La sécheresse, facteur aggravant de la pollution de l’eau par les nitrates

Dans le massif karstique du Jura, les pics de nitrates relevés dans les rivières à l’automne sont corrélés à l’intensité des sécheresses. C’est ce que pointe une étude du BRGM, qui rappelle que les sols karstiques couvrent un tiers du territoire hexagonal.

Le paradoxe jurassien : c’est en ces termes que l’étude du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) évoque les résultats d’une étude portant sur la pollution des eaux par les nitrates. Le paradoxe en question est le suivant : alors que le territoire est marqué par la prééminence de pratiques extensives (80 % de prairies permanentes, 10 % de prairies temporaires 10 % de cultures de plein champ) et que les rejets agricoles sont orientés à la baisse depuis plusieurs décennies, sous l’effet conjugué des mises aux normes, des plans d’épandage, de la baisse du cheptel et des apports d’engrais minéraux, les rivières comtoises du massif du Jura (Ain, Bienne, Dessoubre, Doubs, Loue) connaissent depuis plusieurs décennies une dégradation chronique de la qualité de leurs eaux.

Des pics de nitrates corrélés aux épisodes de sécheresse

Le BRGM a établi entre le contexte géologique du massif du Jura, constitué de sols peu profonds développés sur des roches calcaires, les phénomènes de sécheresse et les pics de nitrates dans les rivières. Les bassins des rivières karstiques comtoises ont la double particularité d’être alimentés principalement par des eaux souterraines qui détiennent peu de pouvoir de rétention des polluants (que ce soit pour l’azote ou d’autres types de contaminants), et de posséder dans de nombreux cas de faibles réserves en eau.

Durant la période sèche, les sources et les rivières sont alimentées par des eaux issues des réserves les plus anciennes des aquifères enrichis par la recharge des nappes des années précédentes. Au retour des pluies automnales, l’eau infiltrée dans les fissures se retrouve en quelques heures transportée dans des réseaux souterrains et des cavités jusqu’aux sources qui alimentent les rivières. Et c’est alors que des pics de nitrates sont relevés dans les cours d’eau. Le modèle d’exportation des nitrates développé par le BRGM établit une corrélation entre les concentrations en nitrates et les épisodes de sécheresse.

Un tiers du territoire français couvert par les karsts

Les sols karstiques ne sont pas l’apanage du Jura. Selon le BRGM, plus d’un tiers de la France hexagonale est couverte par les karsts (Normandie, bassin Parisien, Jura, Causses du Sud-Ouest et du sud de la France, massifs des Préalpes et de Provence, etc.). De grandes villes françaises (Paris, Montpellier, Orléans, Besançon…) dépendent de cette ressource pour leur alimentation en eau potable. « Lors de la dernière décennie, 7 des 10 années les plus chaudes ont été enregistrées en France, amplifiant le risque de sécheresse. Dans ce contexte préoccupant, nous devons alors redoubler d’efforts pour diminuer la pression polluante en nutriments si l’on souhaite retrouver un bon état écologique pour les territoires les plus sensibles comme les bassins karstiques », conclut le BRGM.