Néonicotinoïdes, la saga : suite et presque fin

[Edito] Alors que 2023 devait être la dernière année de dérogation pour l’usage des semences de betteraves traitées aux néonicotinoïdes en France, deux décisions majeures viennent d'être prises au niveau européen en quelques jours : d’une part, la fin de cette dérogation, et d’autre part, l’interdiction des néonicotinoïdes dans les produits, y compris importés.

Le feuilleton autour des néonicotinoïdes a démarré voilà plus de 10 ans, et dans les médias, les journalistes et commentateurs audiovisuels les plus aguerris réussissent désormais à en prononcer le nom correctement. En 2013, sur la base des conclusions de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), un moratoire de la Commission européenne a imposé des restrictions à l’usage de trois néonicotinoïdes (la clothianidine, l’imidaclopride et la thiaméthoxame) sur les cultures attractives pour les abeilles. A l’époque, cette interdiction ne s’applique ni sur les betteraves, ni sur les céréales d’hiver, peu attractives pour les abeilles. Mais la France veut aller plus loin, et en 2016, la loi « Pour la reconquête de la biodiversité » prévoit l’interdiction des produits à base de néonicotinoïdes pour toutes cultures et tous usages à compter du 1er septembre 2018, avec possibilités de dérogations jusqu’en 2020. Au niveau européen, l’interdiction est actée en 2018, mais ne concerne pas l’intégralité des substances de néonicotinoïdes. Ainsi, l’acétamipride continue d’être autorisée chez nos voisins européens, notamment en usage foliaire.

2020, année de la jaunisse

En 2020, lors de la première année sans néonicotinoïdes, une épidémie de jaunisse, transmise par les pucerons, provoque une chute des rendements des betteraves de 30% en moyenne, et jusqu’à 70% pour les exploitations les plus touchées. L’Etat vient au secours des planteurs en débloquant 80 millions d’euros d’aides et en octroyant par arrêté une dérogation pour l’enrobage des semences de betteraves aux néonicotinoïdes pour trois campagnes maximum. L’année 2023 devait donc être la dernière année pour l’usage de cette dérogation, mais la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a mis fin à cette possibilité le 19 janvier, en jugeant la dérogation illégale.

Suite à cette décision, et face au spectre de la jaunisse, une mobilisation syndicale des planteurs de betteraves est prévue le 8 février à Paris, pour dénoncer la « liquidation de l’agriculture ». Dans un communiqué commun, la Confédération générale des betteraviers, les Jeunes Agriculteurs et la FNSEA Grand Bassin Parisien dénoncent « la suppression continue des moyens de production » et « la mise en œuvre de contraintes réglementaires intenables », qui « favorisent les importations massives de produits étrangers issus de cultures traitées avec des produits phytosanitaires interdits en Europe ».

Une clause miroir sur les importations

Pour faire face à ces distorsions de concurrence, la Commission européenne vient d’adopter le 2 février - hasard du calendrier - un règlement abaissant les limites maximales de résidus (LMR) pour deux néonicotinoïdes, le thiaméthoxame et la clothianidine, « au niveau le plus bas qui peut être mesuré avec les dernières technologies », dans tous les aliments, y compris importés. Un premier pas de géant, alors que les mesures miroir sont réclamées à cor et à cri dans de nombreux secteurs agricoles. Il faudra cependant attendre 2026 pour la mise en place de cette mesure, afin de laisser le temps aux pays tiers de se conformer aux nouvelles règles.