[Témoignages] On essaie de stimuler leur curiosité, de les inciter à l’analyse la situation

Deux agriculteurs expliquent leur rôle de formateur ou d’évaluateur.

Croiser l’apport de connaissances et l’expérience du monde professionnel est une ligne forte de la formation agricole. Cela suppose un engagement auprès des jeunes.

Mathieu Bouteiller, (33 ans) éleveur de bovins lait à Sainte-Pazanne + photo (crédit DR)

« J’ai accepté de participer régulièrement aux évaluations des jeunes de la MFR de Carquefou car j’y ai été moi-même élève ! C’est normal de rendre ainsi la pareille, comme d’accueillir régulièrement des apprentis et des stagiaires dans mon exploitation. Et puis, on sait qu’il est important de transmettre son savoir. En assistant à leur examen, je me rends compte de ce qu’ils apprennent et je peux insister sur quelques notions-clés qu’ils n’ont pas comprises : des petites règles liées aux productions que l’on connaît par cœur dans nos pratiques mais qu’eux, en tant qu’élèves, n’ont pas assimilé car ils n’ont pas encore notre logique professionnelle. Par exemple, je réexplique souvent un calcul que je considère basique, celui de la dose d'ammonitrate à apporter à la parcelle (un simple calcul en croix !). On met du professionnalisme dans les connaissances.

Mon rôle n’est pas de saquer ceux qui ne savent pas ! J’essaie de les faire réagir, de les mettre en condition pour que, le jour de l’examen, tout se passe au mieux. Je conseille aux jeunes de s’exercer le plus possible, avec leur maître de stage, leur famille, même auprès de gens qui n’y connaissent rien (ça permet de retravailler des questions auxquelles ils n’auraient pas pensé). Ils doivent aussi bien connaître les règles de base pour ne pas se bloquer et stresser sur des sujets simples. Leur présence en entreprise est toujours l’occasion de profiter du savoir des professionnels, ne pas hésiter à les interpeller. Il n’y a pas de question bête ! »

 

Matthias Michel, 40 ans, éleveur à Bouvron (en Gaec avec son épouse), formateur en Bac pro agricole +photo (en attente)

« Depuis six ans, j’interviens à la MFR de Carquefou comme formateur auprès des trois niveaux de Bac professionnel CGEA (Conduite et gestion d’une entreprise agricole). Aujourd’hui, cela représente six heures de cours par semaine. Avec un collègue, nous préparons les élèves à une épreuve orale technique. J’ai aussi enseigné l’agro-équipement, jusqu’en juin dernier. Mes élèves savent que je suis par ailleurs chef d’exploitation. Je pense que cela crée un certain lien. Ils me questionnent régulièrement sur des sujets techniques, me demandent mon avis en tant qu’agriculteur. Je suis très vigilant à la façon dont je m’adresse à eux, sans jugement, sans étiquette (ma femme, avec qui je suis associé au sein du Gaec, est engagée syndicalement). Je suis devant eux pour partager des connaissances et pas pour commenter. Devenir formateur a été pour moi, d’abord, une bouffée d’oxygène morale et financière. Installé en 2008 avec mon épouse, nous avons aussitôt subi la crise du lait. La pression était très forte jusqu’à fragiliser ma motivation. Sortir de l’exploitation m’est apparu comme une façon de prendre du recul et de me remobiliser. Très rapidement, le contact avec les jeunes a été très bon ! Leur vitalité est un vrai moteur. Ça fait du bien d’être au milieu de cette jeunesse motivée alors que le contexte agricole est souvent dans la sinistrose. J’essaie de stimuler leur curiosité, de les inciter à l’analyser et au questionnement. À 40 ans, j’apprends encore des choses tous les jours, à moi de leur donner cette envie d’ouvrir les yeux sur ce qui les entoure. »