La concurrence alimentaire et la non alimentaire est un faux débat

interview de l’économiste Nicolas Béfort, l’opposition entre production alimentaire et production non alimentaire est simpliste. Il donne trois pistes pour la dépasser dans le premier webinaire Agreenium dédié à la bioéconomie.

L’agriculture n’a pas toujours été spécialisée dans la production alimentaire. « Au contraire, il s’agit d’une parenthèse récente », plante Nicolas Béfort, chercheur associé au Lisis et directeur de la chaire « Bioéconomie et développement durable » à Neoma Business School (Reims). « Avant la Seconde Guerre mondiale, l’agriculture produisait aussi bien l’alimentation que du textile avec le lin, des cordages avec le chanvre, les toitures des chaumières, des matières premières pour la « chimurgie 1» jusqu’au début du XXe siècle, etc. Et certains usages n’ont jamais cessé. »

Une demande de carbone renouvelable
Par ailleurs, loin de minorer les émeutes de la faim liées au développement des biocarburant à la fin des années 2000, Nicolas Béfort explique que s’attacher à une vision mono-usage du secteur primaire est dépassé : « L’agriculture est entrée dans une nouvelle ère. La société lui adresse désormais trois demandes : utiliser des modes de culture durables, notamment vis-à-vis du climat et des sols, produire des aliments de qualité supérieure - mais accessibles à toute la population -, et fournir des produits non alimentaires ».
Pour trouver l’équilibre entre alimentaire et non alimentaire, « il ne suffit pas de s’intéresser au mode de production de la biomasse non-alimentaire en valorisant uniquement les cultures intermédiaires », explique le chercheur. Il faut également s’intéresser à la valeur ajoutée des productions, qu’elles soient alimentaires ou non.

Toutes les productions n’offrent pas la même valeur ajoutée
Chiffres à l’appui, Nicolas Béfort explique que le régime alimentaire actuel, fortement carné, est polluant, consommateur de terres et lié à une faible valeur des productions - nécessitant d’importantes subventions publiques pour améliorer la rémunération des agriculteurs.
Selon lui, végétaliser l’alimentation humaine est une piste non seulement pour dépasser le débat de concurrence des surfaces, mais également pour résoudre ces autres difficultés. Une condition : bien choisir la destination de la biomasse non-alimentaire. En effet, toutes les productions n’offrent pas la même valeur ajoutée, entre celles valorisées pour leur carbone renouvelable, celles exploitées pour leurs propriétés techniques et celles utilisées pour leur énergie…
Cependant, quelle que soit la destination de la production, sa valeur est amenée à augmenter dans le futur. Pour le chercheur, la sobriété est un corolaire du moindre usage du pétrole : « la disponibilité en matières premières sera plus limitée qu’avec les énergies fossiles ». Or, ce qui est rare est cher et des priorités dans les usages seront alors nécessaires.