Les éleveurs français précurseurs sur la réduction des gaz à effet de serre

Lors de la convention pour le climat à Glasgow, de nombreux pays se sont engagés sur la réduction d’émissions de méthane. En France, beaucoup d’éleveurs ont déjà pris le train en marche. Entre systèmes d’exploitation et leviers de réduction, de plus en plus de réponses concrètes se dégagent pour réduire l’empreinte carbone de son élevage.

Alors que la COP26 s’est terminée il y a quelques jours, la limitation du réchauffement climatique est au cœur de toutes les préoccupations à l’échelle mondiale. Il est maintenant certain que l’agriculture devra y prendre sa part. En France, le secteur produit 19% des émissions de gaz à effet de serre (GES) selon le dernier rapport du Citepa. La production de lait et de viande bovine émet à elle seule 10% des GES à l’échelle nationale. Ce n’est plus un secret, l’élevage est un gros émetteur de GES de par notamment la fermentation entérique des bovins. Le méthane qui en est issu est le deuxième responsable du réchauffement climatique derrière le carbone. À Glasgow, ce même méthane s’est trouvé au cœur des discussions. Derrière les États-Unis et l’Union Européenne, ce sont plus de 100 pays qui ont rejoint la coalition mondiale sur le méthane. Les signataires s’engagent à réduire de 30% leurs émissions de méthane en 2030.

Relativiser la part agricole

À l’échelle mondiale, seules 20% des émissions de méthane sont imputables à l’activité agricole. La gestion des déchets et la production d’énergie sont également de gros émetteurs. L’élevage n’est pas certain d’être inclus dans le périmètre de la coalition sur le méthane. « C’est encore un peu flou. Nous ne savons pas si le méthane entérique sera concerné », indique Jean-Baptiste Dollé, chef de service environnement de l’Institut de l’élevage.

La situation de la France est un peu différente puisque ce sont 68% des émissions de méthane qui sont dues à l’agriculture. L’élevage est donc un point clé pour atteindre cette réduction de 30% à horizon 2030 si le méthane entérique est concerné. La bonne nouvelle est que les producteurs français n’ont pas attendu Glasgow pour s’y mettre. Des éleveurs ont même témoigné de leur propre expérience avec l’outil d’évaluation CAP’2ER lors du lancement de la coalition mondiale sur le méthane.

"Nous sommes dans une démarche de transition et d’accompagnement là ou d’autres Etats ne proposent que des auto-diagnostics."

« La France a une grande avance sur le sujet », twittait Jean-Baptiste Dollé, lors de la COP26. Il précise cette affirmation, chiffres à l’appui : « Le déploiement de CAP’2ER, c’est 23 000 diagnostics et 15 000 éleveurs audités et accompagnés. Aucun pays ne peut prétendre à ça. Nous sommes dans une démarche de transition et d’accompagnement là ou d’autres Etats ne proposent que des auto-diagnostics ». La Commission européenne s’intéresse même à notre système et la présidence française à venir pourrait permettre de le pousser sur la scène européenne.

Entre 1990 et 2018, les émissions de GES du secteur agricole ont diminué de 8% dans l’hexagone. « Entre 1990 et 2010, cette baisse se chiffre à 11% pour le secteur bovin », indiquait Sylvain Forray, de l’Idele, lors d’une présentation en octobre 2021 à la ferme expérimentale des Trinnotières. Un résultat qui a pu être atteint grâce à trois leviers que sont la mise en conformité des bâtiments d’élevage et de stockage, l’augmentation de la productivité par animal et la baisse des émissions liée aux consommations d’énergie. La France s’est fixée son propre objectif de réduction de 18% des GES à horizon 2030 et 46% d’ici 2050.

Plusieurs pistes d’actions

Pour atteindre ces objectifs, se pose tout d’abord la question du système d’élevage. Une étude menée en 2017 à la ferme expérimentale des Trinottières montre que les émissions de méthane via les rots des vaches en système laitier sont similaires dans les trois configurations que sont : une ration à base de maïs ensilage et de concentrés, la même ration avec ajout de lin ou une ration à base d’herbe. Un prochain essai devrait apporter des réponses sur le bénéfice en termes d’émissions de méthane de l’ajout d’additifs dans la ration.

Une approche par système a également montré une équivalence de GES émis par litre de lait produit en bio, en alimentation à l’herbe, en mixte ou en ration maïs.

L’une des particularités de l’élevage est de pouvoir compenser ses émissions par le stockage du carbone dans les prairies ou les haies. C’est là qu’apparaît une différence entre les systèmes. Les exploitations bio et en ration herbe compensent respectivement 33% et 32% de leurs émissions, là où les systèmes mixtes sont à 16% et les troupeaux alimentés au maïs à 8%.

Actionner les bons leviers

Au-delà du système d’élevage, certaines actions mises en place sur l’exploitation permettent de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Pour les hiérarchiser, il est important de savoir quels sont les principaux postes émetteurs de GES sur l’élevage. La synthèse en avril 2021 de l’outil CAP’2ER, sur l’ensemble des évaluations réalisées, a permis de chiffrer les postes émetteurs. Sans surprise, la fermentation entérique, soit les rots des vaches, compte pour 50% des émissions. La gestion des effluents représente 17% des GES des élevages. Ensuite, 14% sont issus de la fertilisation azotée et des achats d’engrais et 11% proviennent des achats d’alimentation. La consommation de carburant et d’électricité ne représente que 6% des émissions.

"Une différence de marge brute de 30 euros/1000 l de lait entre les éleveurs qui émettent le moins de GES et ceux qui en émettent le plus."

À partir de ce constat, plusieurs leviers permettent de réduire l’empreinte carbone d’un élevage. Sur l’aspect fermentation entérique l’objectif est de limiter le nombre d’animaux improductifs, notamment en réduisant l’âge au vêlage et en diminuant le taux de renouvellement. Pour le poste alimentation, l’optimisation passe par l’utilisation de tourteau de colza plutôt que de soja. Enfin sur le poste engrais, l’idée est de travailler sur les rotations pour diminuer les apports d’azote.

Au-delà de l’impact environnemental, ces leviers peuvent également avoir un impact économique. « Il y a une différence de marge brute de 30 euros/1000 l de lait entre les éleveurs qui émettent le moins de GES et ceux qui en émettent le plus », constatait Sylvain Forray lors de sa présentation.