Négociations commerciales : le gouvernement met la pression dans la dernière ligne droite

A douze jours de la fin des négociations commerciales annuelles, le gouvernement prévient qu'il continuera à intensifier les contrôles pour tenter de sortir par le haut du bras de fer entre la grande distribution et ses fournisseurs.

Le 1er mars se terminent ces négociations qui détermineront les prix des produits vendus en supermarché (hors marques de distributeur) et la rémunération de tous les maillons de la chaîne alimentaire. Or "les difficultés persistent", résume un communiqué gouvernemental le 17 février à l'issue du dernier comité de suivi des relations commerciales, réunissant les ministres de l'Agriculture Julien Denormandie et de l'Industrie Agnès Pannier-Runacher, ainsi que des représentants de la grande distribution, de l'industrie agroalimentaire et du monde agricole.

Le climat, rituellement tendu, est échauffé cette année par la flambée des matières premières. Et cela met une nouvelle fois à l'épreuve l'ambition de la loi Alimentation (ou Egalim, promulguée en 2018) visant à rééquilibrer la répartition de la valeur entre les acteurs. "On est à 15 jours de la fin des négociations et la question est de savoir si les avancées [déjà obtenues] seront suffisantes pour permettre de l'inflation dans les secteurs qui en ont besoin", comme les pâtes, la viande ou les œufs, a-t-on indiqué du côté des cabinets des ministres. Ces derniers entendent continuer à manier "dialogue et contrôles" par les services de la répression des fraudes, a-t-on ajouté de même source. Selon le communiqué, les contrôles de la DGCCRF "sont plus précoces et plus ciblés cette année, avec notamment près de 200 contrôles en six semaines".

A l'assaut des supermarchés

Dans la journée, des agriculteurs ont également manifesté pour dénoncer une "distribution sourde et hors la loi" dans un Carrefour de Rennes et un Auchan près de Nantes, à l'appel des fédérations Bretagne et Pays-de-la-Loire de la FNSEA et de l'Union des groupements de producteurs de viande de Bretagne (UGPVB). A Rennes, des œufs ont été sortis des linéaires et distribués aux clients pour "impacter Carrefour" qui "refuse d'augmenter le prix d'achat pour rémunérer les éleveurs", a déclaré Frédéric Chartier, membre de l'UGPVB. Près de Nantes, une centaine de militants syndicaux ont aussi extrait des œufs, brioches et pâtes des rayons pour les offrir devant l'entrée du magasin.

Dans un communiqué publié le même jour, la FNSEA et les JA dénoncent "des injonctions toujours plus nombreuses" de la part des distributeurs pour imposer aux agriculteurs "des contraintes sur les conditions de production toujours plus fortes, sans les rémunérer en conséquence". "Ce qu'on impose aux agriculteurs, c'est donc la montée en gamme mais sans la rémunération", déplorent les syndicats, qui appellent à la "tolérance zéro".

"Egalim ne fonctionne pas"

Depuis la précédente réunion au ministère fin janvier, il "y a des prises de conscience qui se sont faites" même si elles "ne s'incarnent pas complètement dans la capacité à ne pas "déflater" [baisser les prix]", a déclaré à l'AFP Serge Papin, missionné par le ministère de l'Agriculture pour travailler sur "la répartition de la valeur". Malgré des indicateurs "au vert", les producteurs de lait "seront payés un peu moins cher, 2% précisément", a par exemple indiqué l'ancien patron de Système U, en dépit de contrats de revalorisation du prix du lait annoncés par certains distributeurs.

"Ce qui est important, c'est que sur les produits frais agricoles, il y a généralement des augmentations de tarifs qui ont été signées", a souligné auprès de l'AFP Jacques Creyssel, président de la Fédération du commerce et de la distribution (FCD), notant que les enseignes seraient prêtes à rouvrir les négociations "si les prix des matières premières réaugmentent".

Richard Panquiault, le directeur général de l'Ilec qui représente les marques nationales (pas seulement alimentaires), constate de son côté le "niveau terrible de défiance entre les industriels et la distribution". Pour lui, cette dernière met en avant la question du pouvoir d'achat des consommateurs, alors qu'elle est avant tout guidée par la crainte "d'acheter et vendre plus cher que ses voisins". Egalim "ne fonctionne pas" et "il faut absolument compléter la loi", tranche-t-il.