L’autoproduction alimentaire, un phénomène de masse aux bénéfices multiples

Selon une enquête commanditée par Gamm vert, 30 millions de Français exploitent l’équivalent d’un potager de 1,2 million d’hectares et un verger de 1,5 million d’hectares, sans compter l’élevage de 12 millions de poules. Décryptage de la France autoproductrice, en quête de réappropriation de son alimentation, d’engagement environnemental et de sociabilité (et aussi d’économies).

30,5 millions de Français, soit 67% de la population âgée de 18 à 75 ans, pratiquent au moins une activité d’autoproduction alimentaire. Plus précisément, ils sont 27,4 millions à cultiver des fruits, des légumes et des herbes aromatiques, 18,2 millions à produire des engrais naturels pour soigner et nourrir leur jardin, 16,9 millions à fabriquer des conserves ou des produits de charcuterie ou encore 4,5 millions à élever 12 millions de poules, tandis que 3% sont apiculteurs. C’est l’extrapolation faite par ObSoCo, une société de conseil spécialisée dans l’analyse des tendances et des mutations de la consommation, sur la base d’une enquête réalisée auprès de 4000 autoproducteurs, excluant les agriculteurs (pour éviter les biais)

Motivation première : manger sain et peu transformé

Avoir la possibilité de consommer des aliments bruts, frais et sains constitue la motivation dominante des autoproducteurs. Cette motivation devance la volonté de faire quelque chose de ses propres mains et la recherche d’économies. Cette échelle de motivations se retrouve chez les producteurs de fruits et légumes. Les « fabricants » d’engrais naturels mettent en avant la préservation de l’environnement et de la biodiversité et le lien avec la nature. Les éleveurs de poules veulent garder un lien avec les animaux, en plus de consommer des aliments bruts, frais et sains. Les apiculteurs, qui représentent 3% de l’échantillon, sont mûs par l’envie d’apprendre et de passer du temps en famille.

84% des éleveurs amateurs de poules produisent une grande partie voire la totalité des œufs qu’ils consomment
84% des éleveurs amateurs de poules produisent une grande partie voire la totalité des œufs qu’ils consomment

Reprendre le contrôle et préserver l’environnement

Selon ObSoCo, l’autoproduction est à la croisée de deux tendances lourdes que sont d’une part l’intérêt croissant des Français pour des activités impliquant l’exercice de leur facultés créatives, physiques, manuelles et d’autre part un changement de leur rapport à l’alimentation. Plus attentifs à leur santé, « les Français souhaitent prendre leur distance avec un imaginaire industriel anxiogène au profit d’une reprise de contrôle de la chaine de production de l’alimentation ». Réduire sa dépendance vis-à-vis des entreprises motive 25% des autoproducteurs particulièrement lorsqu’il s’agit de produire des conserves et bocaux. L’enquête fait par ailleurs état d’un lien avéré entre autoproduction et préoccupations environnementales, beaucoup plus marqué que chez les non pratiquants. C’est selon ObSoCo un moteur puissant de l’autoproduction alimentaire.

Un lien très fort à la consommation et au budget alimentaire

Si l’économie n’est pas la motivation première, il n’empêche que la pratique est étroitement liée à la consommation et au budget alimentaire. Interrogés en janvier dernier, donc avant la poussée inflationniste, 87% des autoproducteurs de fruits et légumes déclarent réaliser des économies grâce à leur production. 29% s’alimentent en grande partie voire exclusivement grâce à ce qu’ils produisent. La proportion grimpe à 84% chez les éleveurs de poules pondeuses. 47% des autoproducteurs donnent au moins une partie de leur production à leur entourage tandis que 3% en tirent un revenu. Côté budget, les autoproducteurs dépensent entre 124 euros (engrais et compost) et 763 euros par an (apiculture) pour l’exercice de leur pratique, la production de fruits et légumes se situant à 128 euros, l’élevage de poules à 269 euros et la production de conserves à 282 euros. Le budget annuel moyen s’élève à 218 euros.

Passer du temps en famille est une motivation très importante des autoproducteurs, de même qu’éveiller les enfants à certaines valeurs et transmettre ses connaissances
Passer du temps en famille est une motivation très importante des autoproducteurs, de même qu’éveiller les enfants à certaines valeurs et transmettre ses connaissances

Un facteur de bien-être

Les autoproducteurs ont un niveau de satisfaction de leur vie plus important que les Français ne pratiquant aucune activité de la sorte : 62% contre 48%. Selon ObSoCo, cette corrélation rejoint les constats réalisés ces dernières années par les « économistes du bonheur » : « faire soi-même est de nature à renforcer l’individu, la confiance et l’estime de soi et au final la satisfaction de sa propre vie ». Ainsi, deux autoproducteurs sur trois (65%) se déclarent très satisfaits de leur(s) activité(s). Le chiffre monte à 77% chez les éleveurs de poules, 75% chez les éleveurs d’abeilles, 70% chez les fabricants de conserves. Le plaisir et la fierté figurent au premier rang des émotions générées par la pratique. Il faut dire que l’autoproduction est quelque chose qui résiste, qui demande de l’expérimentation, de la discipline (fréquence et régularité), des efforts physiques et financiers, avant de générer en retour... plaisir et fierté. « Tout sauf l’école de la paresse » relève ObSoCo.

Le dépassement des clivages sociaux

Age, situation professionnelle, niveau de revenus, classes socio-professionnelle sociale : l’autoproduction est une activité qui défie les catégories et les clivages sociaux observés par ailleurs dans la société, selon ObSoCo. L’absence de clivage n’exclut pas les nuances. Il existe ainsi une prééminence des autoproducteurs chez les 65-75 ans (mais sans décrochage net avec les 18-24 ans), chez les Français vivant dans une maison ou encore chez ceux qui résident dans des communes rurales. Les néo-pratiquants sont du reste plus jeunes et plus urbains que la moyenne des pratiquants, confirmant le caractère transverse de l’autoproduction.

Un jardin de sociabilité et de transmission

Si 58% des autoproducteurs déclarent pratiquer seuls, l’autoproduction est aussi une activité favorisant la sociabilité et la transmission. Passer du temps en famille est une motivation très importante (25%) de même qu’éveiller les enfants à certaines valeurs (23%) et transmettre ses connaissances (17%). Si 42% des autoproducteurs se disent autodidactes, 35% ont appris de leurs parents ou grands-parents et 24% de leurs amis. Outre la sociabilité, l’autoproduction est aussi porteuse de solidarité : 18% pratiquent pour aider un proche.

Des perspectives toujours positives

Selon ObSoCo, l’attrait pour l’autoproduction ne devrait pas se démentir dans les années à venir. En 2021, le nombre d’adeptes a crû de 9% tandis que 18% ont diversifié leur palette. 51% des pratiquants souhaitant en faire davantage dans les années à venir, une proportion qui monte à 60% chez les néo-pratiquants. L’élevage des abeilles, la culture des légumes et la réalisation de bocaux de légumes figurent en tête des aspirations. Il y a aussi de la réserve chez les non pratiquants : deux tiers d’entre eux déclarent vouloir essayer au moins une activité d’autoproduction à l’avenir.