Thomas, installé en maraîchage : « Dans ce métier, je ne vais jamais m'ennuyer »

À Saint-Julien de Concelles, en pleine vallée maraîchère nantaise, Thomas Jussiaume a pris la suite de son père, producteur de mâche. Cultiver cette salade délicate a toujours exigé des compétences techniques importantes. Le jeune maraîcher va continuer dans cette voie de l'amélioration technique, mais en prenant plus en compte la vie de son sol.

Il n'avait pas prévu de rester dans la mâche... Fils d'un maraîcher producteur de cette petite salade emblématique du bassin nantais, Thomas Jussiaume se voyait plutôt dans l'industrie, par exemple, chez Airbus, un autre fleuron régional. Mais après son bac scientifique, son DUT en génie mécanique et productique, et un stage en entreprise, l'envie d'agriculture le rattrape soudain : c'est une grosse remise en question, mais Thomas est désormais déterminé à poursuivre sa formation dans l'enseignement agricole.

Toutefois, pour pouvoir bifurquer vers un cursus agricole supérieur, Thomas doit d'abord emprunter une passerelle agricole : il prépare en un an un BTS Acse (Analyse et conduite des systèmes d'exploitation) où il élargit ses connaissances à la production laitière et animale. A l'issue de ce BTS, les portes de l’École d'agriculture d'Angers s'ouvrent, et il peut retrouver son sujet de prédilection : la production végétale spécialisée. Il réalise notamment des stages en recherche maraîchère et chez un semencier aux Pays-Bas.

Une envie de pratique

Son diplôme en poche, en 2020, Thomas aurait pu continuer son aventure agricole en tant que conseiller ou technico-commercial, une carrière qui aurait rassuré ses parents, notamment son père, Alain, qui sait combien le métier de maraîcher, certes très complet, n’est pas facile. Mais Thomas ne veut ni conseiller les agriculteurs, ni leur vendre des intrants. Il a envie de « mettre en pratique » ses connaissances acquises à l'école d'agriculture et dans ses stages : il demande donc à son père de s’investir au sein de l’entreprise familiale. « L’agriculture, c'est là qu'il faut être pour construire le monde de demain... ».

L'entreprise est, en outre, à un moment charnière. Elle vient en effet d’intégrer une organisation de producteurs nouvellement créée sur le bassin nantais : Ydéal. Cette OP, qui regroupe 9 maraîchers, dont 4 producteurs de mâche, est une « petite structure », plus resserrée et agile, plus transparente et proche de ses adhérents que de plus grosses coopératives.

Au moment même où naît officiellement Ydéal (et sa marque en GMS Le potager de Jade), Alain accède à la demande de son fils, et lui cède, non sans « quelque fierté », la gérance de la société familiale qui compte 60 hectares et quatre salariés. Il en reste toutefois co-associé, ce qui permet à Thomas de ne pas avoir à racheter tout de suite la totalité de l’entreprise.

L'installation de Thomas s'est faite au moment de la naissance de l'Organisation de producteurs Ydéal : « On s’y investit pour une prise de décision commune » Thomas (à droite) est aux côtés d'Anne-Lise Billant, la directrice de l'OP, présidée par Anne-Claire Goyer (à gauche). Crédits photo : Jean-François Mollière/Ydéal

En s'installant sur l'entreprise de son père, avec la même production (même si une culture de navets s’est rajoutée en plus de la mâche), Thomas Jussiaume ambitionne de créer de nouveaux projets, de se renouveler dans le système. « Mon père était de la génération qui a produit des aliments en quantité. Ce que j'ai appris dans mes études, c'est que ma génération doit être celle qui pratique une agriculture résiliente : nous aurons un climat plus dur pour les plantes, avec des températures plus élevées plus longtemps, des précipitations importantes en de courtes périodes, le tout combiné à des prix des intrants élevés. Nous devrons produire autant, voire plus, avec moins. Je pense que c'est possible, mais il faudra aussi que tout le monde joue le jeu : à savoir les partenaires commerciaux, les consommateurs et les politiques agricoles ».

Évoluer vers une agriculture encore plus responsable

Thomas ne peut cependant pas tout révolutionner sur son exploitation : il lui faut en effet assurer la production prévue pour garantir la viabilité économique de son entreprise comme de son organisation de producteurs. Mais des changements doivent s’opérer : par exemple, Thomas ne voit pas la planche maraîchère « uniquement comme un support de culture inerte », mais bien comme un sol vivant. L'un de ses objectifs est d'y favoriser une vie microbienne, la compétition entre « bons » et « mauvais » microorganismes pouvant contribuer à produire une mâche saine.

Thomas s'engage donc vers une diminution du recours aux pesticides, et investit dans des engrais verts chaque année en inter culture. « Nous implantons un sorgho, un seigle ou un mélange, que nous détruisons mécaniquement par broyage. Cela nous permet de ne pas utiliser d’herbicide lorsque nos parcelles ne sont pas en production ». Ces plantes aident aussi à structurer le sol et à limiter son l’érosion. Le jeune maraîcher a conduit un nouvel essai cette année, toujours dans cet objectif de « nourrir le sol » : il a apporté de la matière organique sous forme de compost sur certaines planches. « Mes premières constations semblent confirmer que la mâche est plus vigoureuse sur ces sols vivants ».

Pour l'heure, Thomas produit de la mâche de manière classique dans le Pays nantais : en pleine terre, sous petits abris plastiques. Mais il est prêt à explorer d'autres techniques. Crédits photo : Catherine Perrot

« M'occuper de mes sols, c'est un investissement sur l'avenir ». Le chemin pour relever tous les enjeux techniques de demain est encore long : pour y parvenir, Thomas peut compter sur le service culture d’Ydéal, chargé d’accompagner tous les producteurs de l’OP dans cette démarche de progrès et d’adaptation. Une première belle reconnaissance de ce parcours a permis à l’exploitation d’être certifiée HVE (haute valeur environnementale).

Pour un chef d'entreprise en maraîchage, les sujets techniques ne sont pas les seules préoccupations, puisque les aspects commerciaux, organisationnels, réglementaires, managériaux, etc., sont aussi très importants. « Avant de me lancer dans le grand bain de l'installation, c'est vrai que j'ai eu un peu d’inquiétudes sur tous ces aspects... Mais je me suis dit, "arrête de réfléchir, fonce ! Tu auras plein de défis dans cette vie professionnelle, tu ne t'ennuieras jamais !" ».