Trois visions du pastoralisme à l’horizon 2035

Baisse de la consommation de viande, impacts du changement climatique sur la ressource fourragère, concurrence pour l'usage du foncier, attractivité déclinante du métier de berger, incertitudes sur l'avenir de la Pac, prédation... : le pastoralisme fait face à plusieurs défis. Une étude prospective du ministère de l’Agriculture échafaude trois scénarios à l’horizon 2035.

Présent principalement dans les massifs montagneux ainsi que sur le pourtour méditerranéen, le pastoralisme couvre entre 1,6 et 1,8 millions d’hectares, soit 6% environ de la Surface agricole utile (SAU). On recense environ 40.000 élevages pastoraux, qui ont pour point commun la pratique d’un pâturage extensif, tout ou partie de l’année, valorisant les ressources fourragères des espaces naturels.

Le pastoralisme a aussi des dimensions culturelles, sociales et environnementales. Historiquement, il a contribué à façonner les paysages et l'organisation économique des populations rurales. Il revêt une dimension patrimoniale, au travers de la transhumance, de la figure du berger, de la typicité du bâti (cabanes, abreuvoirs, etc.), de l’entretien des paysages ouverts et de la gastronomie (signes de qualité et d’origine), autant d’éléments favorables au tourisme. Le pastoralisme joue aussi un rôle positif dans la préservation de la biodiversité et la prévention de risques naturels (incendies, avalanches). Mais il est exposé à différentes menaces, naturelles, économiques et sociologiques, qu’une étude du ministère de l’Agriculture a appréhendées, en dessinant trois horizons possibles à l’échéance 2035, en lien avec le Plan national d’actions sur le loup et les activités d’élevage 2018-2023.

Scénario « Pasto durable »

Dans ce scénario, le soutien de la société française en faveur du pacte agro-écologique se renforce. Les modes de consommation fondés sur des produits de qualité permettent aux éleveurs d'augmenter leurs marges. La reconnaissance par la société des aménités environnementales, patrimoniales et paysagères du pastoralisme conforte également les soutiens publics. On assiste par ailleurs à la mise en place d’une protection aux frontières de l’Union européenne et d’un cahier des charges améliorant la compétitivité des filières pastorales. Afin de protéger et de prolonger le modèle de l’exploitation familiale, beaucoup d’initiatives et d’investissements permettent aux élevages pastoraux de s’adapter au changement climatique. Les métiers sont plus attractifs, sous l’effet d’une meilleure valorisation des produits et du développement des paiements pour services environnementaux. Dans ce scénario, la viabilité du loup est acquise, autour d’un effectif de 500 spécimens en France. En 2035, les élevages pastoraux voient ainsi vu leur situation économique et sociale progresser mais des points de vigilance persistent en matière de coûts budgétaires et de compétitivité sur les marchés européens et internationaux.

Scénario « Pasto, un produit régional »

Dans ce scénario, les budgets publics sont resserrés et la Pac est remplacée par des dispositifs régionaux inégaux. Les élevages pastoraux montagnards résistent bien, favorisés par un fort soutien des acteurs locaux et par le changement climatique qui allonge et augmente la productivité fourragère. En revanche, dans les zones intermédiaires, le pastoralisme s’efface, car moins rentable, moins reconnu, davantage concurrencé par la méthanisation et pénalisé par le loup. L’État décentralise les plans loups dont les méthodes d’intervention, les taux d’aide à la protection et l’indemnisation des attaques dépendent d’une négociation avec les partenaires financiers locaux. Des zones de chasse et de réserve sont mise en place. Les zones pastorales les plus attaquées régressent. Sur les zones pastorales restantes, on observe une cohabitation entre élevages pastoraux et grands prédateurs, à budget de protection et d’indemnisation par éleveur équivalent à celui de 2020.

Scénario « pasto libéralisme »

Dans ce scénario, les aides de la Pac diminuent forment et affectent également les pratiques agroécologiques et dont le pastoralisme. Une minorité d’élevages traditionnels résiste grâce au maintien de filières locales et au sein de zones réunissant des conditions favorables (signes de qualité, reconnaissance de la valeur patrimoniale et touristique). Sur les espaces délaissés, de gros investisseurs privés et publics (fonds d’entreprises, États étrangers, etc.) achètent d'importantes unités foncières, parfois aux collectivités en manque de ressources financières. Au sein de ces espaces, se développent de larges parcs à moutons protégés, excluant de fait les prédateurs mais également les autres usagers (touristes, randonneurs),ou de gros troupeaux de type ranching misant sur les nouvelles technologies, le volume et le recours à des salariés immigrés. Les plus petites unités foncières sont « privatisées » pour la production de bio-masse ou la compensation carbone. Les enjeux associés aux grands carnivores s’amenuisent au cours du temps, et ceci sans modification de la réglementation de protection de ces espèces. En effet, des parcs à moutons excluant les loups ou à l’inverse des zones d’intérêt « loups » à visée touristique sont aménagés.