Le soja à la conquête de l’Ouest

Si le soja a trouvé ses marques dans les quarts Sud et Est de l’Hexagone, il ne s’est pas encore imposé dans l’Ouest. La faute à des conditions météorologiques qui ne sont pas toujours en adéquation avec cette culture. Des groupes d’agriculteurs volontaires tentent actuellement de mettre au point un itinéraire technique viable pour monter des filières locales.

« Le soja chez nous, techniquement c’est faisable, mais économiquement c’est encore compliqué », annonce d’emblée Dominique Defay, agriculteur à Tennie, dans le Nord de la Sarthe. Comme plusieurs agriculteurs du secteur, il a implanté cette culture pour la deuxième année consécutive dans le cadre du Groupement opérationnel Soja de la Sarthe. « Nous ferons un bilan l’an prochain afin d’analyser s’il est possible d’introduire cette production dans les rotations du secteur », explique Ségolène Plessix, ingénieure développement régionale chez Terre Inovia.

Le 4 septembre, elle intervenait chez l’agriculteur Sarthois à l’occasion d’une visite de la plateforme d’essai, implantée en partenariat avec la Chambre d’agriculture des Pays de la Loire. « Les mêmes expérimentations sont menées dans le Maine-et-Loire, le Finistère et jusqu’en Normandie » précise-t-elle.

Ségolène Plessix (à gauche) et Meggie Belte (à droite) présentent l’itinéraire cultural des bandes d’essais (photo Clément Henri).

Semer et récolter au bon moment

Dans la Sarthe, la réussite d’une culture de soja est fortement liée aux conditions météorologiques. À titre d’exemple, l’année 2019 a été catastrophique. Le printemps froid a compliqué les semis alors que la fin d’été pluvieuse a été un casse-tête pour les récoltes. « Il faut attendre que la température du sol atteigne 10 °C pour implanter cette culture. Ici cela représente des semis fin avril/début mai », souligne Meggie Belte, de la Chambre d’agriculture. Pour autant, le semis ne doit pas être trop tardif, sous peine de récolter le soja dans des conditions trop humides qui compromettraient la qualité et la conservation des graines.

Un problème que contourne Dominique Defay grâce au séchoir dont est équipée son exploitation. Mais tous les agriculteurs n’ont pas la chance de profiter d’un tel outil. Pour les éleveurs en autoconsommation, le toastage peut également permettre de récolter le grain plus humide. Encore faut-il que l’entreprise de toastage puisse passer dans les semaines suivant la récolte… « Ce qui n’a pas été le cas l’an passé », témoigne un agriculteur présent lors de cette journée de visite.

Côté conduite culturale, Dominique Defay relève des problèmes de pigeons lors de la germination mais surtout de désherbage tout au long de la culture. « Il y a eu des développements d’adventices que je n’avais jamais vu sur cette parcelle. Pourtant j’avais bien appliqué le programme en pré-levée et post-levée », constate-t-il. Pour les aspects positifs, il précise avoir eu un très bon blé après le précédent soja de l’an dernier. L’absence d’utilisation d’insecticide et de fongicide est également à relever.

Une filière à construire

Si le soja a encore du mal à s’implanter entre Loire et Seine, c’est que les rendements ne sont pas équivalents à ceux des régions plus méridionales. « Il faudra voir le résultat cette année, mais l’an dernier nous avons récolté 2 t/ha. Avec un prix de vente à 350€/t, on dégage moins de 1000€ de produit à l’hectare. Ce n’est pas suffisant », analyse le céréalier Sarthois. D’autant plus que les semences sont coûteuses du fait de la nécessité de les inoculer et le poste désherbage est également important.

Sur des parcelles irriguées, la Chambre d’agriculture relève des rendements un peu meilleurs, de 3 à 4 t/ha. Mais les charges opérationnelles sont également plus élevées.

Le développement du soja dans cette zone dépend donc maintenant d’une meilleure valorisation de la récolte via la construction d’une filière locale. « Actuellement, le soja part en alimentation animale car les graines produites localement ont un taux de protéine moins élevé que dans le Sud et une humidité plus importante. Des tests effectués avec Sojasun ont montré que cela posait problème au moment de retirer la peau des graines dans les outils industriels », détaille Ségolène Plessix.

"Nous devons d'abord être au point techniquement avant d’aller voir l’aval de la filière"

Les filières locales pourraient donc se construire autour de l’alimentation animale. L’entreprise Bel propose notamment 150 €/ha et une aide de 30€/t pour le toastage des graines. Ce coup de pouce financier est destiné aux éleveurs qui livrent leur lait à l’entreprise et qui voudraient cultiver du soja pour une autoconsommation. Le groupe Loué s’est également engagé comme partenaire du groupement opérationnel soja de la Sarthe. « Mais nous devons d’abord être au point techniquement avant d’aller voir l’aval de la filière », nuance l’ingénieure développement chez Terre Inovia.

Autre levier économique possible : le plan protéine, dont on attend encore le détail, pourrait octroyer des aides supplémentaires pour cette culture. Elles sont aujourd’hui limitées à 33,7 €/ha via les aides couplées de la PAC.