production n’interviendra pas avant 2023, sans pour autant générer de risque de pénurie dans les rayons, sous l’effet des réorganisations de planning par les abatteurs », indique Yann Nédélec. La production de foie gras sera aussi altérée, les Pays de la Loire réalisant 20% de la production nationale.

Une planification collective associant canards et volailles

A l’occasion des remises en place d’animaux dans le Sud-Ouest, la profession explore de nouvelles pistes pour tenter de déjouer les risques lors de l’hiver prochain. « Nous allons mettre en place une planification collective et intelligente associant les volailles et les palmipèdes au sein des zones à risque de diffusion, explique Marie-Pierre Pé. L’idée est de coordonner les vides sanitaires pour éviter les tensions et rendre les territoires moins vulnérables ». Le Cifog rappelle que la mise en place de sa base de données, datant de 2016, a permis de mettre en œuvre la dédensification (à hauteur de 28%), inscrite dans la feuille de route établie en juillet 2021.

"De toute évidence, nous avons besoin de l’outil vaccinal dans la boite à outils"

Outre la planification collective, la profession estime que des progrès sont réalisable en matière de biosécurité, d’observance ou encore au niveau des capacités d’évacuation vers l’équarrissage. Il y a enfin la piste vaccinale. « De toute évidence, nous avons besoin de l’outil vaccinal dans la boite à outils, affirme Marie-Pierre Pé. Au départ, du fait de l’impact sur les exportations, la filière volaille ne voulait pas en entendre parler. Aujourd’hui, tous les pays européens touchés réclament cette mise au point ». « Nous poussons pour que le sujet soit porté au niveau européen », appuie Yann Nédélec. Selon les interprofessions, le démarrage de l’expérimentation, en France, est imminent.