Face à la sécheresse, le gouvernement déploie son 1er plan d’actions post-Varenne

Selon le ministère de l’Agriculture, les déficits de recharge des nappes et de pluviométrie en avril auront un impact sur les rendements des cultures d’hiver, ainsi que sur la production d’herbe. Le Varenne étant passé par là, le gouvernement déploie un arsenal de mesures à court et moyen terme visant à limiter les dégâts.

La situation est sérieuse mais pas encore désespérée : tel est le constat du gouvernement qui réunissait le 9 mai les directeurs des Agences de l’eau et les organisations agricoles. Sérieuse parce que de nombreux indicateurs signent les prémices d’une sécheresse : un déficit de 20% de la recharge hivernale des nappes, un déficit pluviométrique de 25% en avril et de 19% cumulé entre septembre et avril, des prévisions saisonnières de Météo-France faisant état d’un scénario probablement plus chaud et plus sec pour les mois à venir.

Selon le ministère de la Transition écologique, l’année 2022 présente, du point du vue hydrologique, le même profil que 2019, mais il est meilleur, à date, que celui de 2017, où le déficit cumulé de pluie atteignait 25% à la fin du mois d’avril. En date du 9 mai, 15 départements ont pris au moins un arrêté de restriction d’usage de l’eau, avec la gradation suivante : 7 départements en alerte, 6 en alerte renforcée et 2 en crise.

Des impacts sur les cultures d’hiver et la production d’herbe

Le ministère de l’Agriculture, qui s’appuie sur les remontées des Chambres d’agriculture, anticipe « une dégradation des rendements des cultures d’hiver sur un certain nombre de secteurs et en particulier ceux où les sols sont superficiels », mais estime à ce stade « impossible d’anticiper la proportion de la baisse ». En ce qui concerne les cultures de printemps, « tout va dépendre des précipitations dans les semaines à venir. L’absence d’eau pourrait remettre en cause le développement des plantes comme la betterave, le maïs et le tournesol. C’est un point de vigilance mais il est encore trop tôt pour anticiper l’impact ».

En ce qui concerne la production fourragère, si la saison a plutôt bien démarré, le ministère de l’Agriculture note que la production est actuellement « fortement ralentie et qu’il y aura probablement un impact sur la production d’herbe ».

Les enseignements du Varenne

Si les épisodes de sécheresse sont amenés à s’intensifier en fréquence, le gouvernement entend être beaucoup plus proactif dans la gestion de crise. L’anticipation est le maitre-mot de la nouvelle gouvernance inaugurée, cette année, quelques mois après la conclusion du Varenne agricole de l’eau et du changement climatique. « L’enjeu, au moment où la situation est préoccupante mais pas définitive, est de s’organiser collectivement pour prendre les bonnes décisions, minimiser l’impact au maximum et répondre aux enjeux de souveraineté alimentaire », explique-t-on au ministère de l’Agriculture.

Concrètement, cette stratégie repose sur l’élaboration d’un plan d’actions, co-construit par le gouvernement, les établissements publics (comme les Agences de l’eau) et les organisations agricoles, ajusté au fil de l’eau en fonction de l’évolution de la situation, piloté au niveau national et décliné au plan territorial. Cette année, le gouvernement s’est mis en alerte dès le 12 avril, avec la réunion des préfets coordinateurs de bassin, chargés d’anticiper les phénomènes de tension sur la ressource en eau et ses conséquences pour ses usages prioritaires (eau potable et assainissement, énergie et agriculture). Le 29 avril, il augmentait de 100 millions d’euros le plafond de dépenses des agences de l’eau, le tout sur fond de fortes tensions alimentaires au plan mondial après le déclenchement de la guerre en Ukraine.

Les mesures de court terme

Reconnecter des réseaux d’eau potable, financer des projets d’abreuvement des animaux, remobiliser la ressource d’ouvrages existants par des chantiers de curage : tels sont les exemples d’actions réalisables à court terme et permises par le supplément de budget. Le ministère de l’Agriculture a également pris la décision d’augmenter de 20 millions d’euros le premier guichet d’aides dédiées à la 3ème révolution agricole, auquel sont notamment éligibles les outils d’aide au pilotage de l’irrigation.

En ce qui concerne la production de fourrage, l’Etat appelle ses administrations de la Défense et des Transports, ainsi que les collectivités locales, à s’assurer de la mobilisation maximale des surfaces fourragères présentes au sein des bases militaires et des réseaux ferrés. S’agissant du court-circuitage des méthaniseurs, au profit de la production fourragère, le ministère a estimé qu’il était trop tôt pour légiférer dans ce sens, tout en appelant à « la responsabilité collective des agriculteurs ».

En ce qui concerne la possibilité d’exploiter les jachères, consécutive au Plan de résilience et à la guerre en Ukraine, le ministère n’est pas encore en état de jauger son impact sur la production fourragère.

Les mesures de moyen terme

A moyen terme, le gouvernement escompte actionner de nouveaux leviers tels que la réutilisation des eaux usées traitées (REUT). Après un premier décret signé en mars, portant notamment sur une expérimentation de la réutilisation des eaux de lavage urbain, un autre décret devrait concerner les eaux usées des industries agroalimentaires, « dans le respect des normes sanitaires », précise le ministère de la Transition écologique, pour qui la REUT « promet beaucoup, même s’il y a encore beaucoup de travail ».

Dans la droite ligne du Varenne, le gouvernement procède par ailleurs à un inventaire des retenues d’eau. « Le but est d’avoir une vision nationale, fine et exhaustive, des ressources, pour ensuite réaliser un travail de remobilisation de retenues existantes, un axe fort du Varenne avant même la création de nouveaux ouvrages », précise ce même ministère.

Dernier point : le décret sur les volumes prélevables, en cours d’examen au Conseil d’Etat. « Ce futur décret vise d’abord à établir des stratégies de connaissance et d’évaluation dans chacun des bassins pour identifier les volumes prélevables en hiver, hors périodes de basses eaux », indique le ministère de la Transition écologique.