A défaut de mot d’ordre national, c’est une convergence des luttes régionale qui s’est engagée la semaine dernière au sein des fédérations locales de la FNSEA et des JA et qui va se poursuivre dans les jours à venir. Après les éleveurs du Massif central qui ont roulé sur Lyon et Clermont Ferrand le 25 mars, c’est désormais au tour des agriculteurs du grand Bassin parisien (des Hauts-de- France à l’Eure-et-Loir et de la Seine-Maritime à l’Aube) de converger vers les lieux de pouvoir à la veille du weekend de Pâques. D’autres mobilisations sont prévues dans les jours à venir en Bourgogne-Franche-Comté, Centre-Val de Loire ou encore Haute-Garonne. « C’est un premier coup de semonce, prévient Damien Greffin, président de la FRSEA Ile-de-France. Si l’on n’arrive pas à se faire entendre, on ira sur Paris ».

Le flou qui règne autour de la déclinaison française des éco-régimes, le futur paiement vert, cristallise les craintes. « D’après nos projections à l’échelle du Bassin parisien, ce sont 70 à 80% des agriculteurs dans l’état actuel des choses qui ne bénéficieraient pas de l’éco-régime », fait savoir Damien Greffin. Soit « une perte de 60 à 80 euros par hectare » estime-t-il. « Nous souhaitons que cet éco-régime emmène tous les agriculteurs dans une démarche de progrès, mais il faut que ce soit progressif : si on met la barrière trop haute, on va laisser une bonne partie des agriculteurs au bord de la route », prévient-il.

Économie et écologie

Interrogé à ce sujet, le ministre de l’Agriculture s’est voulu rassurant. « J’entends des inquiétudes qui disent que seuls 25% des agriculteurs seront concernés et auraient accès à cet éco-régime. C’est faux : nous voulons un éco-régime qui soit accessible, qui soit juste, qui accompagne et qui prenne en compte les efforts déjà réalisés », a-t-il dit à l’Assemblée nationale le 30 mars.

Pas de quoi rassurer des agriculteurs remontés contre un projet de Pac jugé inéquitable et déconnecté de l’économie. « L’agriculteur produit en fonction d’un marché. Là, on prend la problématique à l’envers, s’agace Stéphane Sanchez, directeur de la FNSEA grand Bassin parisien. On nous emmène sur un terrain agroécologique sans forcément s’assurer que l’on aura le marché derrière. Faire du bio, très bien, à condition de pouvoir le vendre 30 % plus cher. Si c’est pour faire du bio au prix du conventionnel, c’est la mort de l’agriculture. »

Faire évoluer aussi la demande

Dans une étude publiée fin mars, l'Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri) avance quelques pistes permettant d’accompagner la transition agroécologique de façon juste, à la fois pour les agriculteurs et pour les consommateurs. Selon ses conclusions, seules des mesures politiques fortes faisant évoluer l’offre, la demande et l’organisation des marchés permettront une transition juste, avec le maintien de l’emploi et du revenu agricole. A contrario, une approche uniquement centrée sur l’enjeu du climat s’accompagnerait d’impacts économiques importants sur les exploitations agricoles.

Et de proposer plusieurs mesures : développer des campagnes de communication dotées de moyens beaucoup plus importants que ceux en place aujourd’hui, améliorer l’information du consommateur sur les produits en matière environnementale, voire sociale, accélérer les évolutions de la restauration collective ou encore développer des chèques alimentaires. « Intervenir sur la demande et l’organisation des marchés apparaît déterminant pour aboutir à de nouveaux équilibres marchands, faisant se rencontrer une offre alimentaire socialement juste et environnementalement vertueuse avec une demande effective », indique l’institut, rappelant également l’enjeu crucial d’harmoniser les conditions de production entre les différents pays européens.