Protection des plantes : "l’avenir est au combinatoire"

Portée par les attentes politiques et sociétales, la montée en puissance du biocontrôle et du digital poussent les entreprises de protection des plantes à se repositionner vers davantage de solutions combinatoires. Après dix ans de baisse et dix ans de stagnation, comment les utilisations de produits phytosanitaires vont-elles évoluer dans la décennie à venir ?

Au début du vingt et unième siècle, la courbe d’utilisation des produits phyto s’est massivement érodée. En 2000, environ 120 000 tonnes de substances actives de produits phytopharmaceutiques étaient vendues en France, contre quasiment moitié moins dix ans plus tard. Depuis 2010 pourtant, en dépit des plans Ecophyto successifs, les utilisations stagnent, voire augmentent. Selon les données du ministère de l’Agriculture, le volume des substances actives vendues aux agriculteurs a fluctué depuis 2010 entre 60 000 et 80 000 tonnes, dépassant même les 85 000 tonnes en 2018.

L’année 2019 marque un tournant, avec une forte baisse constatée des volumes vendus. Selon l’Union des industries de la protection des plantes (l’UIPP, qui représente 96% du marché en France), les quantités de matières actives vendues ont chuté de 24% entre 2018 et 2019, après avoir augmenté de 8% entre 2017 et 2018. La hausse observée cette année-là a été expliquée par deux facteurs : d’une part, par le contexte climatique de l'année 2018 (particulièrement propice aux maladies et ravageurs), d’autre part, par la hausse de la redevance pour pollutions diffuses au 1er janvier 2019 ayant pu conduire à des achats anticipés. La baisse observée en 2019 résulte mécaniquement de ces achats anticipés, mais aussi d’une année qui était peu propice aux maladies et aux bioagresseurs.

En dehors de ces raisons conjoncturelles, peut-on y voir néanmoins une tendance à la baisse ? Les données de 2020 - qui ne sont pas encore disponible – offriront un premier élément de réponse. En attendant, d’autres tendances se dégagent, permettant d’entrevoir l’avenir de la protection des plantes à horizon 2030.

Un repositionnement des industriels

Première tendance forte : la hausse de l’utilisation des produits dits de « biocontrôle », c’est-à-dire des alternatives d’origine naturelle aux traitements chimiques de synthèse. La boîte à outil du biocontrôle comprend les macro-organismes (insectes, nématodes…), des micro-organismes (bactéries, levures, champignons, virus…), les médiateurs chimiques (kairomones et phéromones) ou encore les substances d’origine naturelle (acide pelargonique, soufre, huile de paraffine…). En 2019, la part de produits de biocontrôle vendus parmi les produits de protection des plantes était de 22%, contre 7% en 2010. « C’est une tendance forte du marché. Les entreprises investissent toutes dans le biocontrôle », affirme Bruno Baranne, président de l’UIPP et de Syngenta France.

Autre tendance forte : le digital, qui permet d’améliorer l’efficacité des outils d’aide à la décision (OAD) et une application au champ de plus en plus chirurgicale. Pour Bruno Baranne, la baisse de l’utilisation des produits phyto en 2019 pourrait d’ailleurs être aussi liée un meilleur usage des OAD. Pour le président de l’UIPP, l’avenir est au combinatoire : associer aux produits phytosanitaires le digital, la robotique, les biotechnologies, la sélection variétale et le biocontrôle. « C’est la meilleure option pour répondre à la performance, au durable et aux attentes sociétales », estime-t-il. Au niveau européen, les industries de la protection des plantes prévoient d’ailleurs, à horizon 2030, d’investir 10 milliards d’euros dans le digital et 4 milliards d’euros dans le biocontrôle.