[Culturales] Faut-il travailler le sol ?

La question taraude Arvalis depuis 1976. Aux Culturales, deux agriculteurs ont témoigné de leurs années et venues dans la simplification, sur fond de couverts végétaux et de fin programmée du glyphosate.

Ceux qui attendent des avis définitifs sur le sujet en seront pour leur compte. Rien de moins simple que d'essayer de simplifier le travail du sol. Et pourtant, quand il s'est installé il y a 20 ans, David Vincent n'a pas tergiversé. « Dès la 2ème année, j'ai abandonné la charrue et la rotation blé dur tournesol pour passer au semis direct et à des rotations longues et diversifiées », se rappelle l'agriculteur, installé sur 220 ha à Alairac (Aude). « Dans un contexte méditerranéen, sur des terres à faible potentiel, avec une pluviométrie variant entre 400 mm et 800 mm, il était hors de question de consacrer 7 h/ha hors récolte, donc beaucoup de temps et d'argent, sans garantie sur le résultat final. Aujourd'hui, je cultive un panel de 8 espèces à raison de 2 h/ha. En fait, je me contente de semer, mais je sème la même parcelle jusqu'à trois fois par an ».

Ce sont les racines qui travaillent

David Vincent se dit « piqué » aux trois piliers de l'agriculture de conservation (AC), à savoir : rotations longues, couverture permanente et travail minimum. On reparlera du glyphosate, l'autre béquille de l'AC. Il évalue ses charges de mécanisation à 120 €/ha hors récolte. « Ce sont les racines qui travaillent », se réjouit-il. Dans le Béarn, Jean-Marc Pedebearn a de son côté supprimé le labour il y a 25 ans. Sur une exploitation restreinte à 50 ha, constituée de terres noires aptes à la monoculture du maïs, il était hors de question de supporter un parc de machines aptes à labourer, préparer et semer le maïs dans un laps de temps réduit à trois semaines. La solution a consisté à déchaumer avant et après l'hiver, précédant un passage de chisel, tout en préservant mes potentiels de 110 à 120 q/ha en sec. Pour aller plus loin, je suis passé au semis direct en 2001 mais j'ai dû faire machine arrière car je perdais 15 à 20 q/ha de potentiel, en raison d'une qualité d'implantation dégradée. Les graminées en ont profité et mes parcelles se sont salies ». Depuis, l'agriculteur a abandonné la monoculture pour intégrer du blé, du colza et du soja. Si les cultures d'hiver sont pénalisées par la forte pluviométrie (1200 mm annuels), le maïs assolé a gagné 7 à 8 q/ha, ce qui contribue à l'équilibre du système. Ses charges de mécanisation sont de 300 €/ha hors récolte. Jean-Marc Pedebearn a conservé la charrue, déployée sur les 10 ha qu'il consacre à l'expérimentation pour Arvalis et d'autres prestataires (phytos, semences).

La béquille glyphosate

Couverture végétale et rotations longues font office de stratégie herbicide dans les deux cas. Mais le glyphosate est nécessairement appelé à la rescousse. Pour Jean-Marc Pedebearn, la parade zéro glyphosate tient en trois points. « Les couverts à base de céréales seront sans doute proscrits au profit des féveroles mais non sans poser de problèmes les années humides », relève-t-il. « Peut-être faudra-il abandonner les couverts au profit du mulch mais en perdant au passage pas mal de bénéfices. Le travail du sol type TCS va perdurer pour fissurer le sol, faciliter la colonisation racinaire et au final sécuriser les implantations ». Dans son système basé sur le semis direct, David Vincent est beaucoup plus embarrassé. « Aujourd'hui, sans glyphosate, je ne sais pas faire », concède-t-il. « Je sais gérer certaines séquences couverts / cultures mais pas toutes. Parmi les pistes, j'explore l'introduction de couverts à base de sainfoin et de luzerne. Le tournesol à 15 q/ha pourrait revenir moins souvent au profit d'un maïs en sec à 40-50 q/ha, produisant plus de biomasse, couvrant davantage le sol et plus bénéfique en terme de structuration de sol ». Une chose est sûre : en dépit des tergiversations gouvernementales sur la question du glyphosate, les deux agriculteurs semblent avoir entériné son retrait à moyen terme.