L’agroéquipement ne connaît pas la crise... mais s’empare du Plan de relance

Axema anticipe une baisse de marché du neuf de 5% cette année et de 5 à 10% en 2021. La filière compte exploiter le Plan de relance, qui flèche 250 millions d'euros pour le secteur, afin d'accélérer la transformation agroécologique, qu’elle considère avoir bien défrichée avec Eco-Epandage, Performance Pulvé ou encore le Contrat de solutions. Des Sima Awards sont programmés pour avril 2021.

5,8 milliards d’euros : c’est le chiffre d’affaire que devrait réaliser la filière agroéquipement sur le marché français en 2020. Ce niveau d’activité acterait une baisse d’activité de 5% par rapport au millésime 2019 qui, faut-il le rappeler, avait enregistré un chiffre d’affaires record de 6,1 milliards d’euros, dépassant le record de 2013 (6,09 milliards d’euros).

Si l’affaire était plutôt mal engagée au premier semestre, avec l’irruption de la crise sanitaire qui a, entre mars et avril, réduit de 80% l’activité des constructeurs et placé 10.000 salariés en chômage partiel sur un total 26.000, un phénomène de rattrapage s’est opéré dans les mois suivants, sans se démentir à l’été et à l’automne.

« La crise du coronavirus est une crise des services et non une crise de l’industrie », déclare Frédéric Martin, président d’Axema, l’Union des industriels de l’agroéquipement. Selon une enquête de conjoncture du syndicat, 88% des entreprises adhérentes considèrent que l’impact de la crise a été négligeable, fiable ou limité.

« Cependant, les entreprises nous font part d’une hausse de l’absentéisme, d’une perte de motivation et d’une moindre identification aux valeurs et à la culture de l’entreprise, dus au contexte anxiogène et aux nouvelles organisations du travail mises en place, nuance David Targy, responsable du pôle économique chez Axema. Ce sont des signaux faibles qui méritent d’être suivis ».

-5% à -10% en 2021

Pendant le pic épidémique de printemps, la filière anticipait une baisse de 10% à 20% du marché pour 2020. A cette époque, ils auraient sans doute signé pour un -5%. « Cela signifie que notre filière a une vraie raison d’être, consistant à donner aux agriculteurs les moyens de produire une alimentation saine à nos concitoyens », poursuit le président.

"Les banques n’entrevoient pas de problème de financement et de solvabilité dans le domaine des agroéquipements "

Les indicateurs bancaires confirment, globalement, la résistance et la résilience du secteur face à l’épidémie. « Les banques n’entrevoient pas de problème de financement et de solvabilité dans le domaine des agroéquipements, indique Alain Savary, directeur général d’Axema. Les taux de refus de crédit n’ont pas augmenté tandis que les taux de difficulté de remboursement d’emprunt sur les investissements en agriculture restent très faibles, comparativement à d’autres secteurs ».

Pour 2021, la filière anticipe une baisse de marché compris entre 5 et 10% sous l’effet d’une conjoncture pénalisante pour les secteurs des grandes cultures et de la viticulture et du caractère cyclique du marché. Les suites de la crise sanitaire ainsi que les récoltes 2021 constitueront d’autres déterminants.

Un Plan d’accélération agroécologique

La filière pourra aussi compter sur le Plan de relance dont les premiers subsides sont attendus dès le début de l’année 2021. Outre le fléchage de 250 millions d’euros sur les agroéquipements, dont 135 millions d’aides directes à l’investissement. Les outils de lutte contre le gel et la grêle sont également ciblés.

La filière compte émarger dans les enveloppes consacrées au plan protéines et aux filières animales (biosécurité, bien-être animal et humain). Axema mène actuellement un gros travail auprès des différents opérateurs (FranceAgriMer, BPI France...) pour faire en sorte que les appels à projet ciblent les produits et services porteurs de bienfaits agroécologiques en sens large (précision, environnement, bien-être animal et humain).

« Nous allons commuer le Plan de relance en un plan d’accélération agroécologique, souligne Alain Savary. A travers des programmes comme Eco-Epandage, Performance Pulvé ou encore le Contrat de solutions, nous avons la matière pour aiguillonner les pouvoirs publics sur les matériels les plus porteurs ».

Les pouvoirs publics se montrent réceptifs à la concertation, contrairement à ce qui avait prévalu pour le plan à 30 millions d’euros destiné à accompagner la mise en place des ZNT. A cette heure, les modalités et arbitrages concernant les 135 millions d’aides directes à l’investissement ne sont pas connues.

"Une aide sur des matériels d’occasion ciblés permettrait d’emmener le maximum d’agriculteurs vers la transition"

« Nous militons notamment pour rendre éligibles aux aides certains matériels d’occasion, déclare Alain Savary. Des équipements de haute précision sont remis sur le marché par des agriculteurs qui souhaitent acheter le dernier cri en la matière. Une aide sur des matériels d’occasion ciblés permettrait d’emmener le maximum d’agriculteurs vers la transition, en prenant chacun là où il. On ne veut pas vendre du neuf pour du neuf. Axema est animé par la volonté de participer à la transformation globale de l’agriculture. C’est une vision de moyen et long terme, Il ne s’agit pas de charger les usines pour six mois ».

L'ombre du digital sur les salons

Six mois : c’est le délai que se donne Axema pour organiser les prochain Sima Awards, afin de faire vivre la marque Sima, avant le centenaire programmé en novembre 2022. Axema relève que les discussions avec ses homologues allemand et italien pour réorganiser le calendrier des salons européens sont bloquées.

Face à l’annulation de multiples salons, la crise du Covid a poussé certains constructeurs à organiser des lancements de produits en mode digital, tel que Massey Ferguson (tracteur MF 8S) et Kuhn (mélangeuse autonome Aura). « On voit apparaître une volonté de mixité dans la promotion future des nouveautés entre présences physiques et présences digitales », indique Alain Savary. Nul doute que le digital constitue clairement un concurrent sérieux aux salons, d'autant que les constructeurs ne font pas les choses à moitié en digital. Lely en a donné tout dernièrement la preuve à l'occasion du lancement de nouveaux produits et services, dont la faucheuse-affourageuse robotisée Exos. A suivre. Sur le net ?