Pour un observatoire des énergies renouvelables en agriculture

La montée en puissance de la production d’ENR par les exploitations recèle encore trop d’inconnues, que le CGAAER préconise de lever, tout en alertant sur les risques d’un accroissement de l’hétérogénéité entre exploitations productrices et celles qui en seront privées.

De 1.000€/ha à 1.500€/ha pendant 30 ans pour une installation agrivoltaïque, à partager avec le propriétaire foncier le cas échéant. Un revenu de 2500€/an pendant 20 ans pour 500m2 de toiture photovoltaïque. Une rémunération annuelle 4000€/an pendant 20 pour un mât d’éolienne, là aussi à partager avec le propriétaire foncier le cas échéant. Un résultat courant avant impôt compris entre 54 €/kWe et 850 €/kWe pour un méthaniseur, soit un rapport de 1 à 15 (sur un échantillon de 25 installations) : tels sont les revenus indicatifs induits par la production d’énergie renouvelables (ENR) par les exploitations agricoles. Ils figurent dans un rapport publié en décembre dernier par le CGAAER (*), consacré à l’évolution du revenu agricole depuis 30 ans et aux facteurs d’évolution d’ici à 2030. Parmi ces facteurs d’évolution figurent la production d’ENR, en lien avec la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), qui assigne au secteur agricole d’ici à 2018 la production de 14 à 22 TWh de biogaz injecté, de 340 à 410 MW d’électricité issue de la méthanisation et enfin 35,1 à 44GW la production d’électricité photovoltaïque.

30 000 exploitations en 2030

Avec ses millions d’hectares de terres arables et de prairies, les toits de ses hangars et ses gisements de biomasse (fumier, lisier, Cive, co-produits...,), l’agriculture a des atouts à faire valoir dans la transition énergétique. Et accessoirement des revenus à engranger. En 2015 (derniers chiffres disponibles), la production d’ENR issues de l’agriculture représentait 1,35 milliard d’euros, soit 2% du chiffre d’affaires du secteur, les biocarburants s’octroyant la plus grande part (77,2%), devant le photovoltaïque (7,6%), la méthanisation (6,4%) et la production de biomasse (6,2%), sans compter l’autoconsommation, équivalent à 112 millions d’euros.

En 2020, 12.127 exploitations produisaient des ENR générant un produit moyen de 24.359 €, équivalant à 7,4% du produit brut (selon les données du RICA), auxquelles il faut ajouter 3.029 exploitations mettant à disposition leurs toits ou surfaces à des sociétés d’investissement. Dans les deux cas, il est à noter que le tiers des exploitations réalisent cette activité par le biais d’une autre entité, du fait du plafonnement à 100.000 euros et 50%% du produit brut de l’exploitation des ventes d’énergie au titre du régime des bénéfices agricoles, en dehors du cas de la méthanisation lorsque au moins 50% des matières premières proviennent de l’exploitation. « A titre strictement indicatif, au vu des objectifs généraux de développement, de l’ordre de 30.000 exploitations pourraient être impliquées dans la production d’énergie renouvelable en 2030 en qualité de producteurs, de prestataires ou d’apporteurs de matières organiques », lit-t-on dans le rapport du CGAAER.

Des références technico-économiques lacunaires

Cependant, le rapport juge que la perspective de revenu pour la branche agricole est difficile à appréhender d’autant plus que certains outils seront développés sous le régime des bénéfices industriels et commerciaux. S’agissant de la méthanisation en particulier, les missionnés du CGAAER soulignent la grande variabilité des revenus, en lien avec du coût de l’emprunt, des substrats, du fonctionnement, d’épandage du digestat et bien évidemment des recettes, liées aux prix d’achat fixés dans les appels d’offre et de la clé de répartition des bénéfices dégagés dans le cas de projets collectifs ou financés par différents acteurs. « Les perspectives offertes par la production d’énergies renouvelables sont très contrastées et plus ou moins assurées suivant les types d’énergie », conclut le rapport qui préconise la mise en place d’un dispositif d’information spécifique à l’agriculture, avec des références technico-économiques actualisées et accessibles, jugées en l’état actuel « très incomplètes et peu actualisées », au service de la « transparence ».

Le risque d’accentuer l’hétérogénéité

L’observatoire escompté ne fera rien en revanche contre le risque de voir les énergies renouvelables accentuer l’hétérogénéité des revenus entre exploitations productrices et non productrices. « En tout état de cause, les exploitations agricoles ne seront pas toutes en mesure de développer cette diversification d’activités qui suppose l’accord du propriétaire des terres dans certains cas, l’accord de création d’installations de la part des parties prenantes et la capacité de financement dans d’autres cas. Il convient d’être très vigilant dans un domaine qui pourrait renforcer la forte hétérogénéité existant déjà entre les exploitations agricoles. Cette hétérogénéité est renforcée si on tient compte de la diversité des structures juridiques dans lesquelles un agriculteur peut s’impliquer ». Précisons qu’il n’était pas dans la mission du CGAAER de formuler des recommandations à cet égard.

(*) Conseil général de l’agriculture, de l’alimentation et des espaces ruraux