L’heure de la ruralité va-t-elle enfin sonner ?

Président du Parlement rural français, le Cantalien Bernard Delcros a réagi positivement à l’annonce d’un plan France Ruralités, tout en appelant le gouvernement à une politique cohérente.

Fin 2022, Bernard Delcros l’affirmait, le balancier était en train de revenir, lentement mais sûrement, en faveur de la ruralité. Vendredi 16 mars, au lendemain de l’annonce par Élisabeth Borne du plan France Ruralités (lire ci-dessous), sa conviction s’est renforcée : 2023 va marquer une étape décisive pour l’avenir des territoires ruraux. ZRR, dotation aux communes pour la rémunération des aménités rurales, ZAN : sur ces trois points au moins, les choses semblent bien engagées conformément à la résolution du Parlement rural français (que préside le sénateur cantalien) adoptée le 26 mai.

Les ZRR pérennisées

Cheval de bataille du parlementaire cantalien, les zones de revitalisation rurale (ZRR) seront pérennisées au-delà du
31 décembre 2023, s’est engagée la Première ministre
. Une annonce qui vient couronner les efforts permanents de Bernard Delcros en faveur de ce dispositif, objet d’une proposition de loi qu’il a déposée début juin et qui a reçu 170 signatures de sénateurs (dont Stéphane Sautarel) représentant tous les groupes politiques du Sénat. “Elle (Élisabeth Borne) a même accepté un dispositif à deux niveaux : des communes classées ZRR et d’autres, plus fragiles, en ZRR+, ça ne règle pas tout mais c’est déjà une vraie satisfaction”, se félicite Bernard Delcros qui, dans sa PPL, propose une révision des critères des ZRR.

Les communes à faible densité de population et au revenu fiscal par habitant modeste seraient ainsi classées en ZRR avec une disposition complémentaire : d’office, tous les départements dont la densité est inférieur à 35 habitants/km2 et la population en baisse de plus de 4 % sur 1999-2019, seraient intégralement classés en ZRR. Cela concernerait six départements dont le Cantal. Deuxième niveau, renforcé, le ZRR+, pour les communes soumises à des dynamiques défavorables sur au moins dix ans (faiblesse du potentiel fiscal communal en plus des deux critères pré-cités). Réponse sur ce dossier à l’automne dans le cadre de l’examen du projet de loi des finances 2024. “Je défendrai un dispositif ZRR autour de trois piliers : le soutien au commerce, à l’artisanat, à l’installation de professionnels de santé ; le secteur médico-social, notamment en faveur des associations d’aide à domicile au bord de la rupture, et un soutien important aux collectivités”, fait savoir le sénateur.

Deuxième bonne nouvelle, conforme là encore à l’une des revendications du Parlement rural : la dotation spécifique allouée aux communes pour la protection de la biodiversité et la valorisation des aménités rurales (services rendus à la société) créée il y a deux ans, sera non seulement prolongée mais son enveloppe devrait être plus que doublée. Elle passera à 100 millions d’euros, à indiqué la cheffe du gouvernement dans la Vienne, contre 40 M€ actuellement. Une cinquantaine de communes en bénéficient dans le Cantal, celles membres du PNR des Volcans d’Auvergne et de l’Aubrac, et celles disposant de site(s) Natura 2000 sur leur territoire. Bernard Delcros plaide pour élargir ce soutien à toutes les communes ayant des dispositifs de protection de la biodiversité.

Garantie rurale 1 ha, Borne dit oui

Autre dossier, qui avait suscité une levée de boucliers des élus cantaliens et de la France rurale : le ZAN, “Zéro artificialisation nette”, imposé indifféremment à toutes les collectivités à l’horizon 2050. Là encore, la Première ministre a laissé bon espoir, en indiquant que  le gouvernement accepterait la demande d’une “garantie rurale” d’un hectare minimum constructible pour chaque commune (sur une décennie). Disposition qui sera débattue par l’Assemblée nationale le 21 juin, mais Bernard Delcros se veut confiant. “Ce n’était pas gagné au départ...”
Le président du Parlement rural se réjouit également des mesures annoncées par l’exécutif sur le fonds de soutien aux commerces ruraux, la création d’un fonds en faveur des mobilités du dernier kilomètre.... En revanche, s’agissant de l’accès aux soins, il juge la copie insuffisante (déploiement de “médicobus”) et milite pour une régulation de l’installation des médecins généralistes et spécialistes à l’instar de celle appliquée pour les pharmaciens et autres professionnels de santé. “Compte tenu de la situation, je considère que pour une période de dix ans, il faut instaurer cette régulation”, argumente l’élu. En clair ne seraient conventionnés que les médecins s’installant hors des zones surdotées.

Cohérence

Bernard Delcros plaide par ailleurs pour une lisibilité à moyen terme (trois ans) en matière de carte scolaire, pour la prise en compte du critère “classes multi-niveaux” dans les petites écoles rurales pour l’affectation de postes d’enseignants, et, dans les petits collèges, pour la limitation de la pluri-affectation  des enseignants  entre plusieurs établissements, déstructurant ainsi ces derniers. “Investir pour les territoires ruraux, c’est investir pour l’avenir," conclut-il. On ne peut pas d’un côté avoir un plan France Ruralité, et de l’autre, mettre un train de nuit uniquement les week-end et vacances scolaires parisiennes ! Il faut de la cohérence.”