Face à la fronde, l'exécutif repousse sa réforme de l'agriculture

Rattrapé par la colère des agriculteurs, le gouvernement a décidé de reporter de "quelques semaines" son projet de loi sur l'agriculture, pour répondre à la demande de "simplification" du secteur alors que manifestations et blocages se poursuivent dans les campagnes.

A trois jours du Conseil des ministres où il devait présenter un texte promis de longue date "en faveur du renouvellement des générations en agriculture", Marc Fesneau a acté son report.

 "Donnons-nous quelques semaines", a déclaré le ministre de l'Agriculture au "Grand Jury" RTL/Paris Première/M6/Le Figaro, précisant que l'objectif était de voir le texte débattu au Parlement "au premier semestre 2024".

Un motif qui répond à la principale revendication des éleveurs, céréaliers et autres maraichers qui manifestent depuis plusieurs jours, notamment dans le sud-ouest où l'autoroute A64 reliant Bayonne à Toulouse est bloquée depuis jeudi à une cinquantaine de kilomètres de la Ville rose.
Un barrage filtrant devait par ailleurs être installé à Tarascon-sur-Ariège, traversée par la nationale 20, axe important desservant Andorre et l'Espagne.
Des manifestations provoquées par des charges financières et des normes environnementales jugées trop lourdes. La situation n'est pas propre à la France : les mouvements d'agriculteurs se multiplient en Europe, en particulier en Allemagne où des milliers de tracteurs ont convergé sur Berlin en début de semaine.
Comme outre-Rhin, une hausse de taxe amplifie le ras-le-bol. Paris a en effet décidé de relever progressivement la fiscalité du gazole non routier. Au contraire, le leader du parti communiste, Fabien Roussel, a appelé sur LCI à "maintenir" l'avantage existant sur ce carburant car les agriculteurs "n'ont pas d'autre choix que d'en utiliser".

 "Ecouter cette colère" 

 A droite aussi, le chef des députés Républicains, Olivier Marleix, a demandé à l'exécutif de "renoncer dans l'immédiat à cette mesure", affirmant sur France 3 qu'il soutenait "très clairement" la mobilisation des agriculteurs, "y compris les blocages quand il faut se faire entendre".
"Nous avons le devoir d'écouter cette colère et de lui répondre", a insisté le patron de son parti, Eric Ciotti, dans un courrier. Il a demandé au Premier ministre Gabriel Attal "d'annoncer une pause dans la dérive normative".
Les oppositions s'emparent du sujet, à moins de cinq mois des élections européennes.
A commencer par Jordan Bardella, président et tête de liste du Rassemblement national, qui a fustigé samedi depuis la Gironde viticole "l'Europe de Macron qui veut la mort de notre agriculture". 

Au même moment, dans le Rhône, M. Attal a pourtant pris la défense du secteur : "Non, nos agriculteurs ne sont pas des bandits, des pollueurs, des personnes qui torturent les animaux, comme on peut l'entendre parfois".
Discours en forme de main tendue aux syndicats agricoles, avant de recevoir à Matignon la FNSEA et Jeunes agriculteurs, lundi à 18H00. Des organisations échaudées par les reports successifs du projet de loi promis il y a plus d'un an par Emmanuel Macron et finalement moins ambitieux que la "loi d'orientation agricole" initialement annoncée.
"On n'est plus à une semaine près, mais il faudra des choses très concrètes", a déclaré à l'AFP le vice-président de la FNSEA Luc Smessaert, qui réclame notamment "d'arrêter la sur-transposition" des normes européennes et "d'appliquer à 100%" la loi Egalim " pour assurer un revenu aux agriculteurs.