Marchés agricoles : L’Afrique, terrain de jeu des grandes puissances

La Chine, la Russie, les Etats-Unis cherchent à développer leur présence en Afrique, soit pour assurer leur approvisionnement alimentaire, soit pour conquérir de nouveaux marchés et aussi neutraliser leur influence respective.

L’Afrique et ses 1,2 milliard d’habitants sont devenus une véritable arène de la compétition que se livrent les grandes puissances, la Chine, la Russie et les Etats-Unis qui veulent y étendre leur influence.

Il n’y a jamais eu autant de visites de haut rang à travers l’Afrique que depuis que les tensions entre ces puissances se sont exacerbées. Dans ce ballet diplomatique et géopolitique il est question de sécurité, d’accès aux richesses que le sous-sol africain recèle, comme le pétrole, le cobalt, le manganèse, le zinc, le nickel, mais aussi de produits agricoles.

La Chine a pris de l’avance depuis longtemps, par ses offres de crédits à des gouvernements africains, en particulier pour les infrastructures. Sur le plan agricole, Pékin cherche surtout à contrôler des terres africaines et des productions pour approvisionner sa nombreuse population avec le plus de sécurité possible et à moindre coût par rapport au marché mondial. La banque de développement chinoise est active dans 35 pays africains. Les Chinois ne sont guère regardants sur l’intégrité de leurs partenaires au regard notamment de la corruption qui gangrène de nombreuses élites.

Le contrôle du marché du blé

De son côté, Moscou voit l’Afrique comme un instrument de lutte contre l’Occident, surtout depuis la guerre que la Russie a déclenchée en Ukraine. La Russie essaye de prendre la tête d’un mouvement anticolonialiste en Afrique, et se déclare solidaire de mouvements qui voudraient «achever la décolonisation». A titre d’illustration, 25 Etats africains sur 55 se sont abstenus de condamner l’agression russe de l’Ukraine, l’année dernière à l’ONU. L’aide russe en Afrique porte essentiellement sur les armements, le renseignement et la propagande. La Russie a signé 19 accords militaires avec des pays africains dont elle est devenue le plus grand fournisseur d’armes. Les mercenaires Wagner sont présents au Mali, en Lybie, en République Centrafricaine, au Mozambique…

Du point de vue agricole, elle est un fournisseur incontournable de produits alimentaires notamment de blé. Si la Russie avait avalé l’Ukraine comme Poutine en avait l’intention, elle aurait contrôlé plus du quart du marché mondial du blé. Actuellement d’ailleurs, plus de 10 pays africains dépendent à plus de 50 % des importations de blé en provenance de Russie comme l’Egypte ou la Somalie voire davantage comme le Congo à 80 %.

Un marché prometteur Les États-Unis d’Amérique veulent surtout empêcher que le continent africain ne sombre entre les mains des puissances chinoise et russe. Les responsables de l’administration Biden sillonnent le continent africain pour convaincre leurs dirigeants d’acheter des produits agricoles américains. Le président Biden a aussi annoncé des crédits importants pour les routes en Afrique, pour le développement d’Internet et pour les énergies renouvelables. Lors de sa première interview depuis sa confirmation par le Sénat, le 23 décembre, de son poste de représentant américain au commerce, Douglas McKalip a déclaré que sa principale priorité était d'ouvrir de nouveaux marchés pour les produits agricoles américains. «Je pense que pour l'agriculteur américain, il est important d'avoir un ensemble diversifié d'acheteurs sur le marché», a-t-il affirmé. «Nous devons développer des marchés supplémentaires», notamment dans les pays du sud-est asiatique et en Afrique «surtout dans le cas où le premier acheteur de produits agricoles américains, la Chine, n’honorerait pas les engagements pris avec l’administration Trump, en matière d’achats de produits agricoles», a-t-il dit.