Jaunisse de la betterave : la réponse ne sera pas que génétique

A l’occasion d’un colloque de restitution du programme de recherche Aker, visant à exploiter la diversité génétique de la betterave sucrière et à accélérer le processus de sélection, les chercheurs ont exclu l’hypothèse d’une parade 100% génétique pour lutter contre la jaunisse de la betterave. Un plan de recherche spécifique sera soumis cette semaine au ministère de l’Agriculture.

Pas de miracle. Après huit ans de travaux consacrés à l’élaboration d’une nouvelle approche en matière de sélection variétale, il ne faudra pas attendre de la génétique une réponse universelle et définitive à la problématique jaunisse. « Face au défi majeur que représente la sortie des néonicotinoïdes, les variétés vont jouer leur rôle, c’est une certitude, mais elles devront être combinées avec d’autres leviers relevant de l’agronomie et de la protection des cultures », déclare Christian Huyghe, directeur scientifique Agriculture à l’Inrae et chef de projet Aker.

« La jaunisse, ce n’est pas le coronavirus mais c’est une maladie complexe puisqu’on est en présence de quatre virus et de plusieurs vecteurs que sont les pucerons verts et noirs », a renchéri Bruno Desprez, président de Florimond Desprez Veuve & Fils, président du Comité de coordination du programme Aker. « On a notamment mis en évidence l’absence de corrélation entre l’externalisation des symptômes et le degré de sensibilité d’une variété à la maladie ».

Premières réponses dans trois ans

Lancé en 2012, le programme de recherche Aker n’était pas inféodé à tel ou tel critère de sélection tel que le rendement, la montée à graine, la résistance à la cercosporiose ou encore au stress hydrique. Il s’attachait à revisiter complètement l’approche de la sélection variétale de la betterave sucrière, en explorant toute la diversité génétique des espèces sauvages et exotiques et en développant des techniques permettant d’accélérer le progrès génétique.

Concrètement, le programme a jaugé les 10 000 ressources génétiques disponibles pour aboutir au final à la sélection de seize plantes de référence représentatives de la diversité de l’espèce. C’est dans ce vivier que les sélectionneurs vont désormais puiser pour orienter leurs travaux de sélection, s’offrant ainsi la possibilité de réagir à toute nouvelle exigence d’ordre agronomique, phytosanitaire, environnemental ou encore sociétal, avec en prime une célérité accrue.

En effet, les techniques mises en œuvre (génomique, phénotypage...) vont permettre d’écourter de 10 ans à 5 ans la durée d’un programme de recherche et de 5 ans à 4 ans celle d’un schéma de sélection.

Pour en revenir à la jaunisse, qui s’est invitée en dernière minute dans le programme Aker, les chercheurs ont affirmé être capables de jauger le potentiel génétique des 16 plantes de référence d’ici à 3 ans, ce que les sélectionneurs pourront, le cas échéant, transformer en variétés commerciales d’ici à 5 ans.

Un projet anti-jaunisse déposé au ministère

Face à la crise sanitaire générée par la jaunisse, les acteurs du projet Aker, qui a rassemblé 60 chercheurs issus de 11 organismes (universités d’Angers et de Lille, Agrocampus de Rennes, CGB, Inrae, Itb, Geves, Flormiond-Desprez...) vont déposer cette semaine au ministère de l’Agriculture un plan de recherche spécifique, destiné à accélérer l’esquisse de solutions alternatives post-néonicotinoïdes.

Le programme Aker va quant à lui se refermer mais il ouvre, pour les décennies à venir, des perspectives de progrès pour la filière. Les défis ne sont pas minces. Outre les problématiques sanitaires, l’appréhension du changement climatique ou encore la durabilité attendent la betterave au collet.

Sans oublier la compétitivité. « Le rendement de la betterave continue de progresser à un rythme annuel un peu inférieur à 2%, mais dans des conditions non stressantes, affirme Christian Huyghe. Grâce à Aker, nous allons pouvoir sélectionner des plantes plus robustes et moins dépendantes des variations climatiques ». Entre jaunisse et stress hydrique, il est vrai que 2020 n’aura pas ménagé la betterave.