Sucre : malgré le déficit mondial les cours restent trés bas

Deux ans après la disparition des quotas, la filière traverse toujours une période difficile, alimentée par plusieurs facteurs : production betteravière décevante, prix du sucre en berne, problèmes de gouvernance, Brexit et accords bilatéraux, etc.

Une production française 2019 à nouveau inférieure à la moyenne quinquennale

Le rendement betteravier national devrait atteindre environ 83,5 t/ha à 16°, soit un niveau proche de celui de l'an passé, en restant inférieur de 7 % à la moyenne quinquennale. Nouvelle déception en particulier dans certains secteurs qui ont à nouveau souffert d'une sévère sécheresse ; les rendements connaîtront une fois de plus une grande variabilité selon les régions en fonction de la pluviométrie locale, de 52 t/ha en Limagne à 95 t/ha en Seine Maritime. Compte tenu de la baisse des surfaces à 451 000 ha, soit 6,5 % de moins qu'en 2018, la production nationale de sucre baissera dans la même proportion.

À l'échelon mondial, l'Inde et la Thaïlande qui avaient largement contribué à engorger le marché de la campagne 2018-2019 devraient voir leur production diminuer sensiblement. D'autre part, le Brésil, au vu de la faiblesse des cours du sucre, a fortement réorienté pour 75 %, la transformation de la canne vers la production d'éthanol, dont les cours ont bien progressé depuis un an. Le marché du sucre devrait être allégé de 6 Mt. Pour autant les perspectives d'assainissement notable du marché sont encore lointaines, comme en témoignent les positions vendeurs-nets des fonds spéculateurs (8,5 Mt pour une production mondiale d'environ 170 Mt).

Les cours du sucre restent déprimés

Malgré le déficit mondial (production consommation), évalué aux alentours de 4 Mt pour la campagne 2019-2020, les cours restent à des niveaux très bas : 11,5 cts/lb pour le sucre roux et 260 €/t équivalent pour le sucre blanc. Le marché Spot européen, censé donner une perspective sur l'évolution à terme des cours, se situe aux environs de 400 €/t, bien au-dessus des prix des livraisons effectives actuelles, départ sucrerie, qui sont aux alentours de 280 à 300 €/T.

Pour satisfaire ce marché dont les volumes sont toutefois modestes, et compte tenu des faibles disponibilités françaises en fin de campagne 2018-2019, il a fallu avoir recours aux importations ; plus de 200 000 t de sucre sont ainsi rentrées dans l'UE sur les mois de juin et juillet, à destination essentiellement de l'Espagne. Paradoxalement, la situation d'importateur net de l'UE contribue à soutenir les prix intérieurs avec l'imposition des droits de douane sur les volumes importés.

À l'heure où se tiennent les négociations annuelles de contrats entre fabricants et industriels utilisateurs de sucre, le bas niveau de prix laisse malheureusement envisager une rémunération des betteraves inférieure à celle de 2018.

D'autres inquiétudes dans la plaine...

La fermeture annoncée par deux fabricants de quatre usines en France a marqué les esprits. Eppeville, dans la Somme, et Cagny, dans le Calvados, pour Saint Louis Sucre ; Toury, dans l'Eure et Loir, et Bourdon, dans le Puy de Dôme, pour Cristal Union, fermeront leurs portes après cette campagne. À moins d'une reprise par les planteurs, la production de betteraves pourrait ainsi disparaître en Basse Normandie et en Limagne.

Dénoncé par les planteurs notamment français, le recours aux aides couplées à la betterave par certains membres de l'UE et les dérogations à l'utilisation des néonicotinoïdes ont fait l'objet de discussions au sein du groupe européen à haut niveau en raison des distorsions de concurrence pouvant en résulter. Mais les experts du groupe sont restés divisés sur ces deux points. Les conséquences du Brexit et la volonté du Royaume-Uni de renforcer ses capacités de raffinage, alors que les sucreries françaises à proximité sont un fournisseur important, suscitent également les inquiétudes.

Enfin, l'accord UE Mercosur, qui prévoit la suppression du droit de douane pour 180 000 t de sucre brésilien, un nouveau contingent de 10 000 t au Paraguay et surtout un contingent de 450 000 t d'éthanol à droit nul et 200 000 t à droit réduit renforce les craintes de déstabilisation de la filière sucrière européenne.

En ce début de campagne 2019, ce n'est pas encore l'optimisme. Les industriels se sont efforcés de payer les betteraves 2018 aux alentours de 23 à 25 €/t pour respecter leurs engagements, alors que la valorisation des betteraves au prix de marché était plutôt entre 19 et 20 €/T. La valorisation des betteraves de cette nouvelle campagne pourrait bien ne pas dépasser 22 €/t pour la grande majorité des planteurs.

Veuille économique - Nov. 2019 - Thierry LEMAÎTRE - cerfrance