La transhumance inscrite au Patrimoine culturel immatériel de l’humanité

Dix pays, dont la France, viennent de décrocher le précieux sésame de l’Unesco. La candidature française s’est doublée d’un Plan de sauvegarde et de valorisation de la transhumance. Rendez au Salon de l’agriculture pour la remise officielle du Certificat et une mini-transhumance.

« Si cette reconnaissance est accordée à la transhumance, elle la devra à tous les transhumants et pastoraux qui nous ont précédé ainsi qu’à tous les acteurs publics ou privés qui aujourd’hui l’enrichissent et œuvrent pour sa transmission aux générations futures. Dans un contexte d’instabilité climatique, environnemental, économique, sanitaire, social et sociétal, nous sommes fiers de pouvoir contribuer à ce projet positif, valorisant, fédérateur et bientôt inscrit dans le bien commun de l’humanité ». C’est ce qu’avait déclaré en 2020, Jean-Luc Chauvel, éleveur ovin en Haute-Loire et alors président (et fondateur) du Collectif des races locales de massifs (Coram), lorsque le Comité du patrimoine ethnologique et immatériel avait rendu un avis favorable à l’inscription de la transhumance sur la liste représentative du Patrimoine culturel immatériel (PCI) de l’humanité de l’Unesco.

« La transhumance, déplacement saisonnier de troupeaux »

C’est désormais officiel : « La transhumance, déplacement saisonnier de troupeaux » est depuis le 6 décembre inscrite sur la liste représentative du Patrimoine culturel immatériel (PCI) de l’humanité de l’Unesco. C’est la récompense d’un travail collectif entamé en 2019 par le Coram et son Comité de pilotage, incluant les acteurs du monde pastoral des différents massifs et territoires concernés, de multiples organismes nationaux et les services de l’Etat, notamment des ministères de la Culture et de l’Agriculture.

La transhumance, du latin « transumere » (« trans » signifiant « de l’autre côté/au-delà » et « humus », « le sol/la terre »), est une forme de pastoralisme, un déplacement saisonnier de personnes et de leur bétail (moutons, vaches, chèvres, chevaux, ânes, etc.) entre plusieurs régions géographiques et/ou climatiques le long de sentiers pastoraux traditionnels. En France, elle pratiquée dans 6 territoires principaux : les Alpes et la Provence, la Corse, le Jura, le Massif central, les Pyrénées et les Vosges.

Pratique ancestrale, la transhumance découle d’une connaissance approfondie de l’environnement. Elle implique des pratiques sociales et des rituels relatifs aux soins, à l’élevage et au dressage des animaux ainsi qu’à la gestion des ressources naturelles. Tout un système socioéconomique s’est développé autour de la transhumance, de la gastronomie à l’artisanat local en passant par les festivités marquant le début et la fin d’une saison.

Les différents types de transhumance :

• La transhumance estivale ou « verticale » : elle correspond à la montée des troupeaux originaires des basses régions vers les pâturages d'altitude d’été, permettant l’accès aux ressources en herbe restant vertes en cette saison. Ces pâturages d’été sont appelés par les transhumants « alps, aups ou alpages » dans les Alpes, « montagnes » dans les Alpes, le Jura et le Massif Central, « estives » dans le Jura, le Massif central, les Pyrénées et en Corse, et « chaumes », selon le terme des marcaires, dans les Vosges. Cette transhumance estivale s'effectue sur des distances très variables, souvent courtes en dehors des Alpes. Elle dure 3 à 5 mois.

• La grande transhumance : c’est est une spécificité alpine pour l’essentiel même si elle peut encore se rencontrer dans le Sud du Massif Central et les Pyrénées. Elle qualifie les déplacements de troupeaux ovins de Provence vers les hautes montagnes provençales, dauphinoise et savoyardes l’été et, concernant 500.000 ovins, demeure l’exemple le plus emblématique des transhumances en France.

• La transhumance hivernale ou « inverse » : elle qualifie le déplacement des troupeaux ovins et bovins d'altitude vers les basses terres l'hiver venu, économisant de forts besoins en fourrages. La transhumance double concerne des élevages situés en moyenne montagne, qui transhument deux fois, vers des parcours méditerranéens l’hiver et des estives d’altitude l’été.

• La transhumance horizontale : elle voit le troupeau changer de zone pastorale, sans changer d'altitude. Cette transhumance concerne un petit nombre d’élevages actifs dans des régions de plaines et n’est pas pratiquée pour des raisons climatiques, mais par manque de terre.

Une pratique difficilement quantifiable

Selon le Coram, la transhumance est une difficilement quantifiée au niveau national. La transhumance collective, la mieux documentée, concerne 7800 éleveurs et des effectifs de 1,05 million d’ovins, 170.700 bovins, 13.800 équins et 10.100 caprins. Ces troupeaux transhument sur 530.000 ha de surfaces pastorales collectives réparties dans les différents massifs montagneux (Alpes, Massif Central, Jura, Pyrénées et Corse) mais aussi sur des zones pastorales collectives réparties un peu partout en France (et notamment la Provence et la Normandie). Par contre, les déplacements de troupeaux sur d’autres types de surfaces (surfaces privées, en fermage ou en location saisonnière, …) sont aujourd’hui moins bien quantifiés alors qu’ils représentent aussi un aspect important de l’activité de transhumance, notamment dans le Massif Central (où ce type de transhumance est largement majoritaire), en Provence (éleveurs herbassiers) et dans les Pyrénées (bergers sans terre, transhumance hivernale dans les vignes de Gironde).

De la même façon, le nombre d’emplois de bergers et de vachers salariés participant à la transhumance aux côtés des éleveurs est aujourd’hui difficile à quantifier au niveau national, selon le Coram. « Pourtant ce métier est aujourd’hui en pleine évolution et constitue une part importante de la dimension socio-économique de cette pratique. De plus, il prend une part non négligeable dans le renouvellement des générations d’éleveurs, en débouchant pour certains d’entre eux sur une installation ».

Un plan de sauvegarde

La candidature française s’est doublée d’un Plan de sauvegarde et de valorisation de la transhumance (PSVT), destiné à mieux documenter la pratique mais surtout à prévenir les menaces pesant sur métiers (perte d’attractivité, faible rentabilité, manque de visibilité dans les instances...) sur les espaces (pertes de surfaces, changements d’usage..., sur les troupeaux (prédation, pathologies, coexistence des espèces...), sans oublier les risques liés aux enjeux environnementaux (adaptation au changement climatique, risques d’exclusion du pâturage dans les espaces protégés). « L’inscription de la transhumance permettra d’en reconnaitre le rôle comme source de résilience sociale et économique, a réagi le ministère de l’Agriculture. Elle soutiendra également les politiques publiques visant à protéger cette pratique face au risque de prédation par le loup, par exemple, et influencera les stratégies nationales de développement durable ».

Pour fêter l’événement, le Comité du pilotage animé par le Coram donne rendez-vous au Salon de l’agriculture pour la remise officielle du Certificat d’inscription de la Transhumance au Patrimoine culturel immatériel et l’organisation d’une mini-transhumance.