Nouveaux fourrages (1/4) : « Le maïs lablab, c’est 500 g de soja en moins par jour et par vache »

A Sere Lanso (Hautes-Pyrénées), Stéphane Cazenavette expérimente pour la deuxième année l’association du maïs et du lablab, une légumineuse tropicale. Malgré un itinéraire encore quelque peu empirique, les bénéfices sont déjà palpables.

Avec ses 1099 mm de pluviométrie annuelle, ses 85 ha de prairies permanentes auxquelles s’ajoutent des surfaces pastorales, Stéphane Cazenavette n’est pas vraiment préoccupé par l’autonomie fourragère de ses 90 Blondes d’Aquitaine et de leur suite. Mais aussi verte soit-elle, l’herbe ne fait pas tout pour finir d’engraisser les vaches. En 2020, avec le soutien de la Chambre d’agriculture, l’éleveur expérimente l’association de maïs avec le lablab, une légumineuse tropicale qui s’agrippe au maïs, dans l’objectif de corriger son déficit en protéines. Sur une sole de 5 ha dédiés au maïs ensilage, 2 ha associent les deux espèces. Résultats ? « Le maïs lablab est ressorti à 11,8 points de MAT contre 7 points pour le maïs, ce qui équivaut à une économie de 500 g de soja par vache et par jour, déclare Stéphane Cazenavette. Pour les gestantes, je me suis contenté de rajouter un peu de paille pour atteindre une ration de 13 kilos de matière sèche ».

Stéphane Cazenavette exploite avec sa sœur Florence 85 ha d’herbe et 5 ha de maïs lablab

Dans les sillons de l’IGP Haricot tarbais

En 2021, les 5 ha ont été convertis en maïs lablab. L’éleveur a légèrement modifié l’itinéraire cultural. Il a notamment fait le choix de décomposer le semis, en ménageant 13 jours entre celui du maïs et celui du lablab. « L’an passé, la répartition des graines des deux espèces n’était pas régulière, se justifie-t-il. Les graines de maïs et de lablab ont grosso modo la même taille mais leur poids spécifique est différent. L’objectif était aussi de faciliter le désherbage. J’ai semé 80.000 graines/ha de maïs et 35.000 graines/ha de lablab ».

Pour l’occasion, l’éleveur a ressorti un vieux semoir Monosem en deux rangs et a positionné le lablab à 5 cm de la ligne de maïs. Une pratique qui n’est pas sans rappeler celle en usage pour le Haricot tarbais, une IGP Label rouge des Hautes-Pyrénées, dont le mode de culture traditionnel fait du maïs un tuteur. A la différence du haricot, le lablab ne produit pas de graines sous nos latitudes.

Le semoir deux rang, ressorti pour semer le lablab en décomposé et en décalé par rapport au maïs
Le semoir deux rang, ressorti pour semer le lablab en décomposé et en décalé par rapport au maïs

Inoculer pour gagner en MAT

Ce mode de conduite n’est pas celui recommandé par Semental, un semencier français basé dans la Sarthe, spécialisé dans les fourragères et les couverts végétaux, à l’origine de l’introduction du lablab en France. « Le poids de 1000 grains est de 220 pour le lablab contre 200 à 250 pour la plupart des variétés de maïs, explique Pierre Renouf, responsable technique maïs et sorgho chez Semental. La taille des semences est également similaire donc nous recommandons le semis combiné. Le lablab sortira le premier, le maïs prendra ensuite le dessus avant d’être rattrapé par le lablab ». La présence de deux espèces complique un peu le désherbage.

Le semencier recommande par ailleurs d’inoculer les semences car l’inoculum inféodé au lablab n’est pas présent en France. La pratique permet de conforter le rendement en MAT tout en faisant l’économie d’une majeure partie de la fertilisation azotée. Les résultats de 15 essais de Semental font état d’un gain moyen de 1,8 points de MAT, avec des points à 3,5 points. En ce qui concerne les rendements en matière sèche, Semental annonce des rendements équivalents et escompte bien enregistrer des progrès au fil des ans, le semencier ne disposant que de quelques années de recul. L’association maïs-lablab a potentiellement vocation à se développer dans toutes les zones de production de maïs.

Les graines de lablab peuvent être mélangées aux semences de maïs pour semer en un seul passage, selon la préconisation de Semental
Les graines de lablab peuvent être mélangées aux semences de maïs pour semer en un seul passage, selon la préconisation de Semental

Des tourteaux quand même

S’il a fait réaliser des analyses, Stéphane Cazenavette n’a pas estimé précisément le rendement de son maïs lablab en première année, qui a en prime joué de malchance au niveau climatique avec des épisodes de sécheresse (il cultive en sec) et de grêle. L’apport de fumier permet selon lui de conforter la fertilisation et de faire l’impasse sur l’inoculum. L’éleveur espère que la deuxième année confortera les résultats enregistrés l’an passé. S’il escompte faire des économies sur ses factures d’aliment, il ne pense pas s’en soustraire complètement.

« Pour avoir des concentrés aux petits oignons, il faudrait pouvoir cultiver du soja, du lin, du colza, de la luzerne et y ajouter une dose de mélasse », explique l’éleveur. Le village de Sere Lanso est à quelques encablures de Lourdes mais de là à produire des miracles... Et puis on ne change pas du jour au lendemain une formule qui gagne. Le Gaec du col de Léret, associant  Stéphane Cazenavette et sa soeur Florence, remporte régulièrement des prix au concours de vaches grasses des Hautes-Pyrénées et sa viande est appréciée des clients du magasin de producteurs de Lourdes ainsi que sur la côte basque.

Le Gaec du col de Léret est reconnue pour la qualité de sa viande, vendue en partie au magasin de producteurs de Lourdes
Le Gaec du col de Léret est reconnue pour la qualité de sa viande, vendue en partie au magasin de producteurs de Lourdes