Le nouveau règlement bio, source de décertification ?

Le 1er janvier 2022, il ne sera plus possible de finir les bovins en bâtiment, une mesure qui soulève des interrogations, en terme de différentiel technico-économique entre bio et Label rouge. La Frab Auvergne-Rhône-Alpes relativise.

« En viande bovine, en Occitanie et en Nouvelle-Aquitaine, on a des éleveurs bio qui n’excluent pas de renoncer au label bio pour passer ou repasser en Label rouge parce que le différentiel de prix est ténu, alors que les contraintes et les coûts vont s’accentuer ». En une phrase, Loïc Guines, président de la Chambre d'agriculture d'Ille-et-Vilaine et référent bio à l'APCA, résume les questionnements qui traversent aujourd’hui la filière bio, à l’heure où l’équation entre l’offre et la demande est, dans certaines filières, un peu moins à l’avantage des producteurs.

"Engraisser sur quatre mois au lieu de trois peut ne pas coûter plus cher, ce n’est pas une fatalité"

Par nouvelles contraintes, Loïc Guines faisait référence au futur règlement bio européen, qui doit entrer en vigueur le 1er janvier 2022. En viande bovine, il mettra fin à la dérogation autorisant les éleveurs à finir leurs animaux en bâtiment, ce qui peut potentiellement générer des charges supplémentaires (engraissement plus long) pour un produit moindre (poids et conformation de carcasse). « On est questionné sur le sujet, reconnaît Anne Haegelin, chargée de mission à la Frab Auvergne-Rhône-Alpes. Mais les éleveurs pourront toujours distribuer des concentrés. Un nouveau règlement, c’est aussi l’occasion de remettre en question son système, et dans le cas présent de réfléchir par exemple à une meilleure valorisation de sa ressource fourragère. Il y a des marges de manœuvre pour être plus économe et plus autonome. Engraisser sur quatre mois au lieu de trois peut ne pas coûter plus cher, ce n’est pas une fatalité ».

"Le 1er janvier prochain, on n’aura plus droit au ratio maximum de 5% d’aliment non bio en volailles et j’en suis la première satisfaite"

Il n’empêche. Une petite musique se fait de plus en plus dissonante sur l’accroissement de l’offre et les limites au consentement des consommateurs à payer, le tout sur fond de multiplication des labels privés (Bleu Blanc Cœur, HVE, Lait de pâturage, ZRP...) et de promotions fracassantes de la grande distribution. Dans ce contexte, le nouveau règlement bio arrive au plus mauvais moment car, faut-il le préciser, il va évidemment dans le sens d’un relèvement des exigences. Les producteurs bio sont le plus souvent les premiers à s’en satisfaire, pas mécontents d’en finir avec les systèmes dérogatoires qui sont par essence contre-nature, en plus de leur valoir ici ou là quelques railleries. « Le 1er janvier prochain, on n’aura plus droit au ratio maximum de 5% d’aliment non bio en volailles et j’en suis la première satisfaite », déclare Déclare Loriane Mazard, éleveuse de poules pondeuses bio à Eurre (Drôme), distinguée d’un Talent Tech&Bio 2021.

"L’agriculture est quand même le seul secteur où l’on vend à perte"

Les agriculteurs bio aimeraient que le législateur se soucie autant de la montée en gamme du cahier des charges bio que de la question du « juste » prix de leur travail et de leurs produits. « L’agriculture est quand même le seul secteur où l’on vend à perte », poursuit Anne Haegelin, qui fonde quelques espoirs sur l’examen imminent de la loi Egalim 2. « Plutôt que de se fixer tel ou tel ratio d’AB en 2027 ou 2030, on devrait davantage se préoccuper de mieux rémunérer les producteurs qui, quel que soit le ratio, ont aussi pour effet de tirer les conventionnels vers le haut », abonde Loïc Guines.

Concernant le consentement à payer, Anne Haegelin enjoint les consommateurs à ne pas raisonner le prix de leur alimentation à assiette équivalente, mais à questionner la façon dont ils la garnissent. « C’est peut-être ainsi que l’on pourra trouver des leviers supplémentaires, et en plus de parler au porte-monnaie, ça parlera à notre planète ».