Influenza aviaire : « La dédensification, c’est bien chez les autres »

La Confédération paysanne estime que l’Etat a délégué la politique sanitaire aux interprofessions, davantage soucieuses des volumes de production que du sort des éleveurs, dont elle estime que 15 à 20% pourraient disparaître sous l’effet des épidémies à répétition.

A l’occasion de sa conférence de presse de rentrée, où il a été notamment question de la future loi d’orientation agricole et de la gestion de l’eau, la Confédération paysanne n’a pas occulté le sujet de l’Influenza aviaire hautement pathogène (IAHP). Il faut dire que depuis l’hiver 2015/2016, qui fut le prélude à une vague d’épidémies toujours plus critiques, voire existentielles avec la contagion du Grand Ouest et de ses élevages reproducteurs (entre autres), la ligne du syndicat n’a pas vacillé d’un iota.

Denis Perreau, secrétaire national en charge de l’élevage : « Il y a deux ans, sur 500 cas, l’Anses a comptabilisé 4 ou 5 cas de contamination avérée par la faune sauvage, c’est accablant pour la claustration »
Denis Perreau, secrétaire national en charge de l’élevage : « Il y a deux ans, sur 500 cas, l’Anses a comptabilisé 4 ou 5 cas de contamination avérée par la faune sauvage, c’est accablant pour la claustration »

La Conf’ considère les élevages autarciques, sinon en circuits courts, comme le meilleur antidote à une maladie en cours d’endémisation et dont l’industrialisation de l’élevage et des filières porte selon elle une grande responsabilité. « L’Etat considère que c’est la nature qui représente le danger et qu’il faut absolument isoler les animaux d’élevage de tout contact avec la faune sauvage, déclare Denis Perreau, secrétaire national en charge de l’élevage. Il y a deux ans, sur 500 cas, l’Anses a comptabilisé 4 ou 5 cas de contamination avérée par la faune sauvage, c’est accablant pour la claustration. L’an passé, la science, à travers l’Anses, préconisait un demi mètre carré par volaille. Cette année, l’Anses propose un périmètre de 30 mètres autour des bâtiments. On se demande ce qui peut justifier cette évolution ».

"Chacun est prêt à dédensifier mais chez les autres, et au final, personne n’y va pour ne pas risquer de perdre des parts de marché"

Si l’Etat semble disposé, sous conditions, à lâcher un peu de lest sur l’élevage de plein air, il a aussi décidé de se pencher sur l’organisation des filières industrielles. La dédensification est en effet sur la table du tout nouveau Comité de pilotage stratégique de la filière volaille, qui rendra ses conclusions au premier semestre 2023. Elle est d’ores-et-déjà entrée en pratique en décembre dernier sur deux zones géographiques distinctes, à savoir le Sud-Ouest, avec un vide sanitaire imposé aux éleveurs de palmipèdes dans 68 communes sises dans quatre départements, et le Grand Ouest, plus précisément dans les départements des Deux-Sèvres et de la Vendée qui concentrent, avec le Maine-et-Loire, 80% des foyers de l’épidémie en cours. « On parle de dédensification mais aussitôt, le Cifog défend ses canards à gaver prêts à sortir et les éleveurs leurs volailles prêtes à pondre, donc chacun est prêt à dédensifier mais chez les autres, et au final, personne n’y va pour ne pas risquer de perdre des parts de marché, affirme Denis Perreau. L’Etat libéral semble avoir abandonné le sanitaire aux interprofessions alors que les interprofessions sont plutôt des organisations économiques, or l’économie ne cohabite pas très bien avec le sanitaire ».

La Conf’ reproche aussi à l’Etat d’avoir délégué aux interprofessions la gestion des banques de données. « L’Administration n’arrive pas à récupérer les données relatives aux mouvements d’animaux ou encore aux mises en place car les interpro en ont quasiment l’exclusivité, affirme Denis Perreau. Sur la vaccination, dont la stratégie est en cours d’élaboration, la Conf’ pique aussi l’Anvol. « On s’est longtemps servi de la vaccination comme barrière non tarifaire et aujourd’hui ça se retourne contre nous », juge le secrétaire national.

15% à 20% des éleveurs en sursis

Le dernier coup de griffe aux interprofessions concerne le marasme économique dans lequel l’Influenza aviaire plonge les filières. « Les remontées de terrain font état de 15% à 20% d’éleveurs qui cesseraient leur activité, majoritairement des autarciques ou encore des éleveurs en filière longue qui ont payé leurs bâtiments, estime Denis Perreau. Les paysans en circuit long avec des bâtiments en intégration sont psychologiquement impactés. Mais ce qui intéresse les interprofessions, ce n’est pas le nombre d’éleveurs mais les volumes de production et les capacités d’export ».

La Conf’ estime que les mécanismes d’indemnisation desservent les élevages autarciques. « Quand on ne va pas au marché pendant trois mois, c’est difficile de retrouver la clientèle alors que les éleveurs en filières longues retrouvent leur marché dès qu’ils ont des poussins et des canards ».

Seul satisfecit : le démarrage d’une expérimentation sur les mesures alternatives à la claustration, initiée par le ministère de l’Agriculture et à laquelle la Conf’ va pleinement contribuer, mais qui va s’étaler sur deux ans. « J’ai peur que d’ici là, on laisse un certain nombre de paysans sur le carreau », conclut Denis Perreau.