Le « oui mais » de l’Anvol à la vaccination des volailles contre l’Influenza aviaire

L’interprofession de la volaille de chair pose comme préalables une harmonisation au plan européen pour éviter toute distorsion de concurrence ainsi qu’une prise en charge par l’Etat du coût de la vaccination. Celle-ci pourrait être mise en œuvre à l’automne 2023, moyennant la levée de nombreux verrous.

Alors que l’endémisation de l’Influenza aviaire hautement pathogène (IAHP) pousse le ministère de l’Agriculture à échafauder les contours d’une stratégie vaccinale opérationnelle à l’automne 2023, l’interprofession de la volaille de chair (Anvol) fixe un certain nombre de conditions. Tout en se déclarant « favorable » à la vaccination des volailles, elle estime, qu’« au regard du contexte et des réflexions actuelles », la future stratégie devra cibler « les palmipèdes, espèce la plus fragilisée par la crise, vectrice de diffusion et plus sensible au virus ».

1 milliard d’euros en jeu à l’export

Mais là n’est pas l’inquiétude majeure de l’Anvol, qui a dans son viseur le milliard d’euro de chiffre d’affaires réalisé à l’export par la filière, viande et génétique confondues. « L’interprofession demande à l’Etat d’agir pour que la vaccination contre l’influenza aviaire soit adoptée dans toute l’Union européenne, sans différenciation entre Etats membres, fait savoir l’Anvol dans un communiqué. L’alignement de tous les pays européens producteurs de volailles sur la position vaccinale française est en effet indispensable. Il serait incompréhensible que certains États membres de l’Union européenne, importants producteurs de volaille, refusent le cadre européen pour la vaccination et utilisent cet argument comme un avantage commercial ». Outre le maillon génétique, dont l’export représente 60% du chiffre d’affaires, l’Anvol invoque les équilibres matières pour le secteur de l’abattage/transformation.

Qui supportera la coût de la vaccination ?

Lors de la présentation, le 22 décembre dernier, des contours de ce que pourrait être la future stratégie nationale, le ministère de l’Agriculture s’était voulu rassurant en évoquant le « travail d’influence » réalisé par la France auprès de l’UE, ainsi qu’auprès de l’Organisation mondiale de la santé animale (OMSA), afin de prévenir les risques de distorsion intra et extra-européens. Au sein de l’UE, outre la France sur palmipèdes, la Hongrie, l’Italie, la République tchèque et les Pays-Bas ont engagé des expérimentations de vaccins sur les poulets, les oies ou encore les dindes. En France, les résultats, jugés « encourageants » par le ministère, tomberont en mars. Au-delà des contingences sanitaires et réglementaires, la vaccination pose d’autres défis en termes logistiques et économiques. Sur ce dernier point, l’Anvol estime qu’« une prise en charge par l’État du coût de la vaccination sera essentielle ».

Le ministère sur une ligne de crête

Il faudra attendre mai 2023 pour connaitre les tenants et aboutissants de la future stratégie vaccinale, si stratégie vaccinale il y a, autrement dit si les vaccins sont efficaces, sûrs, autorisés, disponibles, accessibles aux plans financier et logistique et acceptés au plan international.

Le ministère de l’Agriculture évolue à cet égard sur une ligne de crête, du fait de la nécessité d’enclencher la production de vaccins avant même d’avoir tous les feux verts. Mais, compte-tenu de la menace que fait peser l’IAHP sur les élevages, dont les reproducteurs, la sauvegarde des filières chair, pondeuse et gras est à ce prix.

Un nouveau front épidémique, de nouvelles ripostes

La situation en cours est de nouveau des plus préoccupantes. En date du 23 décembre, 234 foyers en élevage étaient recensés (depuis le 1er août) pour un total de 3,3 millions de volailles abattues. L’épizootie 2021-2022, la 4ème en 6 ans et de loin la plus sévère de toutes, s’était traduite par l’irruption de près de 1400 foyers, l’abattage de 21 millions de volailles et des indemnisations à hauteur de 1,1 milliard d’euros.

Outre l’hypothétique recours à la vaccination, le ministère mise sur le renforcement de la biosécurité et une organisation plus résiliente de la filière pour contenir le virus. Sur ce point, un Comité de pilotage stratégique, mis en place début décembre, doit rendre ses conclusions d’ici à juin 2023. Parmi les pistes de travail figurent des mesures de dédensification des élevages, à l’image de celles mises en œuvre par la filière gras, avec un vide sanitaire imposé au 15 décembre au 15 janvier au sein 68 communes situées dans quatre départements du Sud-Ouest. Un plan de sauvegarde des élevages reproducteurs est par ailleurs en cours d’élaboration. En frappant le Grand Ouest, la dernière épizootie a pointé la forte vulnérabilité de ce maillon crucial.