Se faire rouler dans la farine ? De plus en plus compliqué...

Dans les allées, que ce soit pour les huiles, la farine ou les pâtes, les mêmes signes d'agacement : comment faire son gâteau ou sa mayonnaise sans ces incontournables de la consommation ?

Dans l'ensemble du territoire, plusieurs rayons de grandes surfaces se dégarnissent, voire restent vides. Le phénomène traduit des tensions multiples, entre inquiétude des consommateurs, guerre en Ukraine, hausse des coûts de production ou encore négociations commerciales ardues, sur fond de forte inflation.

Le panéliste spécialiste du secteur NielsenIQ note que la disponibilité des produits baisse depuis début mars, même si la tendance "demande à être confirmée dans les prochaines semaines".
Les catégories les plus pénalisées sont les huiles, suivies par les pommes de terre surgelées, la farine, les pâtes et les oeufs. 
Et, selon NielsenIQ, 3,1% des produits ont manqué à un moment depuis le début de l'année, pendant 4 jours en moyenne. 60% de ces ruptures concernent les rayons épicerie et frais.

Achats de précaution mais pas que...

Pour les huiles, voire la farine, le phénomène des achats de précaution joue à plein : les consommateurs, inquiets d'entendre que l'offensive russe en Ukraine pourrait peser sur les stocks d'huile de tournesol, dont le pays est un important exportateur, ou de blé, ont décidé d'anticiper en achetant plus qu'à l'accoutumée. La chaîne d'approvisionnement n'a pas suivi.
Mais ce n'est pas le seul facteur. Pour les oeufs par exemple, des éléments conjoncturels s'ajoutent, avec l'épidémie de grippe aviaire, mais aussi le prix de l'alimentation animale.
"70% du coût de l'oeuf c'est de l'alimentation animale", explique Jean-Philippe André, le président de l'ANIA, l'organisation professionnelle des agro-industriels. Cette dernière venant souvent de Russie et d'Ukraine, "vous avez une tension à la fois de prix et de disponibilité". Cela concerne aussi "les produits à base de viande", poursuit-il, notamment du fait de l'inflation du tourteau de soja, qui sert à nourrir volailles, porcs ou boeufs.
Et puis les chaînes d'approvisionnement internationales ont été bousculées. La Russie et l'Ukraine sont "des fournisseurs d'aluminium, de verre et de plastique recyclé" dit encore Jean-Philippe André. Certains brasseurs ou industriels qui utilisent des canettes "ont une visibilité de commande sous dix jours, et ils doivent changer en permanence leurs approvisionnements".
S'il insiste sur la nécessité de ne pas "affoler les Français", le représentant de la filière agroalimentaire réclame "de l'écoute et de la compréhension sur l'ensemble de la filière".

"Foire d'empoigne"

Car c'est une autre composante des tensions actuelles : alors que les négociations annuelles entre les industriels de l'alimentaire et les grandes surfaces, qui fixent les prix de nombreux produits en grande surface pour l'année à venir, se sont achevées le 1er mars, le gouvernement a décidé d'encourager une réouverture des discussions vu l'inflation des coûts de production (énergie, carburant, mais aussi emballages par exemple) et de la matière première agricole.
"Aujourd'hui, on vend nos porcs à 1,90 euro le kilo (en augmentation par rapport au 1,40 euro le kilo payé en janvier à l'éleveur), mais au vu de l'augmentation des coûts des intrants, on perd de l'argent", expliquait récemment la présidente de la FNSEA Christiane Lambert. "La revalorisation des prix est une nécessité".
Les discussions sont "une foire d'empoigne épouvantable", selon elle, toujours prompte à accuser les grandes surfaces de vouloir casser les prix. 
Les représentants de ces dernières, eux, se posent en défenseur du pouvoir d'achat des Français, un argument qui fait mouche dans la mesure où c'est aujourd'hui leur préoccupation première.
Le représentant de la grande distribution, le délégué général de la FCD Jacques Creyssel, a répondu "qu'un certain nombre de hausses ont déjà été acceptées par les enseignes", rejetant les critiques des fournisseurs.
Michel-Edouard Leclerc, le président du comité stratégique des centres E.Leclerc, a lui estimé en milieu de semaine sur BFMTV/RMC "qu'il n'y a pas que la hausse des matières premières qui explique la hausse des prix qu'on nous propose".