Rencontre annuelle de la fertilisation, un retour à la normale attendu mais incertain

Le cours des engrais est étroitement lié à celui de l’énergie. Pas facile donc de prédire de manière certaine de son évolution, ont notamment prévenu les intervenants des rencontres annuelles de la fertilisation raisonnée et de l’analyse. Proposé par le Comifer*, ce rendez-vous est devenu incontournable pour tous les acteurs français de la fertilisation.

Evolution des marchés, décarbonation de la production de fertilisants, intérêts du digestat pour les sols et les plantes ou encore leviers agronomiques pour améliorer l’autonomie en azote des exploitations agricoles… une grande diversité de sujets ont été abordés durant les trois jours des rencontres annuelles de la fertilisation, organisées par le Comifer du 14 au 16 novembre à Tours.

Un marché extrêmement mouvementé

Le marché des produits fertilisants est baissier depuis plusieurs mois, après une hausse presque jamais vue en 2021 puis en 2022. Une conjoncture rarement observée par les agriculteurs acheteurs d’engrais, excepté en 2008 où la crise financière mondiale avait déjà entrainé une envolée des prix de l’azote. Mais les agriculteurs se souviendront des deux dernières campagnes d’approvisionnement, tant la fluctuation des prix était inédite.

Les explications d’une telle situation sont nombreuses. Le conflit en Europe de l’Est et les sanctions de l’UE envers la Russie et la Biélorussie ont entrainé une baisse considérable des exportations de ces deux pays, de l’ordre de - 65 %. Notons que la Biélorussie exporte 40 % de la potasse mondiale et la Russie 25 % de l’azote à cette même échelle. L’embargo mis en place par l’UE se traduit aussi par une hausse sans précédent du cours du gaz.

Aujourd’hui encore indispensable à la fabrication d’engrais minéraux, cette ressource fossile participe donc indirectement à l’envolée du prix des matières fertilisantes. La Lituanie empêche également la Biélorussie d’exporter ses fertilisants via la mer baltique. Plus récemment, les unités de fabrication de produits fertilisants accusent un cours des engrais en chute libre, alors que le gaz baisse de manière plus mesurée. Certaines d’entre elles ont fait le choix de réduire drastiquement leur production pour éviter de travailler à perte. L’offre de produits fertilisants à l’échelle européenne est donc significativement en retrait, ce qui génère des tensions sur les prix. En revanche, d’autres pays moins regardants sur le contexte géopolitique, à l’image de l’Inde, la Chine ou le Brésil, ont continué de s’approvisionner massivement auprès de ces deux pays.

Une demande en repli

Même en présence de cours élevés des matières premières agricoles sur cette même période, l’extrême cherté des engrais a conduit certains producteurs à diminuer considérablement leurs apports au champ. Côté demande donc, à l’échelle mondiale, les experts font état d’une baisse de 2,8 % des achats en 2021 et 4,9 % en 2022 (contre - 8,4 % en 2008), tous fertilisants confondus.

En plein conflit, l’Ukraine a quant à elle baissé sa consommation de matières fertilisantes des deux tiers. Pour Fabien Santini, spécialiste des marchés des intrants agricoles à la commission européenne, « les acteurs du marché au sein de l’UE n’ont pas trop diminué leur consommation d’azote, conscients que les impacts sur les rendements pouvaient s’avérer importants. » En revanche, il attire l’attention sur la potasse et le phosphore. « Ces deux marchés peinent à retrouver leurs volumes d’avant crise. Or ces impasses pourraient pénaliser les rendements au sein de l’UE dans les trois ou quatre ans à venir. » Le début de l’année 2023 s’avère quant à lui plus prometteur en volume pour les marchands de fertilisants. La commercialisation de l’azote accuse une hausse de 3 %, quand phosphore et potasse augmentent l’un comme l’autre de 5 %. Ce sont surtout les marchés d’Asie du Sud-Est et d’Amérique latine qui participent à cette reprise d’activité significative. Aujourd’hui encore, le marché européen des fertilisants reste frileux. Le spécialiste a également fait référence à la nécessité de conserver une souveraineté alimentaire solide au sein du Vieux continent.

Des décisions européennes limitées

Pour tenter d’enrayer cette tension sur les marchés, à court terme, l’UE souhaite atténuer le prix de l’énergie, indispensable à la fabrication de fertilisants. La commission européenne a également mis en place un observatoire européen du marché des engrais. A plus long terme, un soutien aux pratiques agronomiques pour améliorer la gestion des nutriments au champs est prévu. Tout comme le développement de l’agriculture de précision et l’incitation à l’allongement des rotations, en y intégrant des légumineuses.

 

Vendeurs, mais surtout acheteurs de fertilisants, aspirent à un retour à la normal rapide. mais les cours de l’énergie seront déterminants dans les prochains mois et d’importants bouleversements vont être enrayés en ce qui concerne la production (voir encadré.) même si prédire l’évolution des cours est mission impossible, les prochains mois s’orientent, d’après les experts, vers une éventuelle baisse, toute relative ! 

*Comifer : comité français d’étude et de développement de la fertilisation raisonnée.