Gaspillage alimentaire : objectif -50% en 2030 pour le secteur agricole

À horizon 2030, la loi prévoit une réduction de moitié du gaspillage alimentaire à l’échelon de la production agricole. Un projet de l’Ademe met en évidence des solutions plus ou moins simples à mettre en place dans les exploitations et stations fruitières et légumières. Des start-up proposent également des solutions de valorisation pour les produits déclassés.

Dans les esprits, le gaspillage alimentaire est souvent rattaché à la consommation des ménages et à la grande distribution. Il est alors vite oublié qu’il débute dès l’étape de la production agricole, notamment dans le secteur ultra frais des fruits et légumes. De fait, il est plus facile de visualiser une poubelle qui déborde qu’un champ non-récolté pour non-conformité. Pourtant, dans un cas comme dans l’autre, il peut s’agir de denrées consommables et pourtant vouées à la destruction. Selon la définition qui est donnée au gaspillage alimentaire, l’agriculture peut même représenter une part importante de la nourriture perdue. Dans une étude réalisée en 2016, l’Agence de la transition écologique (Ademe) avait ainsi extrapolé à 32% la part du gaspillage imputable à la production agricole.

8.700.000 tonnes de nourriture gaspillée en France

En 2019, une directive européenne s’en mêle et impose un nouveau référentiel qui exclut les pertes aux champs, mais intègre les pertes de déchets à la consommation comme les épluchures et les os. En 2020, pour la première mise en œuvre de cette méthode de calcul, sur les 8.700.000 tonnes de nourriture gaspillée en France, seuls 14% sont attribués à la production agricole.

En juillet dernier, la commission européenne proposait une révision de la directive-cadre relative aux déchets, avec de nouveaux objectifs de réduction du gaspillage alimentaire. Le secteur primaire n’étant toutefois pas concerné. Selon Agra presse, Marc Fesneau, le ministre de l’Agriculture, a proposé d’inclure l’agriculture dans ces nouveaux objectifs.

Interrogé sur le sujet lors d’une séance de questions avec l’Association française des journalistes agricoles le 24 octobre dernier, le ministre a confirmé englober les pertes au champ dans le gaspillage. « Si vous mettez en œuvre des facteurs de production mais que vous ne pouvez pas résoudre un problème de ravageur et que de ce fait vous ne récoltez que 30% de la culture, c’est du gaspillage alimentaire », a-t-il souligné. Selon le ministre, un autre facteur de perte à l’échelon de la production est dû au refus de produits de la GMS. « J’ai des idées assez claires sur ce que nous allons pousser sur le sujet du gaspillage alimentaire », a assuré le ministre, sans en dévoiler plus.

Prévenir le gaspillage à la source

Si l’agriculture n’est pas concernée au niveau européen, l’enjeu est de taille au national. La loi Agec, votée en 2021, prévoit une réduction de 50% du gaspillage alimentaire à l’échelon de la production agricole à horizon 2030, par rapport à son niveau de 2015. « J’ai bataillé pour que ces objectifs soient inscrits dans la loi Agec », évoque Guillaume Garot, député de la Mayenne. C’est lui qui est à l’origine de la loi Garot, premier maillon législatif de la lutte contre le gaspillage alimentaire, votée en 2016. Elle prévoit que le premier moyen de lutte repose sur la prévention en amont pour éviter les pertes. « Les agriculteurs le font déjà par eux-mêmes, mais il faut aussi mettre en place des mécanismes d’aides », souligne le député.

Une opération menée par l’Ademe de 2019 à 2021 sur 13 stations et exploitations fruitières et légumières a permis de réduire de 38% le gaspillage alimentaire. Selon les catégories de produits, le gain est encore plus significatif. En Normandie, l’OP légumes d’Agrial a ainsi réduit de 42% le gaspillage alimentaire en poireaux. Le parage des poireaux en station était la principale source de perte. Jusqu’alors destinés à la méthanisation, ces volumes ont été redirigés vers la transformation en poireaux vinaigrette sur un autre site de la coopérative et ont ainsi pu être réintégrés dans un circuit de consommation humaine. Dans la Drôme, c’est la mise en place de vente directe et d’une filière abricot à confiture qui a permis de réduire considérablement les abricots laissés au champs par la coopérative Val Soleil.

Des solutions pour les produits atypiques

Plusieurs start-up travaillent également dans ce sens afin d’offrir des solutions de valorisation pour les produits hors cahier des charges aux producteurs. C’est le cas du grossiste Atypique qui ne travaille que sur ce type de produit. « Nous réalisons du commerce de gros principalement avec la RHD. Nous avons déjà commercialisé 2000 tonnes depuis le lancement il y a deux ans, presque en totalité avec des produits HVE et bio », explique Simon Charmette, co-fondateur et lui-même fils d’agriculteur. L’entreprise rachète les excédents de récolte à un prix aux alentours de 66% des cours nationaux et revend également moins cher les produits. « En carotte par exemple, il existe trois types de produits. Les petits calibres inférieurs à 20 mm, les trop gros dépassant les 40 mm et les produits cassés et tordus. Avec Atypique, nous commercialisons les deux derniers auprès de nos clients », détaille-t-il.

La ferme bio Ty Coz, à Saint Pol de Leon en Bretagne, est l’un des fournisseurs de carottes de l'entreprise Atypique. Le partenariat s’est noué sur le salon Nat’Expo à Paris il y a deux ans. « Aujourd’hui, nous envoyons des offres de prix pour plusieurs semaines sur les légumes déclassés et cassés. Au quotidien, nous nous appelons tous les jours pour fixer les volumes. Ils sont livrés sur Paris et Lyon le lendemain de la commande », retrace Julien Seité, l’un des gérants de l’exploitation. Parmi les grands classiques de ce nouveau type de commerce se trouvent les carottes cassées mais aussi les choux-fleurs jaunis ou les choux trop gros. « Avant, ça partait en élevage, en méthanisation, ou ça restait dans les champs. Avec nos partenaires anti-gaspi, c’est 2 à 3% du volume produit que nous valorisons en anti-gaspi », détaille-t-il.

Sur des volumes moindres, l’entreprise Phénix, présente de longue date sur le marché du zéro gaspi, a ouvert son système de panier zéro gaspi, développé initialement avec les petits commerces, aux agriculteurs.