Mieux valoriser l’existant et réduire le gaspillage des prairies pâturées

Lors des journées de printemps de l’AFPF, reportées en novembre 2020, Rémy Delagarde de l’Inrae de Saint Gilles en Ille-et-Vilaine a fait le point sur les bonnes pratiques de conduites des prairies pâturées, sur l’année.

« Il y a beaucoup à gagner avec une meilleure valorisation des prairies pâturées car il s’agit là de la ration complète la moins chère du marché et l’herbe produite ne sert à rien si elle n’est pas consommée », commence Rémy Delagarde de l’Inrae de Saint Gilles en Ille-et-Vilaine, lors des journées de printemps de l’AFPF (association francophone pour la production fourragère).

En systèmes pâturés, une bonne valorisation des prairies consiste principalement à permettre aux animaux de récolter une fraction substantielle de l’herbe produite, sachant que sa quantité varie dans des conditions très importantes selon le contexte pédo-climatique, le type de prairies et les pratiques agronomiques appliquées (fertilisation, amendement, irrigation).

 

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Pâturer ras mais sans surpâturage

« Pour bien valoriser, il faut globalement faire pâturer assez ras, de manière dite « sévère » mais sans surpâturage (parcelle parking, pâturage continu trop ras) surtout quand l’herbe ne pousse pas et qu’il fait très chaud. Avec la sévérité au pâturage, il y a huit fois plus à gagner par hectare. Les éleveurs ont donc tout intérêt à augmenter la sévérité au chargement pour accroître fortement les performances par hectare, sans trop réduire celles par animal. La légère baisse des performances individuelles qui découle de cette pratique est d’ailleurs largement compensée sur l’année par le gain de productivité à l’hectare », précise Rémy Delagarde. La sévérité du pâturage est donc déterminante sur les performances du système. En revanche, elle est indépendante du système de pâturage. « L’herbe ne souffre pas, elle est très plastique. »

 

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Des indicateurs pratiques de la valorisation

Des indicateurs pratiques existent pour évaluer la valorisation des prairies. Au printemps par exemple, la hauteur d’herbe en sortie de parcelle seule n’est pas un bon indicateur de sa valorisation. Il faut prendre en compte également la hauteur d’herbe à l’entrée. Il existe un effet saison lié à l’effet structure des plantes (gaines foliaires). Pour une même hauteur d’entrée, il faut que celle de sortie soit plus élevée, dans des conditions de pâturage sévère au printemps qu’à l’automne ou en hiver et en été.

Sur les hauteurs de limbes (partie feuillue au-dessus des gaines), de talles… il existe encore peu de repères. « Globalement, il faut viser, quelles que soient les saisons, une hauteur moyenne de limbes résiduelles après pâturage de 2 à 3 cm. Si on regarde les gaines foliaires, il n’y a aucun risque de les pâturer en été, automne et hiver. En revanche, au printemps (montaison des gaines foliaires), il faut les pâturer mais de 50 % de leur hauteur. »

 

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Quelques bonnes pratiques au fil des saisons

  • En sortie d’hiver, il est recommandé de pâturer tôt (si le sol est portant) et ras (3-4 centimètres). Il n’y a aucun risque pour l’herbe, les gaines sont intouchables. « Le déprimage doit être un vrai pâturage et ne pas servir uniquement à dégourdir les animaux. Avec une hauteur d’herbe à 6 cm et une sortie à 3 cm, il y a déjà 800 kg de MS/ha de valorisés. Et cela, aucune machine ne peut le faire ! »
  • Au printemps, il est important de respecter la phénologie des graminées en augmentant la hauteur en sortie de parcelle, à chaque cycle. Elle peut être égale au mois de l’année, autrement dit : en mars, 3cm ; en avril, 4 cm ; en mai, 5 cm ; en juin, 6 cm.
  • En été, on peut continuer à pâturer comme au printemps tant que l’herbe pousse mais la laisser tranquille ensuite.
  • En automne, il ne faut pas oublier de pâturer s’il a plu ! les repousses sont d’excellente qualité tant en énergie qu’en azote. Avec un à deux cycles, il est possible de valoriser de 1 à 2,5 t MS/ha. Ne pas miser sur l’accumulation d’herbe pour le printemps (gel destructeur).

 

« Il est important d’avoir confiance dans les capacités d’adaptation et de repousse de l’herbe, dans les capacités des animaux à pâturer ras et accepter de leur laisser une part de travail, ils aiment ça ! », conclut Rémy Delagarde.

 

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