SIMA : « show must go on »

[Edito] Si le scepticisme, voire le SIMA bashing, auront parasité l’édition du centenaire, constructeurs et agriculteurs ont répondu de la meilleure des manières, les premiers par leur frénésie de solutions, les seconds par leur passion inaliénable. Mais le SIMA a tout de même un gros défi à relever.

« Show must go on » : c’est par ces mots que Bernard Krone, président de la société éponyme, a accueilli les journalistes français au pied de son robot Combined Powers, l’attraction phare du salon, développé en partenariat avec Lemken. En quatre mots, un constructeur allemand remettait l’église au centre du plus gros village français : Paris. « Se voir en face à face, rencontrer les clients, leur montrer nos machines (...) tout le monde doit faire le déplacement (...), l’industrie doit se serrer les coudes, rester solidaire (...) la France et l’Allemagne mais aussi le reste du monde (...) il y a de la place pour un salon en France, en Italie et en Allemagne », a argumenté le gentleman Bernard Krone, en référence aux salons EIMA (Bologne) et Agritechnica (Hanovre).

La sacro-sainte « expérience client »

En quelques phrases, un « maréchal-ferrant », comme s’est humblement dépeint Bernard Krone, coupait court aux pseudo-guéguerres entre salons et au procès en déclinisme auquel le SIMA a dû faire front ces dernières semaines : trop cher (pour les exposants), trop franco-français (voire inféodé au grand bassin parisien), trop marqué grandes cultures, trop peu de nouveautés exclusives, voire de de nouveautés tout court (selon la presse, trop blasée ?) et enfin trop de constructeurs absents, et pas des moindres.

Trop cher ? Qui a alimenté la course à l’armement avec des méga-stands ? Qui surfe depuis des années sur une croissance annuelle à deux chiffres ? Qui n’a pas rehaussé ses marges bénéficiaires ? Qui n’a pas repoussé les murs de ses usines ? Qui a les carnets de commande pleins à craquer pour 2023 au point d’être frustrés face à des agriculteurs avides d’investir ? Qui est dopé à France Relance, à France 2030 ? Réponse : les constructeurs, les présents comme les absents. Cela n’a pas empêché certains de réduire leur présence à un seul et unique tracteur (finlandais) ou à un seul et unique semoir (suédois), quand bien même universel, au nom de cette fameuse « expérience client »... Le dernier mantra en date du marketing a laissé quelques visiteurs perplexes, même si fondamentalement, l’attelage d’un tracteur et d’un semoir, c’est le début de l’aventure du vivant, pour paraphraser le ministère de l’Agriculture.

Nourrir son monde

Le ministre de l’Agriculture justement, a fait le déplacement à deux reprises au SIMA. « Ce qu’il y a de meilleur et que l’on va célébrer ce soir, il faut que l’on puisse le retrouver très vite et massivement dans les cours de ferme », notamment pour faire face « au dérèglement climatique qui met en stress le monde agricole » a déclaré Marc Fesneau à l’occasion de la remise des Innovation Awards. Le concours des Farming Awards, une des nouveautés du centenaire, était justement là pour en témoigner de cette appropriation des enjeux et des solutions par les agriculteurs, avec en prime une ouverture européenne.

Quel agriculteur met chaque jour un pied sur sa terre sans l’obsession de l’adaptation ? Quel constructeur franchit quotidiennement la porte de son usine sans l’obsession de la solution ? Le SIMA 2022 était bel et bien le reflet de cette agriculture tout en questionnements et tout en mouvement, au sein des stands, ceux des entreprises comme des institutionnels, et au travers des cycles de conférences. Qu’on le veuille ou non, relever les défis agronomiques, environnementaux, énergétiques et sociétaux passera, pas seulement, mais inévitablement, par un faisceau Isobus, un onduleur, un capteur, de l’intelligence artificielle, un écran tactile ou encore un réseau 5G, même si cet asservissement à l’AgTech peut légitimement nourrir son lot d’interrogations, en plus de chercher à nourrir son monde.

Gare au déclassement...

Pour ce qui est des grands absents de ce SIMA (Argo Tractors, Carré, JCB, Kverneland, Manitou, Michelin, Same Deutz-Fahr...), il appartiendra à Axema de les convaincre qu’ils ont eu tort, et de prévenir d’éventuelles nouvelles défections majeures. Car faire le déplacement à Paris pour ne pas voir des marques présentes à Cournon et à Rennes, à Outarville et Ondes, à Châlons-en-Champagne, à Beaucroissant ou encore à Poussay, cela ne manque pas d’interpeller les visiteurs et pas seulement les coureurs de casquettes. Malgré un SIMA pas complètement international (et alors ?), moyennement national (mais ce n’est pas nouveau), et évidemment pas exhaustif (mais qui l’est ?), la France, première puissance agricole de l’UE, ne peut pas se résoudre au risque de son déclassement.

... déplacement en gare

Le SIMA avait bien démarré avec une pluie doublement salvatrice, pour les champs et pour la fréquentation. Il s’est achevé avec une grève de la RATP compliquant les accès, y compris routiers et hypothéquant l’attractivité. Dès le mercredi matin, on pouvait entendre sur les quais : « dans la mesure du possible, limitez vos déplacements », une variante du « restez chez vous » qui prévalait pendant la crise sanitaire. Heureusement, la veille du mouvement de grève, l’ex-monsieur déconfinement puis ex-Premier ministre était jugé apte à devenir le prochain PDG de la RATP. Tout cela évidemment pour achever de faire du prochain SIMA le grand événement mondial de l’année 2024 (24-28 novembre). Courage Monsieur Castex, bon travail à Axema et, à la veille de ce 11 novembre, merci Monsieur Krone.