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Sécheresse printanière : quelles conséquences pour les blés et orges ?
[Bourgogne-Franche-Comté] Dans la région, les blés tendres et orges d’hiver ont épuisés la réserve en eau facilement utilisable du sol (RFU) et entrent en période de forte sensibilité au stress hydrique. Des plantes en stress hydrique combinent un flux d’eau entrant par le système racinaire insuffisant et une demande évaporative élevée. Faisons le point sur la situation et les conséquences possibles pour les cultures.
2025 au niveau de 2 années sur 10 parmi les plus sèches
Les niveaux de stress atteints sur la région en 2025 sont élevés par rapport aux références locales historiques, et du même ordre de grandeur que 2020 ou 2022. Ils s’accompagnent d’une accélération des stades liée à la hausse des températures depuis mars : des orges ont épié rapidement (figures 1 et 2).
Le stress hydrique est d’abord apparu début avril, pour être parfois temporairement levé par des pluies mi-avril. Depuis, il se creuse rapidement. Pour rappel, en médiane 20 ans, le stress hydrique apparaît à partir du stade floraison.
Figure 1 : Simulations de déficits hydriques en sols profonds en 2025 pour la station de Dijon (21) comparés avec la campagne 2022 et 2020
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Figure 2 : Simulations de déficits hydriques en sols superficiels en 2025 pour la station de Noyers (89) comparés avec la campagne 2022 et 2020
En sols profonds : la RFU du sol est vide depuis le stade méiose du blé
En sols profonds, le stress hydrique est apparu à partir du stade 2 nœuds du blé de manière modérée, puis à partir du stade méiose jusqu’à aujourd’hui de manière plus intense (figure 3). Les quelques pluies orageuses du week-end dernier n’ont pas suffi à lever le stress hydrique, d’autant qu’elles ont été très localisées.
Figure 3 : Bilan hydrique pour la variété LG Absalon, semis du 20 octobre, Limon argileux profond (RU = 120 mm ; RFU = 760 mm) à Dijon (21) – simulation issue de l’outil Irré-LIS® avec des données météo réelles jusqu’au 13 mai 2025
En sols superficiels : un stress hydrique marqué depuis le début de la montaison
En sols superficiels, le stress hydrique est apparu tôt dès le début de la montaison pendant tout le mois d’avril, pour être levé fin avril avant de replonger depuis (figure 4).
Figure 4 : Bilan hydrique pour la variété Intensity, semis du 15 octobre, Argilo-calcaire superficiel sur calcaire dur fissuré (RU = 55 mm ; RFU = 37 mm) à Noyers (89) – Simulation issue de l’outil Irré-LIS® avec des données météo réelles jusqu’au 13 mai
Et les orges ?
En sols profonds, la précocité du cycle des orges a permis de retarder l’apparition du stress hydrique puisqu’il est arrivé à partir du stade épiaison.
En revanche, en sols superficiels, comme en blé, les orges ont subi un premier épisode de stress hydrique dès le stade 1-2 nœuds.
Quelles sont les conséquences sur la physiologie des plantes ?
La fermeture progressive des stomates consécutive à un déséquilibre entre l’extraction d’eau par les racines et la demande évaporative par les parties aériennes va conduire à une réduction du flux transpiratoire et un abaissement du potentiel hydrique des organes :
- L’absorption minérale (azote en particulier) est réduite (en plus d’une potentielle mauvaise valorisation des engrais en surface) ;
- L’expansion des tissus est affectée : les feuilles en cours de développement sont plus petites, les tiges et pédoncules s’allongent moins ;
- L’accumulation de biomasse se réduit progressivement (moins de surface foliaire, dégradation de l’indice de nutrition azoté, réduction de la photosynthèse) ;
- La concurrence entre organes s’accentue : les talles les moins développées régressent et certaines fleurs avortent ;
- La mise en réserve de sucres solubles autour de l’épiaison et de la floraison est limitée, ce qui pénalise le remplissage ultérieur des grains.
Un stress hydrique courant montaison va donc affecter en premier lieu la montée à épi (% de talles qui produiront un épi fertile). S’il est durable, il va également pénaliser la fertilité épi (régression des épillets extrêmes, avortement des fleurs centrales. Le remplissage du grain peut être fortement affecté par le stress hydrique de fin de cycle, surtout si la culture n’a pas constitué de réserves mobilisables. A l’inverse, la compensation via le poids de mille grains (PMG) reste assez limitée, pour deux raisons. D’une part, le PMG reste relativement peu plastique : une variété à « petits grains » ne fera jamais de gros grains. D’autre part, la structure du couvert peut avoir été définitivement affectée par un stress antérieur : réduction de la surface foliaire effective, réduction du statut azoté et/ou absence de réserves remobilisables.
Ces conclusions sont confirmées par un essai Irrigation conduit en 2009 à Pusignan (tableau 1).
Tableau 1 : Conditions climatiques rencontrées et composantes de rendement mesurées dans l’essai CSVS 2009 de Pusignan
Et concrètement pour cette campagne ?
Contrairement aux dernières années de sécheresse (2011, 2020, 2022), il semblerait que la valorisation des engrais ait été globalement satisfaisante : anticipation des apports par les agriculteurs, petites pluies au bon moment. On ne superposerait donc a priori pas de difficulté de valorisation azotée au stress hydrique.
Par ailleurs, la campagne se caractérise par une faible pression septoriose. Les faibles pressions maladies observées les années sèches concourent en général à « limiter la casse », voire parfois à permettre de bonnes surprises. Par contre, les maladies du pied causées par l’humidité hivernale récurrente peut affecter les fins de cycles ; elles n’ont pas encore été signalées dans les observations régionales, mais pourraient avoir un effet très pénalisant si elles se cumulaient à des conditions de stress hydrique intense.