Glyphosate : l’histoire sans fin

[Edito] Cinquante ans après son lancement, le glyphosate n’a pas fini de faire parler de lui. Depuis son classement comme « cancérogène probable » par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) en 2015, le renouvellement de son autorisation à l’échelle européenne suscite à chaque fois bon nombre de débats scientifiques, politiques et sociétaux. Mais l’herbicide le plus utilisé dans le monde (et en France) ne se laisse pas interdire aussi facilement. Alors que son autorisation dans l’Union européenne expirait le 15 décembre 2023, elle vient d’être reconduite pour les dix prochaines années.

Si le déroulé de cette réautorisation ne fut pas aussi rocambolesque que la précédente en 2017, il n’en est pas moins intéressant à décrypter. Le 16 novembre, à l’issue d’un vote, les Etats membres de l’UE n’ont pas réussi à s’entendre sur la prolongation pour dix ans de l’autorisation du glyphosate. La « majorité qualifiée », requise pour valider ou rejeter le texte - soit 15 Etats sur 27, représentant au moins 65% de la population européenne - n'a pas été atteinte. La France, l'Allemagne, la Belgique, la Bulgarie, l'Italie, Malte et les Pays-Bas se sont abstenus. L'Autriche, la Croatie et le Luxembourg ont voté contre. Les autres 17 Etats-membres ont voté pour.

Dans cette situation, la décision revient à la Commission européenne de trancher. Celle-ci, en se fondant sur les évaluations de l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) et de l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA), a décidé de procéder au renouvellement de l'approbation du glyphosate pour une période de dix ans.

En 2017, dans la même situation (pas de majorité lors du vote des Etats membres), la Commission avait refusé d’assumer cette responsabilité, et demandé aux Etats de voter une nouvelle fois. Parmi les pays qui avaient changé leur vote par rapport au scrutin précédent figurait l’Allemagne, qui avait cette fois validé la proposition de la Commission. Un choix décisif dans la mesure où elle représente à elle seule plus de 16% de la population européenne. La France avait maintenu son vote négatif. A l’époque, Emmanuel Macron entendait « sortir du glyphosate » dans les trois ans. Il a depuis reconnu que ce n’était pas si simple. En 2023, désormais partisane du mantra « pas d’interdiction sans solution », la France n’a pas voté contre la réhomologation du glyphosate, préférant s’abstenir.

Dans la communication qui a suivi sa décision, la Commission européenne a renvoyé les Etats à leurs responsabilités : « les États membres restent responsables des autorisations nationales des produits phytopharmaceutiques (PPP) contenant du glyphosate et continuent de pouvoir restreindre leur utilisation au niveau national et régional s'ils le jugent nécessaire sur la base des résultats des évaluations des risques », a-t-elle publié le 16 novembre. Une déclaration qui « normalise » malheureusement les distorsions de concurrence déjà bien présentes au sein de l’Union européenne.