Fertilisation azotée des céréales : attendre le début de la montaison pour limiter les risques de maladies et de verse

Dans les conditions actuelles, pour la majorité des situations, aucun apport n’est recommandé avant le 15 février au plus tôt.

Les semis 2022 ont bénéficié de très bonnes conditions d’implantation. Sous l’effet des températures très douces, les levées ont été très rapides et homogènes, les conditions exceptionnelles de croissance en début de cycle ont assuré un tallage abondant. Les céréales, actuellement en plein tallage (début décollement de l’épi pour les variétés les plus précoces et les parcelles semées tôt avant le 15 octobre), présentent des biomasses importantes, avec des niveaux de tallage excédentaires dans de nombreuses situations.

Quelles interventions ?

  1. Aucun apport d’azote n’est nécessaire avant le 15 février, même s’il est possible règlementairement d’en apporter dès le 1er février. En effet, les parcelles, quelle que soit leur date de semis, sont actuellement bien alimentées, avec une forte quantité d’azote déjà absorbée, ce qui se traduit par un tallage très abondant.
  2. Dans tous les cas, ne pas apporter d’azote sur des sols saturés d’eau : les plantes n’auront aucune capacité à valoriser l’engrais. Déclencher l’intervention que si les conditions climatiques sont réunies : sol ressuyé et non gelé, pluie d’au moins 10-15 mm prévue après l’apport et températures poussantes (moyenne supérieure à 10°C).
  3. Sur les sols le permettant, une analyse des reliquats azotés permettra de mesurer plus précisément la quantité d’azote disponible pour les cultures (à minima sur deux horizons), de prendre en compte la période pluvieuse de janvier et ainsi, d’optimiser ses apports.

Quelques situations rencontrées 

  1. Dans les parcelles saines, semées sur la seconde moitié d’octobre, les températures froides de fin janvier freinent la croissance et le stade épi 1 cm est encore loin. Dans ces situations, aucun apport d’azote n’est nécessaire dans les prochains jours : l’impasse tallage sera souvent possible. Pour gérer le risque climatique, un encadrement du stade épi 1 cm sera possible en priorité sur les sols argilo-calcaires.
  2. Dans les parcelles saines, semées précocement (avant 15 octobre) qui ont atteint ou vont atteindre dans les prochains jours le stade épi 1 cm : l’impasse de la dose tallage s’impose. Les besoins de ces parcelles vont augmenter, mais pas aussi rapidement que lorsque les stades interviennent sur des périodes de jours longs et plus poussants. Il faut éviter de trop « pousser » ces parcelles qui ont déjà une forte biomasse et d’exacerber les risques de verse et de maladies précoces. La meilleure solution est d’attendre : cet apport sera à positionner à partir de la deuxième quinzaine de février, avec une dose comprise entre la moitié et les deux tiers de la dose prévue à épi 1 cm.
  3. Dans les rares situations où les céréales présentent des défauts de peuplement ou de faible biomasse (cultures ayant subi des phytotoxicités des désherbages d’automne, dégâts ravageurs…), on peut envisager d’accompagner la culture en apportant une petite quantité d’azote au tallage (30 kg N/ha) dès que les conditions climatiques seront réunies.

Pourquoi ?

Un surplus de fourniture minérale par un apport d’engrais azoté dès le début février favoriserait la mise en place de talles secondaires, non productives. Ces excès de croissance auraient pour conséquence :

  • De réduire fortement l’efficience des engrais apportés au tallage en favorisant l’absorption d’azote par des organes non productifs (talles secondaires ou tertiaires).
  • D’augmenter très fortement les risques de verse en augmentant inutilement le nombre de tiges et en favorisant l’allongement des entre-nœuds.
  • D’exacerber encore plus les maladies, aussi bien foliaires (rouilles, oïdium) que du pied (piétin échaudage, piétin-verse, fusarioses du plateau de tallage).
  • De sensibiliser les cultures aux accidents climatiques : froid (comme en 2016) ou sécheresse (comme en 2020) en augmentant la consommation en eau de la culture.

A l’inverse, une carence azotée survenant durant la fin du tallage sur des cultures très développées (3-4 tiges bien développées/plante) aura pour effet de ralentir l’émission de talles secondaires et tertiaires ; et si elle se prolonge, de provoquer la disparition des talles les plus faibles. Les talles bien développées ne seront éliminées que si la carence est très sévère et se prolonge. On aura donc le temps de réagir avant une telle situation.

Des observations précoces de maladies foliaires sur céréales ?

Les effets de la douceur hivernale couplés à une forte hygrométrie et à une biomasse importante ont favorisé le développement des maladies foliaires, notamment oïdium, rouille brune sur blé et rouille naine sur orge. Un apport précoce azoté contribuerait à amplifier ces risques.

La résistance aux maladies des céréales n’est pas totalement installée à des stades précoces et que le plus souvent elles résisteront mieux à partir de mi-montaison.

Quelles sont les conséquences de la période récente de gel sur céréales ?

Les températures des derniers jours, notamment du 29 et 30 janvier 2023, ont été marquées par une chute significative (-4/-5 °C) mais sans conséquence pour les céréales, même celles ayant atteint le stade épi 1 cm : le froid s’est installé progressivement sur des sols bien ressuyés.

Les parcelles les plus exposées seraient les quelques parcelles ayant dépassé le stade épi 1 cm, avec une alerte en deçà de -4°C sous abris, et un risque de gel des épis des maître-brins les plus développés. Les autres talles assureront la mise en place du rendement.

Message rédigé par ARVALIS avec l’appui des techniciens des Chambres d’Agriculture de Charente, Charente-Maritime et Deux-Sèvres, Coop de Mansle, Coop Sèvre et Belle, Coopérative Entente Agricole de Loulay, Soufflet agriculture, Terre Atlantique et Océalia.