Le prix des terres repart à la hausse

Dans un contexte de ralentissement du marché du foncier rural en 2020, la valeur des transactions a continué d’augmenter, soutenue par le marché dynamique des maisons à la campagne. Après une année de stabilité, le prix des terres repart à la hausse, tiré par les zones de grandes cultures. Le prix des vignes continue d’augmenter, les appellations prestigieuses constituant plus que jamais une valeur refuge.

Après cinq ans de croissance soutenue, la crise sanitaire a assené un brusque ralentissement du marché foncier rural en 2020. Le repli est toutefois mesuré : selon la FNSafer, le nombre de transactions a baissé de seulement 3% en 2020 par rapport à 2019. Mais la valeur des transactions continue quant à elle de progresser (+5,5%), soutenue par le marché dynamique des ventes de maisons à la campagne. Celles-ci atteignent un niveau historique.

« Sur le marché des maisons à la campagne, les chiffres sont inédits tant en nombre de transactions qu’en surface et en valeur, commente Loïc Jégouzo, ingénieur d'études à la FNSafer. Ce marché est clairement dopé par l’essor du télétravail et le souhait d’un espace de vie plus grand ». Ainsi sur l’année 2020, le nombre de transactions pour les maisons à la campagne est en hausse de 6,6% par rapport à 2019, année déjà record. « La tendance des achats de maisons à la campagne se confirme sur le début 2021, abonde Emmanuel Hyest, président de la FNSafer. La demande ne se dément pas. »

Attrait du foncier comme valeur refuge

Sur les marchés productifs (terres et prés, vignes, forêts), le nombre et la surface des transactions sont en baisse par rapport à 2019. Le marché des terres et prés enregistre ainsi des transactions en baisse de 8,5%. « Les reculs sont plus marqués dans certains secteurs d’élevage, où l’on observe un manque de repreneurs, précise Loïc Jégouzo. Du côté des acquéreurs, on a un repli marqué des agriculteurs mais une progression des achats des particuliers. Cela peut traduire un attrait du foncier comme valeur refuge en cette période d’incertitude ».

Après une stabilité en 2019, le prix des terres est reparti à la hausse en 2020 (+1,3%). Selon la Safer, deux facteurs pourraient soutenir cette hausse, en influant sur le montant que les acquéreurs sont prêts à investir. Tout d’abord, la fermeture du marché liée à la crise réduit le nombre de biens proposés à la vente. Ensuite, les taux d’intérêt poursuivent leur chute, augmentant théoriquement la capacité d’emprunt des candidats à l’achat – sous réserve d’obtenir l’accord des banques, ce qui s’est révélé plus difficile en 2020.

Le prix des terres tiré par les grandes cultures

En 2020, le prix des terres et prés est en moyenne de 6 080 €/ha, avec une progression dans les zones de grandes cultures (+5,5%) et une baisse dans les zones d’élevage bovin (-1%). « L’écart entre les zones de grandes cultures et les zones d’élevage est au plus haut, il s’établit à 66% », précise Loïc Jégouzo. Deux grands ensembles géographiques affichent des valeurs foncières supérieures à 6 500 €/ha, voire localement à 9 000 ou 10 000 €/ha : dans le Bassin parisien, où dominent les grandes cultures et sur le pourtour méditerranéen, le Sud-Ouest et la vallée du Rhône, où les terres irrigables permettent des cultures à très forte valeur ajoutée à l’hectare et où la forte pression urbaine alimente la hausse des prix.

A l’opposé, les plus faibles valeurs restent localisées dans les zones fortement spécialisées en élevage, au premier rang desquelles la Bourgogne-Franche-Comté et les Pays de la Loire qui affichent des prix régionaux inférieurs à 4 000 €/ha.

Le prix des terres louées a connu une hausse encore plus nette de 3,6%, à 4 930€/ha. La progression du prix en 2020 est alimentée par une fermeture très nette du marché loué, ainsi que d’un contexte de dynamisme de la demande, constaté dans plusieurs zones des régions nord du territoire, en particulier en Grand Est, Hauts-de-France et Normandie.

L’écart entre les zones de grandes cultures et les zones d’élevage n'a jamais été aussi grand.
Pour consulter gratuitement le prix des terres, la Safer a mis en ligne fin mars 2021 un nouveau service, Le-prix-des-terres.fr, qui permet d’accéder à la carte de France et aux informations de prix et de marché pour les terres, les vignes et les forêts.

Le prix moyen des vignes en hausse

Le marché des vignes est le plus durement touché par la crise. Le nombre de transactions est en chute de 10,9% et repasse sous son niveau de 2009, post-crise financière. Tous les bassins viticoles sont concernés. Comme sur le marché des terres et prés, « on enregistre une meilleure résistance des particuliers non-agricoles attirés par le placement foncier », indique Loïc Jégouzo.

Le prix moyen national des vignes AOP est en hausse de 1,3%, à 150 500 €/ha. Hors Champagne, la progression du prix est à la hausse à l’exception de trois vignobles : le Languedoc-Roussillon (-1,7%), le Sud-Ouest (-3,9%) et l’Alsace-Est (-14,1%). Ce dernier bassin est particulièrement impacté par la crise sanitaire et la baisse des ventes de vin, qui a fragilisé les trésoreries des exploitations et entraîné des cessations d’activité.

En Bordeaux-Aquitaine, la hausse est de 8,9% en moyenne. La crise impacte à la hausse les appellations prestigieuses (Pauillac, Pomerol, Saint-Julien, Margaux), considérées comme des valeurs refuge ; tandis qu’elle confirme la baisse amorcée des appellations génériques, dont les consommateurs avaient commencé à se détourner – les parcelles en agriculture biologique résistant mieux à cette baisse.

En Bourgogne-Beaujolais-Savoie-Jura, la hausse de 2,6% est soutenue par l’ensemble des appellations de la Côte-d’Or – en particulier les Grands Crus (+4%) –, ainsi que par le Chablis dans l’Yonne. En Val de Loire-Centre, la progression de 9,7% s’explique par des hausses dans le Cher, notamment du Sancerre, ainsi qu’en Indre-et-Loire (Chinon, Vouvray). En Vallée du Rhône-Provence, l’augmentation de 1,9% provient des deux régions. Dans la Vallée du Rhône, plusieurs appellations renommées s’apprécient (Gigondas dans le Vaucluse, Crozes-Hermitage dans la Drôme). En Provence, les exportations de rosé ont progressé malgré la crise ; les prix progressent notamment en Côtes de Provence, où des acteurs du luxe ou champenois concrétisent des projets viticoles.

En Champagne, la baisse amorcée en 2019 (-3,9%) se poursuit en 202 (-1,2%). Les difficultés d’exportation et la baisse de la consommation intérieure au profit d’autres vins effervescents (prosecco, cava) avaient fragilisé la filière. La crise sanitaire, qui a entraîné une chute de 20% des ventes de bouteilles, exacerbe la tendance ; les grands crus et premiers crus restant toutefois relativement épargnés.

Le bassin alsacien bassin est particulièrement impacté par la crise sanitaire et la baisse des ventes de vin, qui a fragilisé les trésoreries des exploitations et entraîné des cessations d’activité.

Bonne tenue du Cognac

Le prix des vignes à eaux-de-vie AOP progresse à nouveau de 6,9%. Malgré un marché tourné quasi exclusivement vers l’export (97% en volume), le Cognac a réussi à contenir la baisse de ses volumes exportés, préservé du relèvement des droits de douane des Etats-Unis et bénéficiant d’un report vers les ventes en ligne. Dans ce contexte porteur, près de 3 400 ha d’autorisations de plantations nouvelles ont encore été accordées en 2020, impactant le prix des terres plantables, mais sans pour autant atténuer l’augmentation du prix des vignes.

Le prix des vignes hors AOP augmente de 0,9 %, soutenu par des hausses en Languedoc-Roussillon et Vallée du Rhône-Provence.

Le marché des forêts a également été marqué en 2020 par une baisse des transactions (-9%) et une hausse de la valeur (+3,6%). Toutes les régions forestières affichent des prix en hausse sauf le Grand Est, impacté par les épidémies de scolytes et par la sécheresse.