Le risque de sécheresse se confirme en France

Le bilan mensuel des précipitations en France est en déficit pour le quatrième mois consécutif. Il s’établit pour le mois d’avril aux alentours de -30% à l’échelle nationale. La situation est inquiétante notamment sur une large partie du nord de la France, où les tendances sont très anticycloniques pour les prochaines semaines. Le point avec Pierre Huat, météorologiste chez DTN.

Quel est le bilan du mois d’avril en ce qui concerne les précipitations ?

Pierre Huat : Seule l’Alsace, la Franche-Comté, les reliefs jurassiens et du nord des Alpes ainsi que la Corse tirent leur épingle du jeu, avec des excédents généralement peu marqués (+10 à +40%, localement jusqu’à +60/+70%). Ces régions ont été touchées par des averses orageuses récurrentes, alors que la Corse connaissait une journée très pluvieuse le 21 avril permettant un équilibre positif. Une fine bande allant du Bassin parisien à la Lorraine a aussi connu une journée très pluvieuse en début de mois (le 8) et même parfois neigeuse qui permet là aussi d’équilibrer le bilan, voire de le rendre positif. Malheureusement, dans ces deux derniers cas, le gros des précipitations a été cumulé sur une période trop courte, ce qui ne les rend pas efficaces (une bonne partie ruisselle et n’alimente pas les nappes phréatiques). 

Partout ailleurs, il n’a pas assez plu durant ce mois d’avril, que l’on qualifiera de sec à l’échelle nationale. Trois régions se démarquent assez nettement. Nous avons d’une part la Bretagne et les Haut de France, ainsi que dans une moindre mesure la Normandie et les Ardennes, et d’autre part un axe allant du nord du Massif central à la vallée du Rhône jusqu’en Méditerranée. Les déficits sont très importants, avec parfois -60 à -80% par rapport à la normale.

Il est rare que les 4 premiers mois de l’année se suivent et se ressemblent concernant ce paramètre, puisque ce n’est arrivé que 4 fois depuis 1959 : en 1976 (année de la grande sécheresse), 2011 et 2019. Malheureusement, une année difficile en termes de sécheresse (au moins concernant les sols superficiels) se confirme.

La tendance est en plus assez pauvre en précipitation pour le nord du pays, où les derniers jours d’avril et les premiers de mai s’annoncent globalement très secs (aucune pluie n’est à prévoir au sud d’une ligne allant de Caen à Nancy, et très peu aussi sur les régions centrales). Les tendances sont même très anticycloniques à échéance de la mi-mai… C’est légèrement moins inquiétant au sud, où en marge du mauvais temps en Espagne (qui dure depuis 5 semaines !), des orages devraient se développer sur un axe allant des Pyrénées au Massif central et aux Alpes durant la première semaine de mai, avant le retour d’un temps probablement plus calme par la suite. Difficile d’évaluer les cumuls attendus, qui seront très hétérogènes en raison du caractère aléatoire des dégradations orageuses. Il est d’ailleurs difficile aussi d’anticiper si la Provence tirera son épingle du jeu à cette échéance, ce qui serait nécessaire, la sécheresse météorologique y étant très importante depuis le début de l’année.

Quelle est la situation hydrologique actuelle en France ?

Pierre Huat : La sécheresse de surface a bien régressé dans le sud du pays (si l’on excepte la Provence où les quelques pluies n’ont pas été suffisantes) en raison des averses orageuses de ces derniers jours. Ce n’est pas le cas au nord, où la sécheresse météorologique renforce la sécheresse de surface (agricole) déjà bien en place suite à plusieurs mois relativement secs. Malheureusement, le manque de précipitations à venir ces prochains jours et probablement prochaines semaines risque d’entretenir et aggraver la situation.

Concernant les nappes d’eau souterraine, la situation n’est pas critique pour le moment, sauf dans le sud-est et en Corse, où les niveaux sont bas et toujours en baisse. Ailleurs, les niveaux restent proches des normales, mais la période de recharge est maintenant terminée, et il est probable malheureusement que le manque de précipitations finisse par se répercuter, notamment au nord du pays.

Ci-dessus, deux cartes comparant la situation de sécheresse superficielle modélisée entre le 29 avril (à gauche) et le 7 mai (à droite), mettant en avant une nette aggravation de la situation au nord du pays.

Du côté des températures, quel est le bilan du mois d’avril ?

Pierre Huat : Concernant les températures, le bilan est de nouveau excédentaire à l’échelle nationale avec +0,5°C. Cette moyenne cache néanmoins quelques variations géographiques, ainsi qu’entre températures maximales et minimales. Effectivement, les minimales sont plus proches de la normale (+0.2°C d’excédent), notamment en raison du froid de début de mois, où nous avions eu de fortes gelées à la fois en Normandie ainsi que dans le centre-est du Pays, dommageable pour l’arboriculture notamment. Les maximales, aidées par un ensoleillement souvent généreux (+5 à +10% à l’échelle nationale) et des masses d’air régulièrement assez douces affichent en revanche un excédent plus important de +0,8°C.

C’est dans l’Ouest et le Nord-Ouest que la douceur a été la plus marquée (relativement aux normales), avec des excédents approchant du degré (+1,1°C à Lille, +1,2°C à Brest et Tours, +1,4°C à Nantes), alors qu’on constate un très léger déficit ou des valeurs proches des normes sur les régions du sud et de l’est (+0,3°C à Toulouse, +0,2°C à Lyon, 0°C à Nancy, -0,2°C à Ajaccio et Biarritz, -0,3°C à Grenoble). Il y a effectivement eu un temps régulièrement plus maussade sur ces régions, et c’est d’ailleurs souvent dans ces mêmes zones qu’on retrouve les déficits d’ensoleillement les plus importants (-5% à Montpellier, -17% à Biarritz, -20% à Toulouse).

Le schéma récurrent de la circulation atmosphérique depuis le début du mois explique ces disparités entre Nord et Nord-Ouest d’un côté, et Sud et Est de l’autre. Effectivement, alors qu’un blocage anticyclonique s’était mis en place entre les îles britanniques et la Scandinavie (protégeant le nord et l’ouest du pays des perturbations), les dépressions l’ont contourné en passant par le sud, provoquant au passage un temps humide et plus frais entre Ibérie et sud de la France (et parfois aussi l’Est).