Nouveau SCoT de Caen métropole : réaction de Jean-Yves Heurtin

Pas entièrement défavorable à l’artificialisation des sols, Jean-Yves Heurtin, président de la Chambre d’agriculture du Calvados et agriculteur à Ouilly-le-Tesson, enjoint toutefois les élus d’optimiser chaque mètre carré de terre sacrifiée.

>> Le SCoT Caen métropole annonce une baisse de 37% des ambitions de consommation des espaces agricoles par rapport à la période précédente. Est-ce une bonne nouvelle ?
La bonne nouvelle, c’est que la surface à consommer est moins importante que celle du SCoT précédent. Toutefois, l’effort est relatif. Elle est calée sur le rythme des constructions de ces trois ou quatre dernières années. Ce chiffre de 37%, c’est de la communication.

>> L’essentiel des logements se concentrera dans l’agglomération caennaise : 2 000 logements/an sur les 2 600 maximums autorisés. Or, la pression foncière y est déjà forte…
Si on fait « de la ville sur la ville », ce n’est pas un problème. Mais si on consomme de nouvelles terres, il faut absolument travailler sur l’efficacité. L’artificialisation des terres est inéluctable. Il faut créer un maximum de logements et d’emplois sur toute la surface. Chaque mètre carré doit être optimisé. Le contre-exemple, ce sont ces zones artisanales dans lesquelles on a utilisé beaucoup d’espace pour du gazon, ça n’a pas de sens. Le défi, c’est d’être imaginatifs dans la création de nouveaux habitats plus denses, tout en produisant des villes plus attrayantes.

>> Quelles peuvent être les difficultés pour les agriculteurs en périurbain demain ?
La consommation des terres engendre des conséquences variées pour les exploitants. Ils perdent leur support de production d’abord. Cela accentue la pression foncière et les encourage à amplifier la concurrence quelques kilomètres plus loin, pour compenser ce manque. L’augmentation du prix limite les nouvelles installations. Et puis, la densité a un impact sur la circulation des engins agricoles. Certaines communes ont déjà une attitude discriminante en construisant des routes trop étroites pour leur passage.

>> A l’opposé, en Suisse Normande, des restrictions s’imposent sur les ZNIEFF, limitant les constructions de bâtiments agricoles. La profession risque-t-elle d’en pâtir ?
C’est un risque largement souligné par la profession durant l’enquête publique. Que les exploitations ne puissent pas se développer, c’est problématique. On évoque beaucoup les circuits-courts : le risque c’est qu’aucun jeune ne puisse s’installer. C’est contradictoire avec la volonté d’avoir une agriculture de proximité.

>> Qu’auriez-vous souhaité ?
Ce qui m’importe, c’est la densification. Ce n’est pas tant le volume d’hectares consommés qui compte que ce que l’on en fait. Si on consomme 90 hectare une année, mais qu’ils sont destinés à un réel développement économique et qu’ils contribuent à la dynamique du territoire, je ne suis pas totalement contre. Les élus seront tenus pour responsables si le foncier n’est pas optimisé, car c’est un bien qui devient trop rare pour être gâché, comme cela a été fait jusqu’à présent. Certaines grandes surfaces construisent des parkings à étages pour ne pas consommer d’espace supplémentaire, même si cela leur coûte plus cher. Ça va dans le bon sens.

>> Le développement des petites communes devient très limité : la ruralité ne risque-t-elle pas de dépérir ?
Non. C’est ridicule aujourd’hui de construire des extensions de 5 hectares de pavillons. Il existe des dents creuses, il faut tout faire pour les combler et ne pas empêcher les petites communes d’optimiser ces terrains. Il faut garder une vie en milieu rural, mais en densifiant.

>> On parle beaucoup du « zéro artificialisation net » qui pourrait être mis en place avant la fin du quinquennat. Pensez-vous que ce soit la solution ?
C’est un propos électoraliste : que met-on derrière ? L’intention est louable mais rien n’est défini, je reste donc dubitatif.