« En vente directe, c’est beaucoup plus facile de défendre le prix des œufs bio »

Malgré la concurrence croissante et la hausse des coûts de l’aliment, Loriane Mazard préserve les marges de son atelier de poules pondeuses et capte de la valeur avec la fabrication d’aliment, l’élevage des poulettes, la valorisation des poules de chair et des poules de réforme ou encore la reproduction de la Grise du Vercors, une race ancienne. Talent Tech&Bio 2021 pour le Ferme Horéa.

Lait, viande bovine, œufs : en agriculture biologique, ces trois productions commencent à souffrir d’une distorsion de croissance entre l’offre et la demande. « Pour le moment, je ne suis pas concernée », déclare Loriane Mazard. Installée en 2017 hors cadre familial, la jeune avicultrice élève environ 900 poules réparties dans cinq cabanes mobiles, sur une SAU de 7 ha. Dépendante à 100% des achats d’aliments extérieurs, elle ne peut jouer que sur sa performance technique (taux de ponte de 80%) et ses circuits de vente pour tamponner la hausse des prix de l’aliment.

Loriane Mazard vend en direct à la ferme ainsi que sur des marchés et via des Amap
Loriane Mazard vend en direct à la ferme ainsi que sur des marchés et via des Amap
"Face à mes clients, je suis en mesure d’expliquer et de justifier une hausse de mes tarifs"

« En ce moment, le hausse est très forte, confie-t-elle. J’achète toutes mes céréales à des agriculteurs du village et des alentours et je ne discute pas le prix et le fruit de leur travail. Mais face à mes clients, je suis en mesure d’expliquer et de justifier une hausse de mes tarifs ». Pour tamponner la hausse du coût des matière premières, l’éleveuse a investi dans une petite unité de fabrication à la ferme, ce qui lui a permis de faire baisser significativement les factures. Au passage, elle a trouvé la solution pour respecter le futur cahier des charges bio, imposant 100% d’aliment bio contre 95% actuellement. Les tourteaux de noix – locaux – feront l’affaire. « Un vrai bonheur que de passer à 100% », confie l’éleveuse.

L’élevage compte cinq cabanes mobiles d’une capacité de 180 poules
L’élevage compte cinq cabanes mobiles d’une capacité de 180 poules

Une machine à mirer et à calibrer les œufs

Mais l’essentiel se joue à la vente. Loriane Mazard pratique la vente directe à la ferme, sur les marchés ou encore dans des Amap. Elle vend aussi à des épiceries, à des boulangeries et à des restaurants. Pour capter cette clientèle « indirecte », elle a investi 8000 euros dans une machine à mirer et à calibrer les œufs, obligatoire au-delà d’un effectif de 250 poules pondeuses. Une stratégie judicieuse. « Ce choix m’a en partie sauvé la mise pendant le confinement, quand les marchés ont été fermés. Il me préserve en partie de la concurrence car peu d’éleveurs ont fait le choix d’un tel investissement, préférant rester sous le seuil de 250 poules ».

La machine à mirer et à calibrer les œufs offre l’accès au marché « indirect » des épiceries, boulangeries et restaurants
La machine à mirer et à calibrer les œufs offre l’accès au marché « indirect » des épiceries, boulangeries et restaurants

Autre bénéfice indirect de la vente directe : la valorisation des poules de réforme (environ 18 mois) auprès des particuliers. « Le succès est tel que j’ai des listes d’attente, confie la jeune avicultrice. A quatre euros la poule, c’est une contrepartie à mes achats de poulettes ». Voilà justement une autre source d’économie. Plutôt que d’acheter des poulettes de 17 semaines, l’avicultrice achète des poussins d’un jour. « Économiquement c’est intéressant et techniquement c’est passionnant ».

La Grise du Vercors, une race ancienne et mixte

Outre des poules Isa Brown, Loriane Mazard élève également la Grise du Vercors, une race ancienne relancée par l’association Quantia et qui, après une dizaine d’années de travail et de sélection, a assuré la renaissance de la race, avec notamment une poulette « pro » répondant aux exigences des éleveurs (en terme de croissance), sans sacrifier les caractéristiques de la race. « La Grise du Vercors est une race mixte, à la fois pondeuse et très appréciée pour sa viande, très proche de celle d’une pintade », déclare Loriane Mazard. La réforme des Grises du Vercors offre ainsi une valorisation pour sa chair. L’eau de cuisson sert aussi la cuisson des fameuses ravioles.

"Mon système est incompatible avec la pose de filets et je n’imagine pas cloisonner mes poules "

Depuis peu, l’association Quantia lui a confié l’élevage de reproducteurs. Encore une source de valeur, moyennant une charge de travail très conséquente. C’est l’un des points de fragilité de l’exploitation. Loriane Mazard envisage de recruter un salarié à tiers temps pour se ménager un peu de répit. L’autre fragilité réside dans la menace que fait peser la grippe aviaire. « Mon système est incompatible avec la pose de filets et je n’imagine pas cloisonner mes poules ». Le ministère de l’Agriculture doit incessamment sous peu présenter le futur cadre réglementaire pour éviter une nouvelle épizootie.