- Accueil
- La filière émergente des fleurs comestibles
La filière émergente des fleurs comestibles
Le printemps est la période de la pousse des fleurs. Si certaines pointent encore timidement leur tête, d’autres comme la violette (apanage des amoureux transis ou des timides dans le langage des fleurs) se dévoilent très tôt dès le mois de février et disparaissent à l’état sauvage dès que les rayons du soleil se font trop ardents.
Allier la délicatesse aux saveurs culinaires des fleurs n’est pas un phénomène récent. Grecs et Romains se délectaient autrefois de fleurs de roses, sauges et de bourraches utilisées plutôt comme condiments. La gastronomie du Sud de la France nous délecte également de beignets de fleurs de courgettes. Aujourd’hui, de nombreux restaurateurs utilisent des fleurs comestibles pour agrémenter leurs plats. Des bistrots aux grands palaces, les fleurs s’invitent dans les recettes et les cocktails comme à Cannes sur la croisette, ou à Paris avec un célèbre restaurant vietnamien, situé dans le XIIIème arrondissement qui fait de ses nems fleuris l’un de ses principaux plats d’attraction. Certains agriculteurs, engagés dans cette production depuis plusieurs décennies, ont inspiré d'autres à se diversifier et partir à la conquête de cette niche de marché.
A Toulouse, une tradition ancestrale
La production de violettes à Toulouse, qu’elles soient destinées aux bouquets ou à la confiserie, remonte à des temps très anciens. Là où il y a des fleurs, l’amour n’est jamais loin. Selon la légende, cette culture serait née lorsqu’un soldat de l’armée de Napoléon III offrit ces délicates corolles au parfum subtil à sa bien-aimée.
En 1908, une coopérative est créée. Cette culture fait vivre jusqu’à 600 familles jusqu’à la moitié du XXème siècle, puis périclite peu à peu, notamment touchée par le gel de l’année 1956 qui en décime la presque totalité des plants. Outre les bouquets, la violette est transformée en bonbons cristallisés dans le sucre et le blanc d’œuf, parfum, sirop, confiture, encens… Elle entre également dans la fabrication de cosmétiques. Aujourd'hui, quelques producteurs subsistent sur le territoire toulousain, tandis que d'autres cultivent encore la violette à grande échelle, notamment à Tourrettes-sur-Loup, dans l’arrière-pays niçois.
Toute une gamme pour agrémenter vos assiettes
Actuellement, plus d’une centaine de maraîchers - horticulteurs produiraient des fleurs pour l’alimentation humaine. Car outre la violette en confiserie et un peu partout en France, d’autres fleurs peuvent être mangées ou transformées en confiture comme le pissenlit, le bégonia, le bleuet, la bourrache, la capucine, le coquelicot, le cosmos, la pensée, le dahlia, le souci, la rose …
S’il existe encore peu de données économiques sur le sujet, cette voie de diversification est explorée depuis de nombreuses années. Ainsi depuis 2007, la station expérimentale de la Chambre d’agriculture des Alpes Maritimes (CREAM) a développé en partenariat avec ASTREDHOR, Institut des professionnels du végétal un programme national pour développer une filière de production et commercialisation des fleurs comestibles.
L’objectif : proposer aux agriculteurs de nouveaux systèmes de production agro-écologiques et de nouveaux débouchés. Ce projet « Démarche de filière pour l’innovation commerciale en fleurs, feuillages et rameaux coupés » mené sur plusieurs années a permis l’introduction de nouvelles cultures de diversification, en complément des productions « traditionnelles » sur les exploitations. Ces nouvelles cultures doivent permettre de répondre aux attentes de toute la filière, des consommateurs aux producteurs en passant par les restaurateurs.
Le CREAM, centre de recherche de la Chambre d’agriculture des Alpes Maritimes s’est, dans une première phase (2007-2009) attaché à réaliser des premières expérimentations sur différentes variétés de fleurs et plusieurs itinéraires techniques et pratiques horticoles.
ASTREDHOR l’a rejoint dès 2012 pour accroitre le développement de ce problème et en tester les aspects plus économiques, avec pour étude également la faisabilité de créer une filière locale à l’échelle de la région.
L’un des premiers axes a ainsi consisté à déterminer un certain nombre de gammes de fleurs adaptées techniquement et économiquement aux producteurs mais aussi esthétiquement et gustativement aux restaurateurs. Plus de 80 fleurs ont ainsi été testées et seules 20 à 25 ont été retenues comme d’intérêt économique et commercial.
Puis dans un contexte de coopération avec l’Italie frontalière, le CREAM a été partenaire du programme européen "Interreg Alcotra V- France/ Italie ANTEA" (2017-2021), monté autour d’un partenariat multidisciplinaire avec des agronomes (CREA OF de Sanremo – chef de file, CERSAA d’Albenga, Université de Turin et CREAM), des chimistes et électroniciens (Universités de Gènes), l’EPLEFPA d’Antibes pour l’enseignement et l’Université Savoie Mont Blanc- LOCIE pour la partie énergie.
Le projet ANTEA visait à réorganiser la filière émergente des fleurs comestibles grâce à l’application d’innovations technologiques capables d’optimiser chacun des aspects liés à la production, à la qualité, à la sécurité d’utilisation, au conditionnement, au transport, à la conservation, à la transformation et à la commercialisation. Enfin le projet européen "Interreg ANTES" (2022-2023) a permis de capitaliser les résultats des projets ANTEA et ESSICA pour atteindre les acteurs qui ne connaissent pas encore le potentiel des plantes aromatiques et des fleurs comestibles.
Un volet d’enquêtes et de promotion
Outre le volet expérimental, la Chambre d’agriculture s’est attachée à réaliser une enquête auprès des restaurateurs et à effectuer la promotion de ces produits notamment auprès de lycées hôteliers comme celui de NICE (Jeanne et Paul AUGIER), lieux où sont formés les futurs cuisiniers.
Le CREAM a également publié un livre de recettes pour permettre à chacun de s’approprier la cuisine des fleurs comestibles. Rédigé dans les deux langues du programme ALCOTRA, il présente 59 recettes de la cuisine française et italienne élaborée par des amateurs et des chefs sans lesquels il n'aurait pu voir le jour. Des informations sur l'origine, l'utilisation historique et le goût des 40 espèces étudiées au cours du projet ANTEA sont également disponibles ainsi qu'un calendrier de floraison et quelques conseils de culture. La liste des principaux producteurs de fleurs comestibles, du territoire ALCOTRA et plus largement de France et d'Italie, ainsi que celle des restaurants où ont été élaborées les recettes sont disponibles en fin d'ouvrage.
De quoi se différencier
Sur le marché encore de niche de la fleur comestible, existe actuellement une concurrence internationale notamment de la Turquie, de l’Italie et de la Grande-Bretagne.
La production française et notamment ce qui a été expérimenté au CREAM se différencie par le fait que les itinéraires techniques développés ne nécessitent l’usage d’aucun produits phytosanitaires. Ce 0 phyto, garantit ainsi la totale absence de résidus.
Le développement de circuits relativement courts et d’une livraison express permet également de pourvoir des fleurs d’une fraîcheur exceptionnelle. Enfin le type de fleurs intégrées dans ces expérimentations ont été sélectionnées à la fois pour leurs qualités esthétiques qu’organoleptiques. Les saveurs apportées comptent en effet tout autant.
La capitalisation des résultats sur le site internet permet de disposer d’un outil de communication et de documentation pour accompagner les agriculteurs dans la production de fleurs comestibles (fiches de culture, guide de protection des culture durable, technique de séchage…). Les portes ouvertes sur la station d’expérimentation du CREAM et la création du jardin fleurs comestibles constituent un support pour la formation et le transfert des résultats. A la suite de ce projet, de nombreux agriculteurs en groupement ou à titre individuel, ont contacté le CREAM pour venir chercher l’information et se lancer dans la production de fleurs comestibles fraiches ou transformées (tisane, sirops, savons, liqueur, hydrolats, fleurs cristallisées, confitures, …).
Un développement également dans l’Ouest de la France
L'association APFCO, rassemble des producteurs et productrices professionnelles de la Fleur Comestible Fraîche, cultivée en agriculture biologique dont les exploitations se situent dans le Grand Ouest : Bretagne, Pays de la Loire et Poitou-Charentes.
Actuellement cette association fédère une dizaine de producteurs et entend s’engager également dans la formation de futurs porteurs de projet. Elle entend également favoriser la structuration d’une filière locale à destination des restaurateurs de proximité et a noué également un partenariat avec le CREAM et l’antenne d’ASTREDHOR Angers.
L’APFCO espère enfin avec le Lycée nature de la Roche sur Yon organiser des sessions de formations d’une dizaine de jours à la fois à destination d’agriculteurs ou de futures agriculteurs intéressés par cette production mais également auprès des restaurateurs pour leurs faire connaître toutes les opportunités gustatives et culinaires des fleurs comestibles.
Point de vigilance
La fleur comestible, comme le champignon n’est pas un produit anodin. Pour s’assurer de la nature et de la qualité de la fleur, il est plus prudent d’acheter à des professionnels plutôt que de se livrer à une cueillette parfois hasardeuse.