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La moitié nord de la France mobilisée contre la future Pac
Patates pourries déversées devant la sous-préfecture du Havre, opérations escargots sur des grands axes franciliens : plusieurs milliers d'agriculteurs manifestaient vendredi 2 avril pour adresser un "avertissement" au gouvernement contre la réforme de la Pac.
Selon la FNSEA grand Bassin parisien - la section qui était à l'origine de l'appel à manifester, 5.000 agriculteurs étaient mobilisés sur douze départements, d'une partie de la Normandie à une partie de la Champagne-Ardenne, en passant par l'Ile-de-France et les Hauts-de-France. Dans le viseur des manifestants, la mise en place des éco-régimes dans la future politique agricole commune (Pac), un financement qui sera conditionné à des pratiques plus respectueuses de l'environnement, et qui laisserait selon eux trop d'agriculteurs au bord de la route.
Des représentants des manifestants ont profité d'un déplacement du ministre de l'Agriculture Julien Denormandie dans le Loiret pour lui faire part de leurs doléances. "Il entend et il est dans la concertation. On ne peut qu'être satisfait de cet échange mais on lui a rappelé qu'il fallait des actes", a déclaré Florent Leprêtre, président de la FNSEA Centre Val de Loire, au terme d'"un temps d'échange de plus de deux heures".
"Ce matin on a eu une grande discussion de travail (...) avec l'ensemble des acteurs du monde agricole" pour "voir comment la nouvelle politique agricole commune peut les accompagner", a déclaré M. Denormandie lors d'un point presse à Orléans. "Il faut évidemment que cette nouvelle politique agricole commune soit accessible, c'est mon engagement", a-t-il affirmé, rappelant rien n'était tranché concernant la répartition de ces aides.
"Avertissement" à Emmanuel Macron
Derrière le péage de Saint-Arnoult, dans les Yvelines, une ribambelle de tracteurs se sont garés vers 6h autour d'un petit rond-point, pour bloquer les axes stratégiques menant à Orléans, Etampes ou encore Chartres. "On veut lancer un avertissement à Emmanuel Macron" dont "on ne partage pas la vision" de la réforme de la Pac, explique Damien Greffin, président de la FNSEA grand Bassin parisien, sur le rond-point.
"Tout le monde n'est pas parti en tracteur, il y a différentes formes de mobilisations", a précisé une porte-parole de la FRSEA Ile-de-France. "Beaucoup sont en rendez-vous avec leurs parlementaires ou avec les préfets, et certains se sont déplacés en voiture pour rejoindre les convois ou les accompagner."
Perte de "80 euros par hectare"
Au Havre, selon un responsable de la police, 25 à 30 agriculteurs à bord de 18 tracteurs ont déversé 11 bennes de déchets (souches d'arbres, pneus, betteraves pourries, patates pourries) devant la sous-préfecture. A Lille, une trentaine de tracteurs ont été parqués autour de la préfecture, où une délégation a été reçue. L'action était rythmée par les retentissantes déflagrations d'un effaroucheur à volatiles.
La réforme envisagée équivaudrait à "180 millions d'euros en moins par an pour les Hauts-de-France" d'aides de la Pac, a calculé le président de la FDSEA Nord, Laurent Verhaeghe, pour qui "le risque serait de nous faire payer la transition écologique".
Amaury Babault, 31 ans, céréalier sur 150 hectares à Ablis (Yvelines), représente la "sixième génération" d'agriculteurs de sa famille. Il "en espère une septième, si M. Macron veut bien encore des agriculteurs dans quelques années". Mais il calcule que s'il perd "80 euros par hectare" d'aides de la Pac, ce sera 12.000 euros en moins chaque année dans son exploitation.
"Une pression indécente"
La plateforme Pour une autre Pac, qui regroupe 46 organisations paysannes, de protection de l’environnement et du bien-être animal, a de son côté "fait part de sa très vive opposition aux revendications exprimées par cette partie de la profession agricole". Dans un communiqué, elle "dénonce leur tentative d'affaiblissement dramatique de l'ambition de la réforme de la Pac et s'inquiète de l'écho que pourrait trouver leur démarche dans les décisions gouvernementales imminentes sur ce dossier".
Pour la Confédération paysanne, "les producteurs de grandes cultures de la FNSEA, gros bénéficiaires des aides européennes, mettent une pression indécente sur l'exécutif pour que rien de change".