Influenza aviaire : le Plan Adour bientôt opérationnel

Si le cadre technique et financier est quasiment scellé, l’impact de la dédensification sur l’aval demeure un angle mort. Et si le Plan Adour fonctionne, se posera alors la question de la rentabilité des élevages amenés, durablement, à produire moins.

Un vide sanitaire du 15 décembre au 15 janvier au sein des élevages de palmipèdes localisés dans 61 communes situés en Zone à risque de diffusion (ZRD) à la croisée de quatre départements (Gers, Hautes-Pyrénées, Landes, Pyrénées-Atlantiques). Une réduction de 40% du nombre volailles au sein de 20 communes les plus peuplées. L’application de ces réductions à 12 communes considérées comme sensibles eu égard à la présence de couvoirs de poussins et de canetons. Telles sont les grandes lignes du Plan Adour décrété par les interprofessions (Anvol et Cifog) pour l’automne-hiver 2022-2023. Objectif : écarter le spectre d’une cinquième épidémie d’influenza aviaire hautement pathogène (IAHP) en sept ans, dans une zone à forte densité de palmipèdes et de volailles.

L’épidémie de l’automne-hiver dernier fut cataclysmique, avec 1378 foyers en élevages, 19,3 millions de volailles abattues et un coût de 1,1 milliards d’euros pour les finances publiques. « Le Plan Adour est fondé sur des travaux de modélisation de l’école vétérinaire de Toulouse, explique Chantal Brethes, président du Palso, l’association de défense du Foie gras du Sud-Ouest. Ces travaux établissent un lien entre les densités et le risque de diffusion. Le périmètre retenu ainsi que les seuils de dédensification sont le fruit d’un compromis entre les niveaux de risque et l’impact économique sur nos filières ».

Vides sanitaires et biosécurité

Le Plan Adour fait partie du plan d’action dévoilé par le ministère de l’Agriculture le 29 juillet dernier. Ces modalités opérationnelles vont être précisées dans les jours à venir. Il va se traduire par un manque à produire de 500 000 canards et de 600 000 volailles et par un renforcement de la biosécurité, au niveau des intervenants en élevage mais aussi des élevages. « Quand un canard sort d’un élevage, il est systématiquement analysé mais ce n’est encore pas suffisant , regrette Chantal Berthes. Le virus de 2022 a montré que les canards pouvaient exécrer pendant dix jours sans être malades. En plus de faire des analyses au dernier moment, nous allons réaliser des analyses trois jours après les avoir bougés et nous procèderont en prime à des analyses de poussières hebdomadaires réalisées à partir de chiffonnettes d’ambiance ».

L’aval fragilisé

Si les éleveurs touchés par la dédensification seront indemnisés à hauteur de 100% grâce à l’allongement de 120 jours de la période d’indemnisations pour pertes économiques, les entreprises de l’aval (attrapage, abattoirs, conserveries) ne sont indemnisées que sur une partie de leurs pertes d’exploitation. « Si mon entreprise met la clé sous la porte, cela ne va pas me rapporter grand-chose, indique Chantal Brethes. Les quatre épidémies récentes ont mis à rude épreuve les conserveries, aux prises avec de l’activité partielle et qui n’ont plus de stocks. La baisse de production liée au Plan Adour impactera leur activité en 2023 seulement et passera hors du champ d’indemnisation ». La profession milite aussi pour faire évoluer certains cahiers des charges. « Aujourd’hui, les chefs utilisent des tranches de foie gras surgelé, de très bonne qualité, très bien maîtrisé par les entreprises mais qui ne sont pas reconnus dans les cahiers des charges », poursuit Chantal Brethes.

Si la dédensification devait durer...

Les interprofessions et associations en charge des IGP et Label Rouge du Sud-Ouest ont fait leurs comptes : il faudrait un total de 12 millions d’euros pour indemniser à 100% l’amont et l’aval. « C’est bien moins que les 500 millions d’euros d’indemnisations post-épidémie, plaide Chantal Brethes. Le problème, c’est que l’on est en butte à des questions juridiques liées au droit de la concurrence au niveau européen. C’est en tout cas ce que nous rétorquent les Régions Nouvelle-Aquitaine et Occitanie ».

Si le Plan Adour fonctionne, autrement dit si la dédensification montre ses effets sur le terrain et pas seulement dans les modèles mathématiques, la question des pertes d’exploitation se posera aussi au niveau des élevages, à l’horizon 2023-2024. C’est encore loin. Et cela signifierait au passage que l’influenza aviaire reflue, ce qui constituerait en soi une bonne nouvelle. Resterait à savoir sous quel(s) effet(s), et avec quelle garantie de pérennité.