La proposition de loi Egalim 2 adoptée à l’Assemblée nationale

Elle prévoit de généraliser les contrats écrits sur trois ans minimum, en tenant compte des coûts de production, et de rendre non négociable, entre l'industriel et le distributeur, la part du prix correspondant au coût des matières premières agricoles. Le Sénat va désormais l'examiner.

La proposition de loi a été adoptée par 56 voix pour et 4 abstentions à la gauche jeudi 24 juin. Le texte de Grégory Besson-Moreau (LREM) doit désormais être examiné en première lecture au Sénat. Il a vocation à compléter l'arsenal de la loi Alimentation ou "Egalim" votée en 2018, qui a notamment encadré les promotions et relevé le seuil de revente à perte afin d'enrayer la course aux prix bas en magasins. Mais elle n'a pas tenu ses promesses en termes de rémunération pour les agriculteurs.

La proposition de loi prévoit de généraliser les contrats écrits entre l'agriculteur et l'entreprise qui va transformer ses produits, sur trois ans minimum, en tenant compte des coûts de production. Et de rendre "non négociable", entre l'industriel et le distributeur, la part du prix correspondant au coût des matières premières agricoles.    

"D'abord stopper la déflation"

La loi Egalim "a montré ses limites", a reconnu dans Le Figaro le ministre de l'Agriculture Julien Denormandie, en fonction depuis un an, évoquant "des dérives à la fois chez des industriels et des distributeurs". Il s'agit de mettre "au coeur de la négociation la matière agricole", a fait valoir le ministre devant les députés: "Même si la situation s'est améliorée, la guerre des prix perdure", et "elle est antinomique avec la poursuite de notre modèle agricole, fondé sur la qualité". "Il nous faut agir vite" pour que les prochaines négociations commerciales "puissent être différentes de ce que nous venons de vivre", a-t-il plaidé, cependant qu'industriels et distributeurs sont réticents, à l'inverse des syndicats agricoles.

Au sujet des inquiétudes sur une possible hausse des prix alimentaires en répercussion, M. Denormandie a estimé qu'il fallait "d'abord stopper la déflation" et "ne pas confondre politique sociale" en faveur du pouvoir d'achat et "politique agricole".

"Réguler" sans "étouffer"

Les oppositions la jugent cependant limitée et soupçonnent la majorité de vouloir gagner des voix chez les agriculteurs. Rappelant que certains gagnent "un demi-RSA par mois en travaillant sept jours sur sept", Julien Dive (LR) a pointé des "angles morts" du texte, notamment sur la structuration des filières ou les ventes à perte. Le socialiste Dominique Potier a souligné "la distorsion de concurrence brutale" entre "un cartel des acheteurs" des produits agricoles, "à travers une poignée de centrales d'achat", et "300-400.000 producteurs". "Le revenu paysan a continué à se dégrader" et cette proposition de loi sonne comme un "aveu implicite de l'échec d'Egalim qui ne permet pas un rééquilibrage durable" des relations commerciales, a renchéri le chef de file des députés communistes André Chassaigne.

En vain, François Ruffin (LFI) a défendu avec d'autres l'instauration de "prix planchers" au profit des agriculteurs. "Peut-être souhaitez-vous que les agriculteurs soient des salariés de l'Etat, ce n'est pas notre choix", lui a rétorqué le rapporteur Besson-Moreau. Il faut "avancer sans manichéisme", "réguler pour protéger, sans étouffer" afin de maintenir "une concurrence saine", avait prôné le ministre Denormandie auparavant.

"Social washing"

Les députés ont adopté des amendements prévoyant l'expérimentation d'un "tunnel de prix", avec des bornes maximales et minimales, pour certaines filières dont la viande bovine. Ils ont complété le volet aval également, en prévoyant par exemple davantage de transparence sur chaque service, dans les contrats entre industriels et distributeurs. Les parlementaires ont aussi voté l'obligation pour un industriel de vendre son produit au même prix à tous les distributeurs, pour réduire la pression à la baisse - principe qui était en vigueur jusqu'en 2008. La proposition de loi prévoit en outre d'expérimenter un affichage sur la rémunération des agriculteurs ("rémunérascore"), à destination des consommateurs - du "social washing" (communication sociale) selon la Confédération paysanne. Elle oblige à indiquer le pays d'origine pour certains produits agricoles et alimentaires. Il est prévu également de sanctionner le fait de faire figurer un drapeau français sur les emballages de produits alimentaires dont les ingrédients primaires n'auraient pas été produits en France. Mais M. Denormandie a mis en garde contre une incompatibilité avec le droit européen.