L’UE va réautoriser le glyphosate jusqu’en 2033

La France s’est abstenue lors du vote qui n’a pas dégagé de majorité qualifiée. La FNSEA « salue » la décision de la Commission européenne, que la Coordination rurale qualifie de « bonne » et la Confédération paysanne de « scandaleuse ».

« Se fondant sur des évaluations complètes de la sécurité réalisées par l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) et l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA), la Commission, en collaboration avec les États membres de l'UE, va maintenant procéder au renouvellement de l'approbation du glyphosate pour une période de dix ans, sous réserve de nouvelles conditions et restrictions ». C’est ce qu’a fait savoir la Commission européenne le 16 novembre, à l’issue du vote en appel des Etats membres qui n’a pas dégagé de majorité qualifiée, tout comme ce fut le cas le 13 octobre dernier au Comité permanent des végétaux, des animaux, des denrées alimentaires et des aliments pour animaux (SCOPAFF). « Conformément à la législation de l'UE et en l'absence de la majorité requise dans un sens ou dans l'autre, la Commission est désormais tenue d'adopter une décision avant le 15 décembre 2023, date d'expiration de la période d'approbation actuelle », précise la Commission européenne.

Les conclusions de l’ECHA et de l’EFSA

La Commission a fondé sa décision sur la base du rapport de l’ECHA qui, en 2022, avait conclu que le glyphosate ne présentait pas les critères scientifiques requis pour être classé dans la catégorie des substances cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction. En juillet dernier, l’EFSA avait de son côté jugé que l'évaluation de l'impact du glyphosate sur la santé humaine, la santé animale et l'environnement n'avait pas identifié de « domaine de préoccupation critique », tout en relavant des lacunes au niveau de certaines données et des « questions non résolues » concernant notamment l'évaluation de l'une des impuretés du glyphosate, l'évaluation du risque alimentaire pour les consommateurs ainsi que l'évaluation des risques pour les plantes aquatiques.

Dans sa décision, la Commission indique que les Etats membres devront respecter certaines restrictions, dont l'interdiction de l'utilisation de cette substance avant récolte pour la dessiccation et la nécessité de prendre certaines mesures pour protéger les organismes non ciblés, sans plus de précisions.

La France s’abstient

Comme lors du vote du 13 octobre, la France s’est abstenue, le ministère de l’Agriculture faisant valoir que la France n’était pas « contre le principe du renouvellement de la molécule », mais qu’elle souhaitait en réduire « rapidement » son usage et encadrer son utilisation, pour en limiter les impacts et la remplacer par d’autres solutions « chaque fois que c’est possible », déplorant que la Commission ne l’ait pas entendue.

En 2021, la France avait banni certains usages et restreint les doses maximales autorisées de glyphosate dans des proportions comprises entre 60% et 80% selon les cultures, en assortissant la mesure d’un crédit d’impôt de 2500 euros pour les agriculteurs y renonçant. En 2022, selon le ministère de l'Agriculture, l’utilisation de glyphosate a baissé de 27% comparativement à la période 2015-2017.

Les réactions syndicales

Dans un communiqué, la FNSEA « salue » la décision de la Commission européenne tout en regrettant la position de la France, qui « a fait le choix de l’abstention plutôt que de s’appuyer sur la science »appelant le gouvernement « à respecter l’engagement de la Première Ministre, pris au dernier salon de l’agriculture lorsqu’elle déclarait qu’ "en matière de produits phytosanitaires, nous respecterons désormais le cadre européen et rien que le cadre européen" ».

Dans sa déclaration, la Commission européenne rappelle que les États membres sont chargés de l'autorisation nationale des produits phytopharmaceutiques contenant du glyphosate et qu'à ce titre, ils peuvent continuer, « s'ils le jugent nécessaire, d'en restreindre l'utilisation aux niveaux national et régional sur la base des résultats d'évaluations des risques, compte tenu notamment de la nécessité de protéger la biodiversité ».

Pour la Coordination rurale, qui parle d’une « bonne décision » à propos de la Commission, « il serait inacceptable que la France introduise une nouvelle distorsion de concurrence intra-européenne », citant les néonicontinoïdes en exemple.

Quant à la Confédération paysanne, elle juge la décision de la même Commission « scandaleuse », une décision que la France aurait pu faire « basculer » si elle ne s’était pas abstenue. « Voter contre aurait eu le mérite de la cohérence avec l’annonce du Président de la République en 2017 de faire sortir la France du glyphosate (...) Réautoriser le glyphosate est une erreur monumentale. C’est ignorer la réalité qui veut que les paysan·nes sont les premières victimes des pesticides, béquilles chimiques et économiques. C'est faire croire que continuer à utiliser cet herbicide ne pose aucun problème. C'est repousser toujours plus loin les changements dans les exploitations agricoles. Enfin, c'est refuser d'assumer la nécessité urgente de soutiens économiques au développement de pratiques affranchies de ce pesticide et plus généralement de toutes les substances dangereuses ».