« La vie d’un paysan, le père Jean »

Le parcours d’un homme de la terre, engagé dans le syndicalisme et la défense du monde rural. Le portrait d’un visionnaire dressé sous la plume de son petit-fils.

Maurice est un enfant du Bourbonnais, cette ancienne province du centre de la France, qu’on appelle désormais l’Allier. Un département de bocage, de bois et de terres cultivées ornant d’immenses propriétés de riches aristocrates pratiquant le métayage jusque tard dans l’histoire. Une région à laquelle ses habitants s’attachent particulièrement. Maurice est l’un d’eux. Enfant, c’est sur les bancs de l’école de Lalizolle qu’il débute sa scolarité pour ensuite obtenir le droit, après examen, d’intégrer le collège Jules-Ferry, à Vichy. Vient ensuite le lycée où il obtient le Bac Math Le diplôme en poche, il poursuit ses études au lycée Blaise-Pascal, à Clermont-Ferrand au sein d’une classe préparatoire aux grandes écoles. Après plusieurs concours, la réussite est au rendez-vous et c’est vers l’école nationale de la statistique et de l’administration économique de Paris qu’il se dirige. Après deux années d’études, il est embauché au Ministère de l’Agriculture en 1969 pour rejoindre, à Clermont-Ferrand, en 1973, la Direction régionale de l’Agriculture et enfin, la Direction départementale de l’Agriculture, à Moulins, en 1980. Une dernière étape de son parcours professionnel en tant que chef du service des études économiques et statistiques.

Un auteur passionné par la ruralité
En 2003, l’heure de la retraite a sonné ! Libéré du travail, Maurice Deschamps se lance dans la vie publique en intégrant le conseil municipal de son village d’enfance, Lalizolle dont il en devient le maire il y a environ un an. Une fonction qui l’inspire pour écrire un premier roman « Main basse sur Clocherousse », sous le pseudonyme de « Jean-Vincent de La Roche-Taillée ». Un ouvrage construit à partir d’anecdotes, d’incompréhensions du fonctionnement des institutions. Des faits qu’il a vécus et qui l’ont conduit à gravir les marches de la mairie. Un véritable succès qui se retrouve désormais au sein de toutes les maisons du village.

Le récit de nombreux échanges, d’écrits
Fort de ce succès, Maurice se rapproche de l’ « association du Noël des romanciers d’Auvergne ». Passionné par l’écriture, il décide de se lancer dans la rédaction d’un nouvel ouvrage. Cette fois-ci  il sera plus personnel et sous la forme d’un témoignage, celui de son grand-père maternel, Jean Pierre Tourret : « Mon grand-père est né en 1883, à Lalizolle. Un personnage, un ancêtre que j’ai bien connu et avec qui j’ai eu l’occasion d’échanger à de nombreuses reprises. Témoin d’une période de notre histoire troublée par la Première et la Seconde Guerre Mondiale, il était aussi l’un de ses nombreux hommes évoluant dans un milieu ni trop pauvre, ni trop riche, où la dureté, les difficultés du monde paysan étaient synonymes de biens des vies singulières d’une époque. Ce livre se construit donc autour de ces échanges vécus entre mon grand-père et moi mais aussi à travers les nombreux écrits, faits d’une belle écriture, sans aucune faute d’orthographe, qu’il a laissé à la postérité ».

L’influence d’un frère érudit
Jean Pierre Tourret, à Lalizolle, c’est « le Père Jean ». Issu d’une famille d’agriculteurs du village, il y est né tout comme son frère, Gilbert : « son frère, plus âgé, aura beaucoup d’influence sur lui. En effet, Gilbert, devenu instituteur public, fait parvenir à son petit frère de nombreux livres dont il lui indique le temps imparti pour les lire et en faire le résumé. Des échanges nombreux qui ont véritablement éveillé la curiosité de Jean. Un frère qui se passionne pour la botanique au point de devenir le spécialiste des mousses dont les herbiers sont aujourd’hui conservés au musée d’histoire naturelle Henri-Lecoq, à Clermont-Ferrand. Un savant reconnu au delà des frontières nationales, portant ses écrits vers l’Angleterre et l’Allemagne. Un talent fauché par le Première Guerre Mondiale, au début du conflit, en septembre 1914 » développe Maurice.

Défendre la condition paysanne
Jean sera, lui aussi, mobilisé. Brancardier, il sera peu exposé et reviendra sur ses terres après la guerre. Petit propriétaire, il s’intéresse à la condition des paysans. Contemporain d’Emile Guillaumin, il n’en a pas forcément la même vision qu’explique son petit-fils : « Emile Guillaumin était un métayer d’Ygrande. Mon grand-père était propriétaire de sa petite ferme. Une différence importante pour l’époque. Emile Guillaumin estimait que les paysans ne se défendaient pas forcément assez. Mon grand-père était plutôt bienveillant auprès de sa corporation ».

Un visionnaire
Investi dans le syndicalisme agricole, il occupe le poste de président de la Fédération agraire de l’Allier. Candidat malheureux aux élections cantonales d’Ebreuil de 1934, il publie néanmoins un véritable programme politique par le biais d’un livre « La République Paysanne ». Maurice Deschamps en fait l’analyse : « Son raisonnement était simple et logique : les agriculteurs étant majoritaires en France, ils devaient donc détenir le pouvoir. Un véritable plaidoyer pour l’agriculture ou Jean … évoque déjà la protection des frontières, l’exode des agriculteurs et le rééquilibrage des revenus et des retraites par rapport à la classe ouvrière bénéficiant de beaucoup d’avantages à ses yeux ».
Un engagement pour défendre la ruralité, les hommes et les femmes qui la vivent, qui lui permettra de découvrir la capitale, Paris, dont il admire l’histoire à travers la richesse de son patrimoine architectural. Ses racines paysannes l’attachent cependant à son exploitation qu’il fait fructifier en entretenant un petit cheptel de vaches charolaises, un peu de culture mais aussi en développant un verger sur deux hectares de surface. « Une idée plutôt innovante dans un secteur géographique où on ne bouscule pas les habitudes » aime à rappeler Maurice.
Maurice Deschamps dresse le portrait d’un grand-père « sans religion mais toutefois conservateur avec des principes familiaux, une vision particulière du travail mais aussi un amoureux de la nature que j’ai véritablement découverte à ses côtés ».

L’amour d’une femme
Le Père Jean, s’il ne se plaignait jamais, a pourtant souffert de l’amour comme le détaille Maurice, son petit-fils : « Jean était amoureux depuis le plus jeune âge, d’une fille rencontrée lors d’un bal. Cette brève aventure, avortée est le fil conducteur de mon livre. Une jeune fille qui lui plaisait beaucoup auquel il n’a pas souhaité s’attacher car elle n’était, à ses yeux, pas faite pour lui, pas faite pour la campagne. Une femme qu’il retrouve lors de son engagement dans la Grande Guerre, comme infirmière. Rien n’y fait, Jean en choisit une autre qui lui donne un premier enfant, un fils, puis un second, ma mère. Une naissance qui précipite cette première épouse dans la mort. Jean se marie une seconde fois. Le malheur s’abat de nouveau, le cancer s’invite et emporte cette seconde femme. Une troisième viendra ensuite à ses côtés pour l’accompagner jusqu’à ses derniers jours ».

Plus d'infos :

■ « La vie d’un paysan, le Père Jean », un ouvrage de Maurice Deschamps, aux éditions
Spinelle editions-spinelle.com
■ 14€ (+4€ supplémentaires pour les frais d’expéditions).
■ Disponible à la librairie « Le Moulin aux Lettres », à l’espace culturel E. Leclerc, à Moulins mais aussi auprès de l’auteur au 4, rue du Mas 03450 Lalizolle.
■ Renseignements :
maurice.deschamps1@free.fr
06 73 81 23 37.