Salers : décapitalisation et croisement plombent les effectifs

Sous les projecteurs internationaux du Salon de l’agriculture, la race salers revient à une plus dure nécessité : enrayer l’érosion de ses effectifs et la désaffection pour la conduite en pure.

Économe, autonome, maternelle, rustique et durable.... : la  salers coche toutes les cases pour s’imposer comme la race du XXIe siècle, selon l’expression chère à Frédéric Canal, président du HBS, Herd-book salers, qui tenait jeudi
dernier son assemblée générale au domaine du Fau devant 90 adhérents, après un premier semestre qui a vu la race portée au zénith international, égérie du Sia 2023.

Pourtant, l’acajou n’échappe pas à la lame de décapitalisation qui amenuise depuis plusieurs années déjà le troupeau allaitant- et plus globalement bovin - tricolore.022). Un phénomène qui s’est encore accéléré en 2022 et 2023 : on ne recensait ainsi plus que 319 980 femelles en France en 2022, soit 13 292 de moins qu’un an auparavant, un effectif tombé à 308 805 individus en 2023 (- 3,62 %). En cinq ans, c’est plus de 11 % du cheptel femelle de la race qui a disparu, contre - 8,71 % pour les femelles de plus de 36 mois (205 931 recensées en 2023, - 2,67 %/2

Sans génisses, un renouvellement hypothéqué

Cette érosion, qui s’explique également par un taux de croisement au plus haut (24 % chez les adhérents HBS), touche toutes les catégories d’âge, et, constat inquiétant pour l’avenir de la salers, le nombre de génisses accuse une nette baisse. Au 1er janvier 2023, les chiffres de la BDNI faisaient  état de 102 291 génisses (un tiers des femelles), 122 269 vaches considérées jeunes (36-96 mois) et 77 841 femelles âgées (un quart de l’effectif femelle). “On ne peut pas remonter en effectif avec aussi peu de génisses”, affiche Frédéric Canal. Et qui dit moins de génisses, dit moins de pression de sélection, et une remise en question de la qualité des renouvellements, constate le HBS qui évoque parallèlement une demande dynamique de génisses à l’export.
Et, hormis la section Centre du HBS, où l’effectif total s’est stabilisé autour de 25 000 femelles (> 36 mois), toutes les autres régions voient leurs effectifs reculer, la section Sud (du berceau élargi) enregistre la plus forte baisse avec 3 500 têtes de moins (- 3 %).

Compromis entre miss et bonne mère de famille...


Comment enrayer la tendance et convaincre davantage d’éleveurs de faire le choix du pur alors que le marché discrimine toujours négativement les veaux rouges ? “Cela passe par la communication, estime Frédéric Canal. Il y a des élevages en pur qui ont toujours bien travaillé et dont les marges brutes sont bien plus importantes que celles d’autres races ou en croisées. C’est un peu le drame de la salers depuis toujours : la sélection est faite parfois sur le phénotype, la beauté, et pas forcément sur l’économie. Or, c’est bien d’avoir une miss à la maison mais il faut aussi qu’économiquement elle fasse le boulot. Il faut un compromis, des animaux à la fois élégants et économiquement rentables.”
En termes de contrôle de performances, ce sont 64 043 femelles, réparties dans 1 411 élevages en France qui ont été contrôlées (en 2021, lire encadré), avec là aussi, une source de préoccupation pour les responsables de la race : une part croissante d’élevages à l’état civil alors que celle des exploitations en protocole VA4 est en repli depuis plusieurs années déjà. Une tendance (recul du protocole VA4) également observée dans les rangs des 389 adhérents du Herd-book et qui a conduit ce dernier à adopter une nouvelle mesure : à compter de 2024, seuls les élevages en VA0 ou VA4 pourront souscrire, et l’accès la station d’évaluation, comme au concours national et aux ventes pour l’export, restera réservé aux exploitations en VA4.  “L’objectif, c’est qu’un maximum d’élevages soient en VA4 pour disposer d’un maximum de données et accompagner techniquement les éleveurs au-delà de la pesée et du pointage”, avancent Frédéric Canal et son vice-président Olivier Andrieu. À cette fin, d’ici janvier prochain, les techniciens du HBS sont chargés d’aller à la rencontre des adhérents à l’état civil ou en VA0 pour les accompagner vers ces évolutions.
2022 a par ailleurs connu une très légère reprise des exportations de reproducteurs avec 283 certificats d’export délivrés contre 279 en 2021, avec une demande marquée de la Bosnie (178). Sachant  que 167 animaux (génisses principalement)  ont été exportés l’an dernier via la structure commerciale Intergènes à un prix moyen de 2 413 €.
Bilan favorable également pour la campagne 2022-2023 de la station d’évaluation de la race avec 105 taureaux qui ont intégré la station, 63 vendus lors des deux ventes aux enchères à des moyennes qui ont atteint respectivement 3 904 € et 4 598  pour les bandes 1 et 2. La première promotion de la campagne 2023-2024 fera sa rentrée le 29 août prochain, l’occasion pour le président Canal de rappeler l’importance de cet outil racial et d’inciter les éleveurs à y recourir : “Sans une station qui fonctionne avec un maximum de diversité génétique, la race aura du mal à avancer, il ne faut donc pas avoir peur de mettre son meilleur veau à la station !”

Nouveaux collaborateurs


Parallèlement, le taux d’IA enregistre une légère augmentation (+ 2 %) avec 35 500 inséminations pratiquées sur des femelles salers. La race représente toujours 3 % du total des IA dans les races allaitantes mais le taux d’IA en race pur n’est que de 59 % en salers  et sur 255 taureaux utilisés sur la campagne 2021 pour inséminer des salers, seul un tiers était eux-mêmes des salers.
Les chantiers sont donc nombreux pour inverser la courbe, redonner confiance et intérêt aux éleveurs de travailler davantage en pur, et apporter plus globalement des perspectives à moyen terme à la salers. Faute pour l’heure d’avoir trouvé un directeur ayant une certaine expérience et disposé à faire la route jusqu’à Saint-Bonnet-de-Salers, les administrateurs(1) se sont entourés d’une équipe salariée renforcée avec désormais quatre techniciens (Marie Mauret, Armand Papon, Karine Champeix, Olivier Tournadre) et un ingénieur (Corentin Pagis) au HBS, une chargée de missions export Intergènes (Juliette Rodde) également affectée à l’accompagnement technique au HBS. Quant à Élodie Brunon, elle remplace au secrétariat Sylvie Boutonnet, qui, après 40 années au service de la race, a fait valoir ses droits à la retraite. Elle a été vivement remerciée pour son engagement tout comme Lionel Guérin, technicien qui, après 13 années au Herd-book, a fait le choix de s’installer... en salers.
Enfin, à noter côté finances, des comptes sains du HBS avec des produits d’exploitation en hausse de 20,3 % en 2022 (à 659 000 €) pour un résultat positif de 53 657 €.

(1) Ont été reconduits lors de cette assemblée générale les mandats de : François Fabre, Stéphane Gaillard, Gaëtan Ferrerol, Gilles Lafon et Guillaume Rongier. Virginie Lachaize (Tauves) remplace elle Éric Dauphin, démissionnaire pour raison de santé.