Pac 2023-2027 : la vision du ministre, les réactions des syndicats

Le ministre de l’Agriculture a présenté le 21 mai sa vision politique et la majeure partie des arbitrages techniques et budgétaires du premier et du second pilier de la Pac. Prochaine étape : des manifestations...

« Je suis très content de vous présenter une Pac très ambitieuse en faveur d’une production qualitative, d’un accompagnement de la transition écologique, d’un investissement fort, d’une sortie de nos dépendances, avec notamment ces décisions historiques sur les protéines, avec ces réformes importantes comme celle de l’UGB, avec la création de valeur sur nos territoires », a déclaré le ministre de l’Agriculture, à l’issue du Conseil supérieur d’orientation (CSO) du 21 mai.

Après trois heures de débats intenses et houleux, qui ont vu la Confédération paysanne quitter prématurément la réunion, Julien Denormandie a présenté les principaux arbitrages techniques et budgétaires du Programme stratégique national (PSN), la déclinaison française de la Pac. La rédaction finale du PSN sera achevée d’ici à l’été. A l’automne, le PSN fera l’objet d’une évaluation par l’Autorité environnementale et d’un débat public, avant d’être adressé à la Commission européenne d’ici au 1er janvier 2022.

En phase avec le Green deal

Face à une réforme de la Pac « qui crée parfois des tensions au sein même du monde agricole », le ministre de l’Agriculture a rappelé que la France avait obtenu deux victoires au plan européen, à commencer par le maintien du budget en euros constants, alors que les premières propositions de la Commission européenne faisaient état « d’une baisse de -4% à -5% sur le premier pilier et de -10% à -15% sur le second pilier ».

Julien Denormandie a revendiqué une autre victoire, relative à l’écorégime, dont l’application « obligatoire par tous les États membres est essentielle pour mettre fin à cette concurrence déloyale au sein même du marché européen ». Le ministre compte porter le dossier au-delà des frontières européennes à l’occasion de la présidence française de l’UE au premier semestre 2022, avec la défense des clauses miroirs, « qui doivent protéger notre modèle agricole fondé sur la qualité ».

Le ministre a précisé que les orientations du PSN étaient en « phase avec les objectifs du Green deal, qu’il s’agisse de l’écorégime, des MAEC et de la bio, même s’il restera une marche énorme à franchir pour passer de 18% en 2027 à 25% en 2030 », a-t-il concédé.

Autant d’arguments qui n’ont pas convaincu l’ensemble des organisations syndicales, à commencer par la Confédération paysanne.

Confédération paysanne : une imposture

La Conf’ déplore le rejet de trois grandes revendications à caractère social de la Pac, à savoir la revalorisation du paiement sur les premiers hectares, l’aide aux petites fermes et le plafonnement des aides, « trois leviers pour développer l’installation et l’emploi paysan, seule façon d’avancer réellement dans la transition agroécologique et en faveur de la souveraineté alimentaire ».

La convergence est limitée « au strict minimum » tandis que le « greenwashing est bien à l’œuvre puisque la HVE et l’AB sont mises au même niveau ». La Conf' estime que la portée de l’aide à l’UGB  bovine sera minorée par le choix de fusion des aides lait et viande, « au détriment de l’élevage allaitant déjà en crise ». L’aide au maraichage de 10 millions € équivaut à des « des miettes, au regard de l’état de la filière fruits et légumes ». Le renforcement de l’assurance récolte est « une fausse solution contre les effets du changement climatique alors que des MAEC ambitieusement dotées seraient efficaces ».

« Qui assumera en 2027 l'énième plan de licenciement qui découlera de ces arbitrages ? », conclut la Conf’, qui se mobilisera le 27 mai, avant la Fnab le 2 juin.

CR : un satisfecit pour la stabilité des revenus

La Coordination rurale se félicite du choix du ministre de ne pas bouleverser les bases du revenu des agriculteurs. Elle cautionne le maintien du paiement redistributif à son niveau actuel (10% du premier pilier vers les 52 premiers hectares), la convergence limitée (85% au lieu de 70% actuellement), le maintien du taux de transfert entre 1er et 2ème pilier à son taux actuel (7,53%) et le maintien de l’ICHN, « tant cette aide est importante pour les zones intermédiaires et défavorisées ».

Le syndicat juge « très pertinente » l’aide à l’UGB lait et allaitant différenciée au détriment de l’approche mixte mais s’inquiète des futurs arbitrages. La CR accueille aussi très favorablement l’idée d’un écorégime accessible et inclusif. Elle est en revanche réservée sur le doublement de l’aide protéines en fin de programmation, tout en jugeant « intéressante » la montée en puissance progressive de l’aide. Elle regrette enfin que les aides ovine et caprine n’aient pas été sanctuarisées.

FNSEA : orientations pertinentes, arbitrages en demi-teinte

La FNSEA est satisfaite du respect des équilibres entre productions et entre territoires, jugeant « indispensable que les choix nationaux opérés dans le cadre de la réforme soient supportables par les exploitations et leur donnent le temps de l’adaptation ». Elle salue la fixation d’une trajectoire de convergence « raisonnable » à 85%, le maintien du transfert entre les deux piliers de la Pac au niveau actuel (7,53%), la préservation de l’enveloppe de l’ICHN (1,1 milliard €) ou encore le soutien aux protéines.

Mais le syndicat attend les arbitrages définitifs pour juger la réforme, évoquant les incertitudes pesant sur les aides couplées, les MAEC zones intermédiaires et l’écorégime. « L’absence de clarifications sur les écorégimes continue à représenter une réelle inquiétude pour les agriculteurs ».

JA : un plus pour les jeunes dans une Pac vieillissante

Les Jeunes agriculteurs saluent l’augmentation de 50% des montants dédiées au paiement JA, consolidant l’enveloppe à hauteur de 101 millions €, ainsi que l’augmentation du budget du Feader, porté à 117 millions €, alloué à l’installation. A une réserve près : il faudra « transformer l’essai en mettant les contributions de l’État et des Régions à la hauteur des engagements ».

Les JA se félicitent aussi du maintien des budgets de l’ICHN et du Posei (Outre-mer) mais regrettent « l’objectif affiché de stabilité, reposant sur le maintien d’outils vieillissants, limitant les ambitions en termes de convergence et de redistribution des aides ». Les JA saluent l’engagement du ministre à ouvrir un chantier sur la définition du véritable agriculteur. Les JA attendent aussi beaucoup du « Varenne » et de la future loi Egalim 2.

Modef : les petites fermes oubliées

Le Modef acte le soutien couplé aux protéines, l’aide couplée au maraichage, le maintien de l’ICHN, le doublement de l’aide à la conversion bio et l’aide à l’UGB, notamment pour aider les éleveurs laitiers, tout en s’inquiétant de la baisse de la vache allaitante à hauteur de 4%. Le syndicat réclame une aide de 200 € pour les 50 premiers UGB et 90 € pour les suivants. Il déplore l’abandon de l’aide pour les petits exploitants, l’absence de plafonnement des aides, le maintien du paiement redistributif à 10%.

En ce qui concerne l’écorégime, le Modef désapprouve l’inclusion de la certification HVE. « L’écoégime doit permettre la rémunération des services rendus par les agriculteurs pour le maintien ou la mise en place de pratiques agronomiques favorables sur leurs surfaces agricoles et reconnues par leurs bénéfices ».